Classroom of the Elite chapitre 20

Travail d'équipe compromis

Bien que je dormais à poings fermés, je parvins à capter les filles en pleine conversation. Celles-ci ne semblaient pas très contentes.

— Hé, les gars, c’est l’heure de se réunir !

À peine avait-elle eu le temps d’ajouter autre chose que tout le monde se leva rapidement et bondit de rage. M’étant couché à l’aube, je n’en pensais pas moins, néanmoins je me contentai de frotter mes yeux somnolents.

Sudou — C’est quoi ce bordel ? Je suis claqué ! lança Sudou, plus irrité que jamais, le visage transpirant d’énervement.

Hirata  — Qu’est-ce qui se passe ?

Shinohara — Hirata-kun… Désolée d’être aussi brusque, mais peux-tu réveiller les autres garçons ? C’est urgent !

Shinohara avait vraiment l’air confuse et désolée. Enfin, cela importait bien peu finalement. Un peu plus loin, les filles nous regardaient avec insistance.

Hirata  — Compris. Ils ne vont pas tarder à sortir, je leur laisse quelques petites minutes encore.

C’est à moitié réveillés que les garçons se montrèrent devant les filles, les assassinant du regard. La situation semblait vraiment sérieuse,  je ne les avais jamais vues comme ça.

Hirata  — Alors, expliquez-nous donc ce qui vous arrive.

Shinohara — Désolée Hirata-kun, tu n’es pas vraiment concerné à vrai dire… Mais nous devons d’urgence vérifier quelque chose.

À l’exception d’Hirata, Shinohara nous lança à tous un regard noir.

Shinohara — Hé bien voilà… Ce matin, Karuizawa-san a signalé que sa culotte était introuvable. Je pense que vous voyez où je veux en venir ?

Hirata — Eh… SA CULOTTE ?

Même Hirata, d’ordinaire toujours serein, semblait mal à l’aise face à cette requête inattendue. D’ailleurs, où était passé Karuizawa ?

Shinohara —  Karuizawa est en pleurs dans sa tente. Kushida et les autres tentent de la réconforter mais…

— Heiiiin ? Et donc qu’est-ce que ça a à voir avec nous ?

Shinohara — Hé bien nous sommes arrivées à la conclusion que quelqu’un s’en est emparé au beau milieu de la nuit. D’ailleurs, on se demande encore pourquoi il n’a pas tout pris, tant qu’il y était, vu que tous les bagages étaient dehors.

Les garçons, encore à moitié endormis, se dévisageaient les uns les autres.

— SÉRIEUSEMENT !????

Ike regarda à la fois les filles et à la fois les garçons d’un air paniqué. Un camarade ne perdit pas de temps avant de partager ses premières conclusions.

— Quand j’y pense, Ike, t’en as mis du temps pour aller aux toilettes hier soir. Il était assez tard en plus.

Ike — Non, tu n’y es pas ! Je galérais juste sans lumière !!!

— C’est bizarre, c’est sûrement toi oui !

Ike — Hé, tu veux vraiment jouer à ça ? Si j’étais toi, je me ferais petit.

Les garçons se mirent à s’accuser mutuellement, sous le regard de Shinohara perdant patience mais s’offrant une grande inspiration pour garder son calme.

Shinohara — Vous aurez compris qu’il nous est impossible de vivre avec un potentiel voleur de sous-vêtements. Alors, Hirata-kun, puis-je compter sur toi pour mettre la main sur le coupable ?

Hirata  — Je veux bien mais… Qu’est-ce qui vous dit que Karuizawa-san ne l’a tout simplement pas égarée ?

— Carrément, on n’a rien à voir avec ça nous !!

Tous les garçons montèrent au créneau en criant à tue-tête pour clamer leur innocence.

Hirata — Je ne peux pas croire que l’un d’entre nous ait fait ça.

En théorie, ne sommes-nous pas censés toujours avoir le bon soupçon, en particulier envers ses camarades de classe ?

Shinohara — Je veux bien croire Hirata… Mais je ne peux pas en dire autant de vousautres ! Laissez-moi donc vérifier vos sacs.

Les filles étaient définitivement persuadées que l’un de nous était responsable. À leur décharge, je suppose que j’aurais sûrement pensé la même chose.

— Arrêtez votre délire, Hirata a dit non !

Hirata  — Bon, pour l’instant on va se concerter entre nous. Laisse-nous un peu de temps. Shinohara — D’accord… Si tu le dis, Hirata-kun… Je vais essayer de parler à Karuizawa de mon côté. Mais sache que même si vous n’arrivez à rien de concret, nous avons déjà une petite idée du coupable.

Sur ces mots, filles et garçons se séparèrent. Hirata invita tous les garçons à se réunir devant notre tente.

Hirata  — Ne fais pas attention à ce qu’elles disent. Je ne veux pas que tu te sentes mal pour quelque chose dont tu n’es pas responsable !

En début de semaine, je pensais qu’Ike avait plus ou moins gagné la confiance de la gent féminine, mais il semblait que tout ça n’était qu’un leurre.

Yamauchi — Exactement, pas moyen que ça vienne de nous !

Yamauchi observa un à un les garçons pendant qu’il suivait le rang. Karuizawa étant la petite amie d’Hirata, il était en effet peu probable qu’il fasse l’objet de pareils coups; Kushida et Sakura étaient des cibles bien plus indiquées.

Hirata  — Je vous fais confiance les gars, mais je ne crois pas que des paroles leur suffiront. Pour prouver votre innocence, je crois que vous devriez simplement les laisser inspecter vos bagages.

Les filles, réunies un petit temps, se mirent d’un coup à repasser à l’offensive. Ni une ni deux, Hirata apporta son sac prêt à être ouvert.

Hirata  — Je leur ai dit que je ferai mon possible. J’attends donc de vous que vous en fassiez de même.

— M…Mais…

Hirata  — Bien entendu je vais ouvrir mon sac le premier.

Personne ne soupçonnait Hirata, filles comme garçons, d’autant qu’il s’agissait tout de même de sa petite amie. Son geste était purement symbolique afin de motiver tout le monde à ouvrir ses bagages. Ceux désireux d’être disculpés n’avaient donc d’autre choix que de suivre son exemple. Naturellement, le sac d’Hirata ne contenait rien d’anormal.

— Je suppose qu’on n’a pas le choix…

Les uns après les autres, les garçons se mirent à amener leur sac. Ike et Yamauchi faisaient de la résistance, en vain ; en m’incluant, nous étions donc encore trois à ne pas être allés chercher nos affaires. Je partis donc en direction de la tente avec les deux autres.

Ike — Sérieux ça m’énerve, c’est toujours notre faute à nous !

Yamauchi  — Aller, faisons-le et clouons-leur le bec !

Ike sortit de la tante tout en ouvrant son sac, mais s’arrêta subitement.

Yamauchi  — Un problème ?

Ike — Non… Rien ! répondit Ike, l’air confus, s’asseyant par terre en nous tournant le dos.

Yamauchi — Kanji ?

Le visage d’Ike vira au pâle. Il semblait tétanisé.

Hirata — Aller, un petit effort !

Yamauchi observa le comportement étrange d’Ike et se permis de lâcher, plaisantant visiblement à moitié :

Yamauchi  — Peut-être bien que c’est vraiment toi du coup non ? Ike — Quoi !? Non… Je vous assure…

Ike nia en bloc, tremblotant pendant qu’il tenait son sac entre les mains. Quelle réaction étrange, personne n’était dupe.

Yamauchi  — Hé… Ne me dis pas que…

Ike — Quoi ? Est-ce que tu m’accuses vraiment là ?

Yamauchi  — C’est pas ça mais… Vas-y, montre une bonne fois pour toute ce qu’il y a dedans !

Ike — Une petite seconde…

Yamauchi saisit le sac et l’ouvrit lui-même. C’est alors qu’il y découvrit… un sous-vêtement blanc certainement pas masculin, assez bien recroquevillé et dissimulé.

Ike — Franchement j’y suis pour rien… On l’a mise dans mon sac !!!!

Yamauchi  — T’as pas d’autres excuses, sérieux ?

Ike semblait si paniqué que Yamauchi semblait avoir pitié.

Ike — Je t’assure que je suis aussi perdu que toi ! Il n’y aucune raison que ce soit… dans mon sac !!

Yamauchi  — C’est à n’y rien comprendre. Le mieux reste d’en parler à tout le monde Ike — Dans un sens ça ne revient pas à avouer ma culpabilité ?

Yamauchi  — Et bien sûr ce n’est pas toi… hein ?

C’est d’un ton assez inquisiteur que Yamauchi posa cette question. S’il était évident que la culotte était bien dans le sac d’Ike, la situation m’avait l’air plus complexe que ça. Tout d’abord, quand et comment aurait-il accompli son forfait ? Ensuite, le voleur se doutait bien que cela déclencherait un vrai scandale avec des fouilles à la clé, et n’aurait par conséquent pas caché ça dans son propre sac.  Enfin, ce n’est qu’une fois son sac ouvert qu’Ike perdit son calme ; il n’avait montré aucun signe de stress particulier au moment où les filles avaient suggéré d’inspecter nos affaires.

Tout cela m’amenait à penser que c’était quelqu’un d’autre qui avait mis cette culotte dans le sac d’Ike. Je disais ça mais il y avait toujours une infime possibilité qu’Ike soit le coupable, mais même lui n’était pas aussi stupide… Enfin je crois ?

Ike — Ayanokôji, tu me crois toi, hein ?

Moi — Bah… dans les faits il n’y a aucune preuve tangible que ce soit vraiment l’œuvre d’Ike.

Yamauchi  — Ayanokôji !!

Moi — Je ne dis pas que sa culpabilité n’est pas probable. Mais même le pire des abrutis aurait été plus prudent que ça.

Yamauchi  — Ce n’est pas faux, mais quoi alors ? Quelqu’un d’autre l’aurait mis dans son sac ?

Moi — C’est ce dont je dois m’assurer.

— Hé, grouillez-vous !!!

Ike — Et moi je fais quoi ? Je suis dans un de ces pétrins !!!

Si les autres s’en rendaient compte, fille comme garçon, c’en était fini d’Ike.

Moi — Nous n’avons d’autres choix que de la cacher, pour l’instant.

Yamauchi  — Et je veux bien savoir où ? Il n’y aucune cachette ici !

C’était plus facile à dire qu’à faire, certes. Après tout, il nous était impossible de nous rendre aux toilettes ou dans notre tente, les filles auraient trouvé ça immédiatement suspect. Toutefois, nous avons déjà passé un certain temps ici, notre comportement est peut-être même déjà suspect.

Moi — Ta poche, je vois que ça !

C’était le seul conseil que je pouvais donner. Le temps nous était compté, je n’avais pas le temps de la cacher dans mon boxer ou dans mes chaussettes.

Ike — Je peux pas… Je suis déjà tendu comme pas possible là !

Je persistais néanmoins à penser que c’était notre seule option viable.

Ike — Dans ce cas je te la confie, Ayanokôji !

Ike sortit la culotte de son sac et me la tendit.

Moi — Heu… Pardon ?

Ike — C’est ton idée. Si tu affirmes que la cacher est la meilleure solution, je préfère te laisser gérer. Ok ?

Moi — Non.

— C’est pour aujourd’hui ou pour demain ?

Ike — Bon j’y vais !

Ike avait purement et simplement pris la fuite. Soucieux de ne pas non plus être impliqué, Yamauchi le suivit de près.

Moi — Hé !! Vous êtes sérieux !?

Il semblait bien que je commençais à paniquer également. J’étais dans une impasse, la cacher était la meilleure solution mais je n’avais pas assez de temps pour ça. Sous l’impulsion je la mis dans la poche arrière de mon pantalon et partit rejoindre les autres.

Ike — Désolé, mon sac était vraiment en bordel… j’ai mis un peu d’ordre ! prétexta Ike, brandissant son sac. Allez-y, fouillez, faites-vous plaisir puisque je n’ai rien à me reprocher, pas vrai Yamauchi ?

Yamauchi  — Tout à fait !

Les deux montrèrent leur sac comme si de rien était. J’en fis de même avant de me retirer. Une fois l’inspection terminée, Ike appela Shinohara qui attendait les bras croisés, l’air sévère.

Ike — Tu sais quoi ? On a cherché partout, et rien !

Shinohara — Vraiment ?

Ike — Ouais ! On est sûr que les mecs n’ont rien à voir avec ça. Shinohara — Une petite minute…

Shinohara se dirigea vers nos tentes, persuadée que nous avions peut-être caché quelque chose à l’intérieur. Après une fouille des deux tentes masculines, sans succès, elle revint voir les filles et se mit à leur murmurer des choses.

Shinohara — On l’a peut-être cachée dans une poche ? Les plus suspects sont Ike, Yamauchi et Ayanokôji qui semblaient faire des messes basses.

Concrètement, elle avait vu juste, mais les filles commencèrent à perdre patience après leurs recherches infructueuses.

—  Cette fois, c’en est assez !

Toutes les filles, Shinohara comprise, se mirent à s’en prendre à Ike.

— Ike n’agissait pas bizarrement depuis un petit moment ? Peut-être qu’il cache quelque chose après tout !

Ike — Quoi ? Pas… Pas du tout ! Vous n’avez qu’à me fouiller tant que vous y êtes ! déclarat-il en levant les mains et en clamant son innocence.

Une petite minute… n’était-il pas en train de leur donner des mauvaises idées ?

— On va pas se gêner ! Hirata, s’il te plaît, tu peux t’en charger ?

Hirata — C’est d’accord, à condition que vous arrêtiez une bonne fois pour toute d’harceler les garçons si on ne trouve rien !

C’était le pire scénario possible. Sous les yeux des filles se déroula une fouille corporelle d’Ike, Yamauchi et moi. Bien entendu les deux autres n’avaient rien à craindre, et sans surprise, Hirata ne trouva rien après une fouille minutieuse. Et c’est ainsi que mon tour vint. Je me retrouvais là, debout, sans échappatoire. Le pire étant que j’étais sûrement responsable de ce qui m’arrivait. Je devais me résigner, ce qui était fait était fait… Je devais parier sur les 1% de chance qu’Hirata passe à côté sans la voir.

Hirata débuta par la partie supérieure de mon corps, avant de doucement descendre et atteindre la poche intérieure où était planqué le sous-vêtement.  Allez, finissons-en !

Je me fis une raison, Hirata avait forcément senti la culotte en palpant cette partie. En tout cas il avait bien senti que j’avais quelque chose aussi gros qu’un morceau de tissu dans ma poche, sachant qu’il n’y avait pas 36 interprétations… Hirata se figea l’espace d’un instant, et me regarda droit dans les yeux l’espace d’une seconde qui m’avait semblé être la plus longue de ma vie. Et, contre toute attente…. Hirata examina ma veste, se retournera vers les filles afin de faire part de son verdict.

Hirata  — Ayanokôji n’a rien non plus.

Shinohara, Ike et Yamauchi semblaient abasourdies à l’entente de ces mots.

Shinohara — C’est étrange… Je m’attendais vraiment à ce que ce soit l’un de vous trois. Mais si Hirata le dit…

Si Hirata le justicier le disait, c’était que ça devait être vrai ! Shinohara n’avait d’autre choix que de boire ses paroles.

Hirata  — Sur ce, nous allons ranger nos affaires. Une fois cela fait, nous pourrons tout à fait en reparler ensuite.

Une fois l’inquisition terminée, je retournai immédiatement dans la tente. Hirata ne tarda pas à me rejoindre.

Moi — Hirata… Pourquoi ne pas leur avoir dit ?

Hirata — Alors c’était bien la culotte qui se trouvait dans ta poche ?

Moi — Hmmm…

Hirata — Est-ce toi qui l’as volée… Ayanokôji ?

Moi — Bien sûr que non, répondis-je appréhendant un peu sa réaction.

Hirata — Je te crois. Ce n’est pas du tout ton genre. Mais pourquoi l’avoir cachée dans ta poche, alors ?

Après qu’il m’ait accordé sa confiance sans la moindre hésitation, je me devais de lui apporter une réponse. Ainsi je lui racontai tout, à savoir qu’elle était dans le sac d’Ike. Hirata resta pensif un instant.

Hirata — C’était donc ça. Bon je suis quasiment sûr que toi tu n’as rien à voir avec ça. Mais ça m’étonnerait qu’Ike ou Yamauchi aient manœuvré ça, un voleur n’aurait pas pris le risque de la mettre dans son sac.

La clairvoyance d’Hirata me sauva.

Hirata — Tu peux me la donner si tu veux.

Moi — Moi ça m’arrange, écoute… mais ça te va vraiment ?

Il fallait la jouer fine et ne pas non plus accepter trop facilement. Un peu comme quand on a le joker en main mais qu’on ne veut pas se faire griller.

Hirata — Je suis son petit-ami après tout, je pense que les gens verront ça d’un autre œil.

Tout en me parlant, Hirata saisit le sous-vêtement et le mit dans un sachet. Je me demande comment allait réagir Karuizawa en le visualisant s’amuser à loisir avec sa culotte.

Hirata — Néanmoins, on est quasi sûrs que le voleur est quelqu’un de la classe. Ike était une cible facile, seul quelqu’un nous connaissant y aurait pensé. Moi — Ce n’est pas faux…

C’était la thèse la plus probable. Personne ne rôdait autour de notre camp, ou alors nous aurions bien fini par le remarquer.  Je sortis de la tente et me mis à observer les environs. Nos sacs étaient enroulés dans du plastique et entreposés devant les tentes ; plus précisément, nos sacs se trouvaient non loin de là où Karuizawa et les autres dormaient.  Avant l’incident, les affaires des filles étaient à découvert. Il était donc aisé de voler quelque chose de leur sac, preuve en était que je l’avais fait le premier jour avec le sac d’Ibuki.

La vraie question était « quand » ? Pas avant l’heure de la douche, c’était sûr. En considérant que le forfait avait été commis entre 20h et 7h du matin, cela pouvait être à peu près n’importe qui. Je me disais que le vol n’avait sûrement pas eu lieu au beau milieu de la nuit : fouiller les sacs avec une lampe-torche dans une main était peu pratique, d’autant plus si on cherche quelque chose de précis, mais posait également de sérieux problèmes de discrétion. L’heure la plus probable était donc aux alentours de 5 heures du matin, avec les premières lueurs du jour.

Cela ne me donnait toujours pas d’indice sur « qui » cependant. À moins… de prendre le problème dans l’autre sens. Karuizawa avait-elle une raison de compromettre Ike ? Je ne voyais pas vraiment quel était son intérêt.

Hirata — Je te crois sincèrement, c’est pour ça que je t’ai couvert.

Moi — Et je t’en remercie.

Hirata — Mais si j’ai fait ça c’est surtout pour que tu m’aides à trouver le fin mot de l’histoire, me dit-il en me prenant la main.

Moi — Hein ?

Hirata — Pour l’ambiance générale de la classe, il est essentiel de trouver qui est derrière ça. Mais sans te mentir, je ne crois pas que je puisse enquêter et sonder les gens tout seul.

Je me disais surtout qu’il y avait des choses qu’un chef d’orchestre comme Hirata ne pouvait pas se permettre, contrairement à moi.

Hirata — Le coupable est certainement en train d’angoisser. Mais le démasquer ne sera pas une mince affaire, d’autant s’il est vicieux au point de faire accuser quelqu’un d’autre.

Était-il sûr de son coup ? Hirata semblait pourtant affirmer lui-même que trouver le coupable allait être difficile

Moi — Écoute, je te promets rien. Mais je vais faire ce que je peux.

Hirata — Merci infiniment, Ayanokôji-kun !! s’écria-t-il.

Hirata s’inclina face à moi pour me remercier. N’en faisait-il pas un peu trop ? Même si j’avais bien intégré le fait que cette affaire était une épine dans le pied d’Hirata tant elle mettait en cause l’équilibre de la classe et sa capacité à être un leader en général.

Hirata — Si bien sûr tu trouves le coupable… Je voudrais en être le premier averti. C’est compris ?

Sa capacité à transmettre des émotions fortes au travers de son regard était impressionnante. C’en était même carrément flippant.

Hirata — Je ne pourrais pas contrôler le tollé que cela créerait si les autres apprenaient son identité. Je veux arranger ça tranquillement en sous-marin. Officiellement, on peut fournir un nom aux gens : le mien.

Moi — Si je comprends bien, tu veux dissimuler la vérité ?

Hirata — C’est un bien grand mot, mais je suppose que tu n’as pas tout à fait tort. Si c’est l’œuvre de l’un de nous, je maintiens qu’il est dans notre intérêt de ne pas dévoiler son identité.

Il me fixa droit  dans les yeux, empli de détermination.

Moi — D’accord, j’ai saisi.

Hirata — Je te remercie ! Allez, retournons-y !

En sortant de la tente, Hirata appela tout le monde avec sûrement en tête l’idée d’entamer une activité. Yosuke Hirata, es-tu le héros de la classe D ?

Le discours d’Hirata était à double lecture. À la fois il affirmait m’avoir couvert car il me croyait et à la fois il parlait de cacher aux filles l’identité du coupable. Au fond de lui, Hirata n’était donc pas convaincu de l’innocence des garçons. Pire encore, il devait fortement me soupçonner. De son point de vue, c’était compréhensible. Après tout, il pouvait juste penser que j’essayais de faire porter le chapeau à Ike.

Hirata avait donc fait d’une pierre de coup en prétendant me faire confiance, moi, l’éventuel voleur : la part de lui qui croyait en moi sollicita ainsi mon aide sans me froisser, la part de lui qui me soupçonnait me donna un avertissement. La classe se devait de rapidement passer à autre chose et de clore l’incident, c’était son seul objectif clairement énoncé.

D’ailleurs j’avais bien émis la possibilité qu’Hirata lui-même soit l’auteur de l’acte, mais j’en avais terminé avec les suppositions, car nous n’allions pas tarder à en apprendre davantage.

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Hirata — Peux-tu réunir tout le monde ?

Hirata n’attendit pas mon retour pour commencer, mais je ne mis pas beaucoup de temps avant de réunir toute la classe.

— On ne peut pas vous faire confiance les gars, vivre au même endroit que vous est devenu si insupportable.

Hirata — Cette semaine touche bientôt à sa fin, c’est justement là qu’il faut être soudés. Nous sommes amis, faisons-nous confiance une bonne fois pour toutes !

Karuizawa — Oui, soyons unis pendant qu’un voleur de sous-vêtements est parmi nous !

Karuizawa figea la conversation. Si la victime elle-même désapprouvait, Hirata ne pouvait rien ajouter de plus. Shinohara en rajouta une couche en traçant au sol une ligne à l’aide d’une branche d’arbre.

Shinohara — Nous sommes convaincues que c’est l’un de vous. Ainsi, ce campement est officiellement divisé en deux : les garçons ont l’interdiction totale de franchir cette ligne que je viens de tracer !

— C’est une blague ? Vous n’avez strictement aucune preuve ! Et je te signale qu’on a ouvert nos bagages devant vous !

Shinohara — Qui sait, la culotte était peut-être cachée ailleurs ? Les hommes sont tellement des pervers. Cette mesure s’appliquera jusqu’à ce qu’on mette la main sur le coupable.

Sans plus attendre, les filles nous demandèrent de déplacer immédiatement nos tentes. Mais les garçons ne l’entendirent pas de cette oreille et ne se laissèrent pas faire.

— Ha parce qu’en plus c’est à nous de bouger ? Assumez vos accusations infondées et déménagez vous-mêmes ! Et comptez pas sur nous pour vous aider !

— Ho je vois, monsieur a peur de se faire attraper en nous « aidant » ?

— Et n’utilisez plus la douche non plus, manquerait plus que le pervers s’en serve tiens !

On dirait bien que l’unité de la classe partait totalement en fumée.

Shinohara — Aïe ! T’y arrives ?

Pour des questions de sécurité, Shinohara demanda de l’aide à Hirata.

Shinohara — Tu veux bien nous donner un coup de main ? Pour Karuizawa au moins.

Hirata — Oui, pas de souci. Mais ça prendra un peu de temps !

Shinohara — Super, merci beaucoup, Hirata !

Karuizawa — Y a vraiment que sur toi qu’on puisse compter ! répondit Karuizawa, rougissant et peinant à cacher sa petite joie.

— Pourtant ça pourrait tout aussi bien être Hirata !

Karuizawa — Sérieusement ? Arrêtez de vous enfoncer là !

— C’est pas parce que c’est ton petit ami qu’il est forcément innocent !

Les garçons tentèrent naturellement de dénoncer ce deux poids deux mesures. Mais ils ne pouvaient rien changer au fait qu’Hirata était le seul sur lequel planait le bon soupçon.  Karuizawa et Shinohara n’allaient toutefois pas tarder à perdre l’ascendant dans la discussion.

Horikita — Hum, hum. Si je puis me permettre, j’ai à redire. Spécialement à toi, Karuizawa.

Horikita intervint de nulle-part, au milieu de cette atmosphère glaciale, et calma Karuizawa tout en lui faisant face.

Karuizawa — Qu’est-ce qu’il y a, Horikita ? Notre décision ne te convient pas ?

Horikita — Concrètement, je m’en fiche. Je suis même plutôt pour une séparation des sexes tant que le coupable n’a pas été démasqué. Après tout, le coupable a de grosses chances d’être un des garçons. Néanmoins je ne crois pas qu’Hirata devrait bénéficier d’un traitement de faveur en ayant le droit d’accéder à notre espace, la probabilité que ce soit lui n’étant pas nulle non plus.

Karuizawa — Hirata serait incapable de faire ça, tu saisis ?

Horikita — Ça, c’est toi qui le dis, ça reste à prouver.

Karuizawa était visiblement irritée par l’intervention d’Horikita et se mit à s’approcher d’elle.

Karuizawa — Hirata n’a rien à voir avec ça, c’est mon intuition. Mais pour comprendre, il faudrait peut-être avoir des amis, voire un petit ami, ce qui n’est pas ton cas !

Horikita resta impassible face aux provocations de Karuizawa.

Karuizawa — Donc, objectivement, tu peux citer un autre mec aussi digne de confiance qu’Hirata ?

Horikita — Hé bien je ne peux pas me prononcer ainsi. Mais ce serait judicieux d’en avoir un second ne serait-ce que pour les faire se surveiller entre eux.

Karuizawa — T’es vraiment déconnectée ma pauvre, on voit bien que ce n’est pas à toi que c’est arrivé ! Que feras-tu si le second se trouve être le voleur ?

Horikita — Si vous aviez géré cette crise plus intelligemment, peut-être qu’on aurait déjà mis la main dessus. Là, le voleur a largement eu le temps de se mettre en sécurité.

Karuizawa — Plus intelligemment ? On a inspecté leurs sacs, tu voulais qu’on fasse quoi de plus ?

Horikita — Enfin, tu t’attardes énormément sur l’acte sans accorder d’importance une seule seconde au mobile. Les vols de sous-vêtements arrivent quotidiennement, ça n’a rien d’exceptionnel. Mais là, en l’occurrence, qu’est-ce qui te dit que tu n’as simplement pas été la cible d’une attaque ?

En d’autres termes, Horikita avait émis la possibilité que Karuizawa eût été spécifiquement victime d’une raillerie. Ce n’était pas totalement improbable quand on y réfléchissait bien. Mais ce n’était pas un tantinet inapproprié d’émettre publiquement cette hypothèse ? Le tact n’était défensivement pas le point fort d’Horikita, pour qui les relations humaines étaient encore quelque chose de difficile à déchiffrer. En mettant Karuizawa ainsi mal à l’aise, elle risquait de l’énerver encore plus et de créer des conflits au sein même du groupe des filles.

Karuizawa — Espèce de…

Karuizawa était prête à exploser quand Hirata s’interposa, l’air naturel.

Hirata — Karuizawa, c’est vrai que ce serait pas mal si j’avais un binôme !

Karuizawa rebondit tout de suite sur la suggestion d’Hirata.

Karuizawa —  Oui mais… à quel autre garçon peut-on faire confiance ? Ike — Choisissez-moi au pire ! répondit Ike, levant la main timidement.

Même pas deux minutes avant, Ike partait en croisade contre Shinohara.

Sudou — Si c’est pour aider aux tâches physiques, je crois que y a pas mieux que moi !

Yamauchi — Hé, je crois que c’est moi le meilleur compromis entre tous !

La façon dont les filles les traitent importe peu, les garçons vivent toujours pour se rapprocher d’elles. Ils sont soumis à leurs bas instincts.

Karuizawa — Et puis quoi encore ? Sans même penser à cet incident, vous seriez les derniers sur la liste ! Tu en penses quoi, Horikita ?

Horikita — Je suis parfaitement d’accord. Le comportement habituel de ces trois-là les rend impropres à ce rôle. En y réfléchissant posément, il y en a bien un dont je suis certaine de l’innocence.

Karuizawa — Alors il y a vraiment quelqu’un de ce genre en dehors d’Hirata ?

Je regardai attentivement parmi les garçons. Qui au juste paraissait aussi peu suspect qu’Hirata ?

Horikita — Oui, toi, Ayanokôji !

Hein ? Sérieux ? Je fus si abasourdi que j’en perdis mes mots.

Karuizawa — C’est une blague ? Tu dis ça parce que c’est ton seul ami, oui ! Je crois qu’on a vu plus fiable qu’un gars glauque qui ne parle jamais.

Non pas que cela m’importait, mais il semblait que mon existence dans cette école se résumait à « ce gars » et « glauque ». Étais-je donc voué à la marginalité, car je n’avais aucun savoir-faire en relations humaines ?

Karuizawa — Puis Ayanokôji était on ne peut plus suspect ce matin !

Eh bien elle n’avait pas tout à fait tort, techniquement. Pour autant, j’avais seulement agi en conséquence à la vue de la culotte dans le sac d’Ike.

— D’ailleurs, il ne traînait pas autour de feu hier soir ?

Il semblait bien que j’étais devenu la nouvelle cible à abattre. Non seulement les filles, mais aussi les garçons s’y mirent, oubliant totalement Ike et Yamauchi. Nous gardâmes le silence, car aucune défense n’aurait été assez bonne pour eux. Dans leur vérité, seul Hirata était une valeur sûre, donc finir par porter le chapeau était un dénouement assez logique. Toujours était-il qu’être soupçonné était réellement désagréable.

— Alors c’est Ayanokôji, hein ? Il n’essaye même pas de démentir. Quand j’y pense, il regardait Karuizawa-san d’une façon très perverse tout à l’heure !

Je n’avais aucun souvenir de l’avoir regardée ainsi. Sûrement mon cerveau qui me jouait des tours, hein. Je trouvais qu’elles allaient quand même loin dans leurs accusations sans fondements.

— Hum… A-Ayanokôji n’est pas comme ça !

Je pensais m’être mis toutes les filles à dos, quand un soutien inattendu arriva. Avec sa caractéristique voix hésitante, Sakura sortit de l’ombre. Je ne m’attendais vraiment pas à ça de sa part, elle qui était tellement introvertie.

Karuizawa — Hein ? Qu’est-ce que tu racontes ?

Karuizawa cacha à peine son agacement envers Sakura qui osait prendre ma défense. Il fallait dire que Sakura, timide maladive, était beaucoup moins intimidante qu’Horikita. Karuizawa ne se priva pas et passa à l’offensive.

Karuizawa — Alors ? Pourquoi penses-tu qu’Ayanokôji est innocent ?

Sakura — C’est pas le genre… à faire des coups pareils ! répondit Sakura dont la peur se ressentait dans la voix.

Karuizawa —  Hein ? Ce n’est pas une réponse.

D’un seul coup, Karuizawa se mit à taper des mains et rire de manière malsaine.

Karuizawa — Non, ce ne serait pas de l’amour par hasard ?

Karuizawa lâcha surtout ça comme ça, sans arrière-pensée particulière. Néanmoins, Sakura, au lieu de réfuter naturellement, se trahit avec un ton vraiment hésitant.

Sakura — N…Non !! s’exclama Sakura, rouge comme une tomate.

Karuizawa — Woah, même une élève de primaire serait moins grillée. Ça saute vraiment aux yeux, hein.

Une autre fille joignit Karuizawa riant aux larmes.

Sakura — C’est… Ah…Hum…Umm… !

Karuizawa — Je crois que tu es la seule qui doit l’aimer autant, tu as un boulevard !! On peut même aider si tu veux !!

Sakura — Hmm…

Comme si elle ne pouvait supporter toute cette attention sur elle, Sakura partit se cacher dans les bois. Kushida eut l’excellent réflexe de la suivre pour ne pas la laisser se balader toute seule dans la forêt.

Karuizawa — C’était quoi, ça ? Je la taquinais un peu. Faut pas qu’elle s’étonne de n’avoir aucun ami !

Horikita assista à la scène sans dire un mot, laissant s’échapper un soupir et se passant la main dans les cheveux comme pour témoigner d’un ennui profond.

Horikita — Je me demande si on ne devrait pas en rester là pour l’instant. C’est se donner en spectacle, ni plus ni moins.

Karuizawa — Cette discussion n’est sûrement pas assez intéressante pour toi, hein ?

Sur ces mots, Karuizawa oublia Sakura et prit de nouveau pour cible Horikita.

Karuizawa — Horikita-san, pourquoi es-tu si froide avec moi ? Je t’ai fait quelque chose ?

Horikita — Quelque chose ? Peut-être, oui.

Karuizawa — La bonté d’Hirata n’a-t-elle pas de limites ? Il arrive à être aimable même avec quelqu’un comme toi. Je pense que n’importe quelle fille tomberait sous son charme, oui… Tout en agrippant le bras d’Hirata, Karuizawa poursuivit sa tirade.

Karuizawa — Ayanakôji-kun n’est vraiment pas vilain physiquement. Mais à part ça, il n’a vraiment rien pour lui, non ? Tu dois sûrement être très jalouse de moi.

Horikita — Tu prends tes rêves pour des réalités, Karuizawa.

Karuizawa — La jalousie est vraiment un gros défaut !

Pour vraiment connaître quelqu’un, on dit qu’il faut vivre avec et le voir évoluer au sein d’un groupe. Des aspects de chacun qu’on ne pouvait pas percevoir en cours semblaient alors surgir les uns après les autres. C’était particulièrement flagrant pour Horikita qui, habituellement, était plutôt du genre à faire fi des remarques des autres et à presque les prendre comme une distraction. Mais là, cette fois, l’une comme l’autre semblait affectée par les paroles des autres.

Horikita — Ayanokôji n’est pas bourré de qualités, je ne vais pas te contredire là-dessus.

Je m’attendais à un soutien, moi !

Karuizawa — Du coup, Hirata peut-il se fier à lui ? Tu as chargé Hirata sans raison et j’ai trouvé ça injuste. En laissant mes sentiments personnels de côté, Hirata a largement fait ses preuves ces derniers mois en tant que personne de confiance dans la classe. Est-il possible d’en dire autant d’un autre ? Si tel est là cas, je voudrais vraiment savoir !

Karuizawa prononça ses mots en observant méticuleusement tous les garçons de la classe. Karuizawa — Hé bien, on dirait qu’il n’y a personne. Seul Hirata a adopté un rôle actif.

Cela me faisait mal, mais je ne pouvais pas lui donner tort. Les filles sont vraiment impitoyables dans leur évaluation.

Karuizawa — Enfin, je vais suivre l’avis d’Hirata si vraiment il est d’accord pour ça.

Il semblait que je reçus finalement l’approbation des filles, mais qui aurait été satisfait après tout ça ? Pour ne pas ajouter de l’huile sur le feu, je décidai d’en rester là. La réunion toucha à sa fin, la dispersion des élèves était comme une illustration de l’effondrement de la solidarité au sein de la classe D.

Hirata — Je comprends tous votre point de vue. Mais je refuse toujours de croire que c’est l’un de nous qui a fait ça ! dit Hirata, qui ne voulait pas rester silencieux face à cette ambiance.

Karuizawa — Vraiment, tu es trop bon. Et à qui penses-tu d’autre alors ?

Hirata — Je ne sais pas. Mais je ne veux pas penser à un camarade.

Les garçons aussi réfléchissaient au coupable, être soupçonné par les filles était vraiment dur.

— Hé… Et Ibuki ?

Quelqu’un suggéra cette possibilité en fixant Ibuki qui se tenait à l’entrée du camp. À ce moment, un doute collectif se mit à planer sur elle et tous les garçons la fixèrent comme s’ils fixaient une proie.

— Ibuki de la classe C ? Dans l’absolu, c’est tout sauf improbable, elle aurait un mobile :

semer la zizanie dans notre classe.

Shinohara — Arrêtez un peu les gars, les seuls suspects ici c’est vous !

Shinohara était vraiment très méfiante vis-à-vis des garçons, faisant des gestes de la main pour leur dire de reculer.

Shinohara — Jusqu’à ce qu’on trouve qui était derrière tout ça, on ne peut pas vous faire confiance, pas vrai Karuizawa ?

Karuizawa — Exactement ! Ça ne peut être que l’un d’eux !

À cause de cet incident, il a été décidé que filles et garçons feraient leur vie chacun de leur côté jusqu’à la fin.

2

Je vais peut-être me répéter encore et encore, mais Yousuke Hirata était vraiment un mec cool. Pas parce qu’il était populaire ou parce qu’il était beau gosse, mais bien parce qu’il était juste impressionnant. En effet, il était comme nous, un simple mortel, mais prenait dès qu’il le pouvait la responsabilité des troubles tout en restant au plus près des gens. Ainsi, tout en coopérant avec les filles, il les aidait à éloigner leurs tentes de celles des garçons. Moi, qui étais de l’autre côté, avait hérité de la tâche de marteler les fixations des tentes pour les stabiliser. J’avais eu du mal à fixer la première, mais je saisis le rythme petit à petit et réussis à bien la faire tenir droite. La tâche était au final très facile et je me mis à fixer la deuxième tente en tapotant de mon marteau et en essuyant la sueur qui me coulait du front. Hirata finit par m’aider à étendre la corde et à taper sur les fixations.

Hirata — Désolé de te faire faire ça !

Les autres garçons, pendant ce temps, s’essayaient à la pêche en quête de provisions.

Moi — C’est bon, t’allais pas tout faire tout seul quand même.

Hirata — Je te remercie. Tu sais, ça me fait plaisir de me rendre utile.

Son sourire chaleureux était clairement ce qui le rendait si cool.

Moi —  Pourquoi tu te donnes autant de mal, en fait ?

Hirata — Tu trouves ? Je ne fais pourtant que ce qui doit être fait.

Il n’y avait aucune espèce de vantardise dans ses propos tandis qu’il essuyait la sueur qui coulait de son cou avec une serviette.

Hirata — Je pense que cette épreuve n’est pas une bataille, mais une opportunité pour tout le monde de se rapprocher. Je veux chérir tous les moments passés sur cette île et je suis prêt à travailler dur s’il le faut.

Je me demandais s’il était possible humainement parlant d’être aussi blindé de bonnes intentions sans être double face. En effet, il était normal de vouloir être aimé des gens ou d‘attirer l’attention. Mais, dans le cas d’Hirata, c’était carrément de l’altruisme pur.

Hirata — Allez, il reste encore la moitié, finissons ça vite fait !

Chacun se rendit d’un côté de la tente pour marteler les fixations restantes.

Karuizawa — Hirata-kuun ! Viens ici deux secondes !

Karuizawa et les autres filles l’avaient appelé. En un éclair, elles l’encerclèrent et le tirèrent de force par le bras.

Karuizawa — Allez, ne résiste pas et viens !

Hirata— Ah, mais y’a encore des choses à faire !

Karuizawa — Tu peux laisser Ayanokôji-kun se débrouiller, non ?

Voyant la mine embarrassée d’Hirata, je répondis qu’il pouvait y aller !

Hirata — Mais c’est pas évident à faire seul, ça !

Moi  — Il reste pas grand-chose, t’en fais pas ! Hirata — M…merci. Je reviens dès que je peux !

C’était une réponse qui les arrangeait et qui me desservait, mais elles m’ignorèrent tout de même en continuant à le tirer vers la forêt. Peut-être qu’ils n’en avaient vraiment pas pour longtemps. Je continuai de marteler les fixations tout déprimé tandis que j’observais Hirata partir. J’avais tout fini avant qu’il ne revienne.

Moi — Il n’avait pas tort, tout seul ça a pris un temps fou…

Je devais veiller à ce que la tente soit bien stable en tirant sur les cordes plusieurs fois. Il était dix heures passées et pour esquiver l’exposition forte du soleil, il fallait que je me repose un peu.

Alors que je cherchai un endroit, j’entendis une voix.

Ibuki — Je peux te parler ?

Ibuki— L’affaire de cette culotte volée a fait un gros tapage ce matin. Je pensais que la classe D était plus soudée que ça.

Moi — Il y a des choses que nous ne pouvons pas forcément accepter.

Ibuki — En tant que fille, je trouve en tout cas cette histoire impardonnable et le coupable doit payer !

Elle avait raison, mais pourquoi me parlait-elle de ça ? Ce n’était pas moi qui me préoccupais d’elle à la base mais Yamauchi, alors qu’il était aux petits soins avec le groupe de Kushida. Nous n’avions parlé qu’une fois ensemble et je n’avais pas créé de lien spécial avec elle.

Moi — Tu ne me fais pas confiance, n’est-ce pas ?

Il semblait qu’elle eut été témoin de ma violente accusation par les autres.

Ibuki  — C’est toi le coupable ?

Moi — Non, pas du tout.

Ibuki  — Alors tout va bien. Je n’ai pas de preuves de toute manière. On dirait bien que certaines filles ainsi que ce Hirata te font confiance. Je pense que les chances que tu aies volé la culotte sont faibles.

Elle était donc arrivée à cette conclusion après avoir écouté la joute verbale entre Karuizawa et Horikita.

Ibuki — Tu n’as aucun indice sur le coupable ?

Moi — Pour l’instant, nous n’avons rien. Et j’aimerais avoir le bon soupçon sur les garçons autant que possible.

Ibuki — Et si tu devais en designer un, ce serait qui ?

On dirait qu’elle me testait. Je la fixai sans rien dire, mais elle attendait visiblement une réponse. Elle finit par abdiquer à mon silence en prenant la parole.

Ibuki —  Le truc, c’est que si les garçons ne sont pas coupables, alors c’est moi qui vais être soupçonnée vu que je suis l’intruse ici. Pour que j’évite de me dévoiler, il faut bien que j’insiste sur le fait que ce soit un garçon qui l’ait volée pour me couvrir. N’ai-je pas raison ?

Elle avait dit ça avec ironie, pleinement consciente qu’elle était sur la liste. Je répondis ainsi avec plein de bons sentiments :

Moi — Je ne pense pas que tu me fasses confiance, mais je ne crois pas que tu sois coupable.

Je répondis sans une once d’hésitation. Elle me regarda l’air surpris, comme si elle voulait s’assurer d’avoir bien entendu. Quand nos regards se croisèrent, elle regarda ailleurs.

Ibuki — … Merci. Je ne m’attendais pas à ce que tu sois aussi gentil.

Moi — C’était juste ce que je pensais.

C’était la sincérité transparaissant dans son regard qui m’avait fait penser ainsi.  Hélas, ce fut une conclusion bien hâtive de ma part : la personne derrière tout ça était bel et bien Ibuki.

3

Nous étions au cinquième jour et l’ambiance de la classe D était des plus glaciales. Le silence de mort qui régnait était pesant, car le coupable restait introuvable et personne ne voulait en parler. Aujourd’hui, j’étais responsable de garder le feu et je jetais occasionnellement quelques branches afin d’égayer la chose. Mais l’ennui de cette mission n’était pas le véritable problème.

— Hey, Ayanokôji ! On t’avait dit de bien positionner la tente ! Mets-là plus à gauche, car elle est encore trop proche du côté des garçons.

Moi — … très bien.

Encore une fois, j’avais accepté sans sourciller les caprices de ces dames et elles partirent, toujours indignées.

Horikita — C’est horrible d’être forcé à faire des tâches aussi rébarbatives.

Moi — On se demande à cause de qui ?

Horikita —  Il n’y avait pas d’autre choix. Je ne fais pas plus confiance à Hirata qu’à un autre. Moi — Tu dois bien être la seule ici.  Ne crois pas que tout le monde est hypocrite non plus.

Horikita — En effet, je ne suis pas double face.

J’avais oublié qu’elle se considérait comme le centre du monde et je dois avouer qu’elle avait esquivé ma remarque de façon magistrale.

Horikita — Il est notoire que la plupart des personnes agissent en désaccord avec leurs principes, comme toi par exemple. En aucun cas je ne donnerai ma confiance à des gens comme eux, car la limite entre l’hypocrisie et la gentillesse est fine.

On dirait bien qu’Hirata n’était pas le seul en qui elle n’avait pas confiance. Kushida était d’ailleurs clairement visée dans cette tirade.

Moi — Je fais confiance à Hirata, perso.

Horikita — Ah ! Et en ce qui me concerne, je sais que je peux compter sur toi, c’est certain !

Moi — Sur moi ? Tu sais, il est toujours derrière moi quand j’ai des soucis !

Horikita devait avoir quelque chose en tête pour me rentrer dedans comme ça. On dirait bien qu’elle me suspectait de lui cacher quelque chose, mais je continuai de faire comme si de rien n’était en gardant une expression neutre.

Moi — Hirata n’est pas parfait, mais il répond présent quand personne ne le fait. Tu ne penses pas qu’il ait fait de son mieux ?

Horikita — C’est sûr que c’est impressionnant de le voir prendre d’aussi grosses responsabilités sans jamais se plaindre, mais les résultats doivent suivre. Or, actuellement, la classe D est au fond et il ne nous reste qu’une poignée de points seulement.

 

Il est vrai que nous avons dépensé assez excessivement, à tel point que je n’ai même pas suivi nos derniers achats.

Horikita — Comme je le pensais, le Hirata en qui tu as une confiance aveugle a préféré tenir sa langue.

Moi — Comment ça ?

Horikita — S’il te plaît, suis-moi !

J’étais curieux de ce que j’allais voir.

Moi — Où va-t-on ?

Horikita — Devant la tente des filles.

Horikita ouvrit le rideau et me montra l’intérieur de la tente.

Moi — C’est…

Contrairement à la tente vide des garçons, la tente des filles était « meublée ». Sur le sol, il y a avait une sorte de tapis pour contrevenir à la dureté de ce dernier et quelques oreillers gonflables. Il y avait aussi un ventilateur sans fil alimenté par batterie.

Horikita —  Il y a le même dispositif dans l’autre tente des filles, donc 12 points de dépensés. Moi — Et moi qui pensais que les filles avaient pris sur elle. Elles se sont vraiment fait plaisir à ce que je vois.

Mais bon, ce n’est pas comme si elles étaient patientes depuis le début.

Horikita  — C’est notamment l’œuvre de Karuizawa et sa bande.

Pour changer !

Horikita  — Je l’ai réalisé malheureusement trop tard. La commande était déjà passée et tout était installé. Tout ça parce que nous n’avons pas réussi à instaurer des limites.

L’abandon de Kôenji faisait en même temps écho. Il semblait bien que nos points fussent voués à être dépensés, de gré ou de force.

Horikita — Il est impossible qu’Hirata l’ignore, il passe son temps à papoter avec Karuizawa. Toutefois, vous autres, les garçons, n’étiez au courant de rien. Pourtant, je pense que tout le monde doit savoir.

Horikita avait les bras croisés et un regard déterminé. Bien que ses paroles fassent sens, je ne pensais pas qu’Hirata avait de mauvaises intentions en gardant la chose secrète. Il voulait surtout éviter que la classe ne se dispute.

Moi — Je comprends, mais je n’ai rien à dire en particulier. Cela ne fera pas revenir nos points et il ne reste plus beaucoup de jours avant la fin de l’épreuve. Alors je pense que Karuizawa se calmera sur les dépenses.

Son attitude froide m’irritait, mais comme ce n’était pas surprenant de sa part, je l’ignorai.

Horikita — Dans le meilleur des cas, la situation va rester neutre. Mais le risque d’envenimement est très élevé vu que nous n’avons toujours pas trouvé le coupable pour le vol de culotte. Il faut à tout prix que nous l’empêchions de commettre des méfaits à nouveau qui ne feraient que nous diviser. Il faut qu’on le découvre vite.

Alors tu veux que je collabore avec toi ?

Horikita — Oui. Maintenant que les garçons et les filles sont en froid, je ne peux pas agir seule.

C’était en effet la guerre froide entre nous. L’information entre les deux camps ne circulait plus et on ne voyait quasiment personne dehors, même lors des phases d’exploration.

Moi — Je ne sais pas si je serai d’une grande aide, mais tu peux compter sur moi !

Malgré ma réponse franche et rapide, Horikita me regarda suspicieuse.

Horikita — …Tu as un objectif en tête que tu me caches ?

Moi — Pourquoi je devrais avoir des motivations cachées ? En tant que mec, ça me fait mal de voir mes semblables se faire traiter de voleurs. C’est donc une raison suffisante pour moi de t’aider.

Plus tôt, Hirata m’avait demandé de veiller à ce que la situation générale ne dégénère pas alors je faisais d’une pierre deux coups.

Horikita — Ok, marché conclu !

Mais le coupable n’était pas idiot. S’il avait pris le risque d’être soupçonné par toute la classe, c’était qu’il savait ce qu’il faisait. Il n’allait pas se révéler au grand jour si facilement. Horikita avait raison de s’inquiéter, car si la situation se dégradait, cela allait encore être au détriment de nos points.

Horikita — Concernant le coupable… Ibuki ne s’arrêtera pas là et retentera sûrement un coup, car elle n’a pas atteint son objectif.

Moi — Ce n’est pas ton genre d’accuser quelqu’un comme ça.

Horikita — Depuis son arrivée, c’est le bazar chez nous. C’est dommage vu que jusqu’à maintenant, on avait bien géré les choses.

Moi — C’est même surprenant qu’on ait réussi à aussi bien s’entendre au départ vu qu’il n’y a pas d’esprit d’équipe habituellement dans la classe D. Mais les résultats ne sont pas à la hauteur vu que nous avons fini par nous scinder en deux groupes juste avant la fin.

Horikita — Peu importe le coupable, je me demande ce qui le motive. Était-ce juste pour semer la zizanie ? Je sens qu’il y a autre chose derrière…

Au mot “derrière” Horikita croisa les bras puis, après réflexion, hocha la tête.

Horikita — Je réfléchis trop… Désolée, je retourne dans la tente.

Horikita, tout en respirant petit à petit, se passa la main dans les cheveux et partit vers la tente.

Moi — Hey Horikita, pourquoi tu ne me l’avoues pas ?

Horikita — De quoi tu parles ?

Elle simulait le calme, mais avait de la sueur sur le front. Je décidai d’aller droit au but.

Moi — Depuis le début de l’examen, tu n’es pas dans ton assiette.

Il y avait des signes de sa condition physique faible avant le voyage, mais ça restait léger. Mais connaissant Horikita, elle était trop fière pour se retirer de l’épreuve.

Horikita — Je vais bien.

Tu mens.

J’insistai et tendit une serviette pour éponger son front. En le touchant, je vis qu’il était chaud. Elle essaya d’esquiver, mais ses mouvements étaient lents.

Horikita — Depuis quand l’as-tu remarqué ?

Moi — Quand nous étions sur le pont, tu te souviens ? Je t’avais demandé ce que tu faisais vu que tu n’étais pas avec nous au début.

Horikita — Oui et je t’avais dit que je lisais un livre dans ma chambre.

Moi — Tu te reposais, tout bêtement.

Horikita — Et sur quoi tu bases ta théorie ?

Moi — Tu avais un peu les mèches en pétard sur le front, ce qui me dit que tu t’étais assoupie avant. De plus, il faisait super chaud sur le pont, mais tu avais froid. Même maintenant, tu portes un gilet à manche longue avec la fermeture éclair remontée à fond. D’un point de vue extérieur, même un enfant de primaire pourrait comprendre que tu as attrapé froid.

Horikita, qui habituellement n’hésitait pas à attaquer, ne trouva cette fois plus les mots et se mura dans le silence.

Horikita — Si tu pouvais user de ce génie pour affronter la classe A, je pense que tu serais vachement populaire ! Quoi qu’il en soit, vas-tu garder le silence ? Il est trop tard pour reculer maintenant.

Il était clair qu’elle avait au moins 38° de fièvre, mais elle continuait à le cacher. En effet, elle voulait éviter que la classe ne prenne une pénalité si elle devait être amenée à quitter l’épreuve à cause de son état. Quelle malchance !

Horikita — Je vais tenir bon. Abandonner à ce stade n’est plus une option. Bonne nuit.

Elle avait vraiment une volonté de fer et comptait survivre jusqu’à la fin.

 

 

 

4

Je sentis une étrange sensation de chaleur et de raideur sur ma joue. Ne sentant rien qui vaille, j’étirai un peu mon cou. Cependant, je n’arrivais pas à bouger et sentis tout d’un coup une main qui me prit par le cou.

Moi — Q…quoi ?

En essayant de me lever avec cette sensation désagréable, je réalisai immédiatement que j’étais dans une situation alarmante. Sudou était devant mon visage avec ses jambes collées à mes cuisses.

Sudou — Suzune… Je… ne peux plus me retenir.

Moi — Arghhh !!

Je poussai un cri qui me surprit et réussis à m’échapper de l’entrave de Sudou.

Sudou — La ferme Ayanokôji. Arrête de faire de bruit, tu me déranges hmph…

Je n’osais même pas imaginer la suite. Il fallait à tout prix que j’évite d’ébruiter cette scène de malaise aux autres garçons de la tente. Ma montre affichait 6h du matin, et dès que je sentis l’air chaud et humide, la fatigue disparut. Je sortis de la tente qui s’était transformée en sauna et, à ma grande surprise, le temps dehors était mauvais.

Moi — C’est bien ma veine…

Il semblait que ce sixième jour commençait très mal. En effet, des signes qu’il allait pleuvoir l’après-midi se manifestaient. La météo ne cessait d’ailleurs de se gâter au fur et à mesure de la semaine. Il n’y avait pas de quoi s’inquiéter pour une pluie légère, toutefois une pluie torrentielle accompagnée de grosses bourrasques pouvait poser problème. Il fallait se préparer au pire des scénarios. Une journée bien chargée nous attendait donc, avec entre autres le contrôle des fixations des tentes ou la mise à l’abri de tous nos effets personnels. Il ne manquait plus que ça !

Une fois tout le monde réveillé, il allait être essentiel de rassembler toute notre nourriture avec les provisions que nous avions achetées pour en faire un plat complet. Certes, il y avait des plaintes par-ci par-là, mais ces derniers jours tout le monde avait plutôt fait preuve de bonne foi pour l’épreuve.

Moi — En tout cas, jusqu’à l’incident…

En effet, l’épisode de la culotte volée avait clairement ruiné notre dynamique. J’étais dorénavant devant la tente des garçons et ceux qui montaient la garde s’étaient assoupis. En effet, c’était un système mis en place pour dissuader le voleur de récidiver. Pendant ce temps, Hirata était en train de rassembler pas mal d’élèves pour leur communiquer des derniers encouragements. Nous devions nous diviser en plusieurs groupes pour chercher de la nourriture aujourd’hui. Il le fallait bien si on voulait éviter de dépenser des points dans ce moment critique pour la classe D. Je m’approchai ainsi du groupe d’Hirata.

Ike — On devrait venir avec toi, non ?

Debout devant la rivière avec la canne à pêche prête à l’emploi, Ike avait posé cette question à Hirata.

Hirata — Non. Je veux que toi et Sudou alliez pêcher et que vous formiez d’autres élèves. Nous n’avons plus le temps.

Une fois que les directives furent données, Hirata chercha des volontaires pour aller en forêt. Il y eut beaucoup de mains levées, ce qui n’était bien entendu pas mon cas ; je voulais faire partie des laissés pour compte. Les élus furent Horikita, Sakura, Yamauchi et, à ma grande surprise, Kushida. L’état d’Horikita n’avait toujours pas l’air de s’améliorer, mais elle faisait son possible pour que personne ne remarque rien.

Horikita — Comment cela se fait que tu ne sois pas avec ton groupe ?

Il était vrai que ses amies habituelles n’étaient pas là pour une fois.

Kushida — Ah, eh bien…

Kushida chuchota à l’oreille d’Horikita comme pour éviter que les garçons ne puissent entendre.

Kushida — Mi-chan a ses règles. Toutefois, tu ne m’as pas non plus l’air dans ton assiette, d’ailleurs même cette semaine tu n’étais pas comme d’habitude. Pourquoi ne resterais-tu pas dans la tente avec mes amies ?

Me rapprochant d’Horikita et de Kushida, je pus entendre leur conversation.

Horikita — Physiquement c’est peut-être l’impression que je donne, mais les effets des règles sont déjà passés, je t’assure. Mais je te retourne la question : pourquoi participer précisément à la cueillette ? Je suis sûr qu’il ne manquait pas de choses à faire au camp.

La seule raison pour laquelle Horikita s’était lancée là-dedans était pour ne pas rester avec Kushida. Horikita ne portait personne dans son cœur, dans l’absolu, mais avec Kushida cela semblait d’un cran encore au-dessus. Pourquoi la détestait-elle autant ? Certainement parce que Kushida ne l’aimait pas non plus. En y repensant, j’ai toujours eu l’impression qu’il y avait un malaise latent entre elles deux.

Il fallait dire que Kushida Kikyô dissimulait un côté bien sombre, surtout envers les autres filles. Son autre face était celle d’une fille n’hésitant pas à sournoisement prendre l’ascendant sur quelqu’un. Toutefois c’était par hasard que j’avais découvert ce côté-là d’elle, la Kushida habituelle étant la camarade gentille et prévenante envers tout le monde. Le genre à n’avoir aucun ennemi, sauf peut-être par jalousie. Toutefois, il était bien évident qu’Horikita n’était pas le genre de personnalité à envier quelqu’un comme Kushida.

Il y a de ces questions qui font infiniment disserter les philosophes. Comme « Qui est venu en premier, l’œuf ou la poule ? », la poule étant techniquement sortie d’un œuf, mais ayant aussi la capacité d’en pondre. Alors lequel a précédé l’autre ? Là où je veux en venir, c’est que je ne savais pas laquelle des deux avait commencé par détester l’autre.

Kushida — Je me disais que ce serait bien de se parler, Horikita, vu tout ce qui s’est passé. Nous n’avons pas beaucoup interagi durant cette semaine, alors rattrapons-nous cette nuit et dormons ensemble !

Kushida persistait tout en sachant pertinemment ce qu’Horikita pensait d’elle. Enfin, si son but ultime était d’être ami avec toute la classe, Horikita constituait une étape ardue, mais obligatoire. Décidément, il y avait encore bien trop de zones d’ombres concernant ces deux-là.

Horikita — Je n’ai pas de temps à te consacrer pour des choses aussi futiles.

Kushida — T’es vraiment trop méchante Horikita. Heureusement que ta bouille est trop mignonne quand tu dors !

Horikita semblait très perturbée par cette remarque bien placée de Kushida. Et c’est à ce moment là que les priorités me revinrent en tête, à savoir qu’avec ce petit groupe nous allions chercher de la nourriture.

Moi — Hé, Ibuki, pourquoi est-ce que tu ne nous accompagnerais pas ?

Au moment de partir, je pensai à proposer à Ibuki qui restait dans son coin habituel, sous un arbre.

Ibuki — Je…

Moi — Aujourd’hui c’est notre dernier jour. Je ne veux pas te forcer bien sûr.

Ibuki — Oui c’est vrai. Puis on va dire que je vous en dois une… donc c’est d’accord, je vais venir aider !

Ibuki se leva et pris son sac, pour le plus grand plaisir de Yamauchi. Yamauchi — Ah, super, super ! On se croirait dans un harem !

Plus il y avait de filles, plus Yamauchi était excité comme un petit enfant. C’en était presque insupportable, mais chaque aide était précieuse, en témoignait Horikita qui n’avait formulé aucune objection et prit la direction de la forêt.

Horikita — La forêt est vraiment oppressante quand il fait si sombre… ou alors est-ce la chaleur mêlée à l’humidité qui renforce ce sentiment ?

Le ciel nuageux semblait changer totalement la perception de la forêt, qui semblait alors bien différente d’hier à cause de la pénombre ambiante. Yamauchi, suant à grosses gouttes, tentait en vain de brasser un peu d’air par-dessus son survêtement.

Yamauchi — Tu n’as pas chaud toi, Sakura ?

Yamauchi en profitait pour faire un brin de conversation. Mais il était évident que son objectif principal était de pouvoir mieux contempler la généreuse poitrine de Sakura, cela se lisait dans son regard.

Sakura — Eh ? Ah non, franchement ça va !

D’un coup, Sakura ralentit un peu la cadence, comme pour échapper à ces regards indiscrets. Il paraît que les femmes ressentent tout de suite quand un homme a quelque chose derrière la tête.

Sakura en avait d’ailleurs fait l’amère expérience par le passé.

Yamauchi — Karuizawa a vraiment fait la furie hier. T’es vraiment trop gentille d’avoir défendu Ayanokôji comme ça !

Sakura — Ah, oui…

Il avait beau prendre un air cool, son regard ne trompait vraiment personne.

Moi — Yamauchi, fais bien attention aux arbres, ce serait bête de rater les fruits qui pourraient être dedans ! Surtout qu’ils sont hauts par ici.

Yamauchi — Oh, oui, bien sûr !

Ainsi je recentrai un peu Yamauchi sur notre mission tout en préservant un peu Sakura. Au moins temporairement bien sûr, la perversion des hommes n’ayant aucune limite.

Moi — Les nuages orageux du sud-est se dirigent vers nous. Il pourrait se mettre à flotter bien plus tôt qu’on ne le pensait…

Peu importe les circonstances, il fallait garder en tête que la pluie allait tomber au plus tard en début d’après-midi. En partant de ce principe il ne valait mieux pas trop s’éterniser à la recherche de nourriture : outre le fait d’être éventuellement forcés de s’abriter et de laisser le camp, ce serait surtout dangereux pour nous. Et je ne parle même pas des points qui seraient éventuellement perdus si des blessures nous  obligeaient à nous retirer de l’épreuve.

Kushida — Hmm…

Pendant que nous poursuivions notre quête de nourriture, Kushida afficha une expression pensive et contemplative, surtout envers Horikita et moi. Bien entendu, Horikita fit mine de ne rien remarquer.

Yamauchi — Quelque chose ne va pas, Kushida ?

Yamauchi lui posa la question quand il la remarqua moins réactive qu’à l’accoutumée.

Kushida — Ayanokôji et Horikita semblent bien s’entendre depuis le début.  Je me demandais juste comment ils s’étaient autant rapprochés !

Yamauchi — C’est vrai ça. Comment vous avez fait votre compte ?

Kushida ouvrit un sujet épineux.

Moi — On ne s’entend pas si bien que ça, c’est exagéré.

Yamauchi — Tu dis ça, mais vous êtes toujours fourrés ensemble. Tiens, là, d’ailleurs, vous marchez côte à côte.

Je n’avais personnellement pas le souvenir d’être toujours « fourré » avec elle comme ils le prétendent.

Kushida— Ah. Je crois avoir trouvé ce que ceux deux-là ont en commun !

Yamauchi — Et c’est quoi au juste ?

Kushida — Regarde-les bien, tu ne remarques rien ?

Yamauchi — Hein ?

Yamauchi s’approcha de moi et m’analysa centimètre par centimètre. Ensuite ce fut au tour d’Horikita, mais il s’approcha un petit peu trop près d’elle pour le coup.

*Paff !*

Ainsi ce dernier écopa d’une magnifique gifle de la part d’une Horikita gênée au possible. Yamauchi fit des gestes étranges, d’abord encore surpris, avant de tomber par terre. Ce qui était terrible était qu’Horikita sembla ne lui prêter aucune attention, pas même un petit regard.

Yamauchi — Hé, c’était quoi ça ?

Horikita — Tu étais bien trop proche. Garde en tête qu’on ne viole pas ainsi mon espace.

Il s’était passé la même chose quand Ike avait tenté un rapprochement avec Horikita. En vérité, ça mettrait n’importe qui mal à l’aise d’avoir son visage aussi près de celui de quelqu’un d’autre, alors en plus si c’est quelqu’un qu’on n’aime pas…

Kushida — Ahaha… Désolée Yamauchi, c’est un peu ma faute, je crois bien. Rien de cassé ?

Yamauchi — Tu… tu es trop gentille, Kushida !

Yamauchi prit la main que lui avait tendue Kushida et devint rouge comme une tomate. Ibuki ne perdit pas une miette du spectacle, l’air légèrement surprise. Ces discussions futiles devaient être moins courantes au sein de la classe C.

Yamauchi — A-Au point où on en est, c’était quoi le point commun que tu avais constaté Kushida ?

Kushida — Tu n’as donc pas remarqué ? Les deux sourient assez peu. Pour l’instant je ne les ai jamais vus le faire en tout cas.

Kushida avait l’impression d’avoir fait la découverte du siècle. Elle s’attendait vraiment à ce qu’Horikita et moi lui répondions un truc du style « Bien joué Kushida, c’est tout à fait ça » ? D’ailleurs, j’avais déjà vu Horikita faire des choses qui y ressemblaient, même si c’était davantage des sourires de supériorité ou de convenance.

Moi — Pour Horikita peut-être. Mais moi je souris, non ?

Kushida — Je t’ai déjà vu afficher une expression souriante. Mais jamais un truc qui vient du cœur quoi. Quant à éclater de rire, n’en parlons même pas !

Je lui jetai un regard un tantinet contrarié. Oui, ce genre de remarques me mettait un peu mal à l’aise. Mais ici, sur cette île déserte, je n’avais pas d’échappatoire. Ainsi, je me contentai de détourner le regard.

Yamauchi — Tout dépend de la nature de chacun, je pense !

Kushida — Hmm… je n’aime pas trop ce genre de réponses, même si c’est sûrement vrai !

Entre autres oui, même si l’environnement dans lequel une personne grandit joue beaucoup sur le caractère également.

Kushida — Et si on faisait un entraînement, là, tout de suite ? Allez, souriez !

Horikita — Commençons par cet endroit-là.

C’était vraiment Horikita qui parlait ?

Kushida — Hein ? L’entraînement pour rire ?

Horikita — Combien de temps crois-tu que nous allons marcher ainsi ? Nous sommes venus chercher des vivres au cas où tu l’aurais oublié !

Là je reconnaissais Horikita, qui remit violemment et catégoriquement Kushida à sa place. Sans transition, elle enchaîna sur les instructions relatives à l’exploration de la zone.

Horikita — Nous allons nous répartir en binômes. Personne ne doit agir seul. Allons-y, Ayanokôji !

Je m’empressai de rejoindre Horikita puisqu’elle m’avait appelé.

Sakura — A… Au…

Hein ? Je vis Sakura tenter de nous suivre timidement.

Yamauchi — Allez, c’est parti Sakura !!

Yamauchi, qui appela Sakura, me fit en même temps un signe du pouce comme pour me dire « C’est ma chance, je suis tout seul avec elle ».

Kushida — Et bien allons-y, Ibuki-chan !

Ibuki est asociale, toutefois, il n’y allait sûrement pas y avoir de problème avec Kushida.

Moi — Horikita, tu as réussi à t’occuper de la carte de leader sans problème ?

Horikita — Tout va bien, je l’ai toujours sur moi.

Elle montra sa poche, comme pour me faire signe que la carte était à l’intérieur.

Horikita — À chaque renouvellement de spot je me faufile entre les élèves qu’Hirata a appelés. Bien entendu, j’ai fait en sorte que personne d’autre, et surtout Ibuki, ne se doute de rien.

Je me doutais qu’elle était prudente. Toutefois, cette carte constituant sûrement l’élément clé de notre victoire, je considérais que nous n’étions jamais trop prudents.

Moi — Tu pourrais me la montrer ?

Horikita — Hein ? Ici ?

Moi — Bah justement on est tous les deux, c’est le moment où jamais.

Horikita — C’est vrai. Mais pourquoi veux-tu la voir à ce point ?

Sans plus attendre, je fournissais à Horikita des explications.

Moi — Lorsque je me suis aventuré dans la forêt avec Sakura il y a quelques jours, et elle pourra te le confirmer, nous sommes tombés sur des élèves arborant une carte similaire.

Je lui parlai notamment de Katsuragi de la classe A que nous avions surpris devant la grotte.

Moi — Toutefois je ne suis pas sûr que c’était une carte de leader. Déjà, car j’étais bien loin, mais surtout, car je n’avais même pas vu à quoi la tienne ressemblait avant. Cela me paraît dur de tirer des conclusions ainsi, du coup.

Horikita — …Tu marques un point. D’autant que ce serait un sacré retournement si tu arrivais à faire le rapprochement.

Semblant convaincue, Horikita sortit discrètement la carte de sa poche en s’assurant d’être à l’abri des regards indiscrets. Je scrutai son recto et son verso. L’arrière était celui d’une carte magnétique classique, là où sur l’avant figurait le nom du leader. Celui de « Suzune Horikita » était alors gravé, impossible à arracher donc.

Horikita — Alors, c’est la même ?

Moi — Non… je m’attendais à reconnaître ça immédiatement, mais la couleur me semble différente…

Horikita — Il est possible que la couleur varie en fonction de la classe.

Moi — En effet, mais nous ne pouvons pas en être certains. Nous n’avons pas le droit à l’erreur.

Alors que je tendais la carte à Horikita pour la lui rendre, celle-ci me glissa des mains.

Moi — Oh !

Je laissai échapper un petit son de panique. Horikita la rattrapa tout de suite et la remit dans sa poche, mais nous avions immanquablement attiré l’attention des autres.

Kushida — Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Kushida regarda alors dans notre direction. Ibuki fit de même.

Horikita — Non, juste un petit insecte m’ayant surprise. Je suis désolée.

Horikita, tout en s’excusant, me lança un regard assassin.

Moi — D-désolé…

Horikita semblait extrêmement furieuse  et s’éloigna de moi.

Yamauchi — Alors, une petite scène de ménage ?

Yamauchi approcha, l’air guilleret.

Moi — Yamauchi, j’ai besoin de toi. Tu serais prêt à m’écouter ?

Yamauchi — Quoi ? Tu veux connaître mes tarifs pour des conseils en amour ?

Moi — La terre s’est transformée en boue à cause de la pluie. Est-ce que tu voudrais bien en mettre dans les cheveux d’Horikita ?

Yamauchi — C’est une blague ? Pourquoi je ferais ça ? Tu veux ma mort je crois !

Bien entendu, je ne m’attendais pas à ce qu’il accepte comme ça. Mais Yamauchi étant d’un naturel farceur et blagueur, il fallait à tout prix que ça vienne de lui pour que ça paraisse un maximum naturel.

Yamauchi — Malgré ce qui s’est passé tout à l’heure j’ai pas forcément envie de me venger, ça me paraît même pas très cool.

Moi — Quel dommage, moi qui comptais peut-être faire en sorte que tu aies le mail de Sakura…

Yamauchi — Le mail de S-Sakura !? Vraiment ? Je suis ton homme !

Les hommes ne vivant que pour l’amour sont naturellement prêts à mourir pour. C’est tellement beau comme conviction !

Yamauchi — Tu as intérêt à tenir parole, sinon tu vas voir !

Au moment où je donnai le signal, Yamauchi rassembla une bonne quantité de boue et approcha discrètement Horikita par-derrière. Si elle avait été en forme, Horikita l’aurait tout de suite remarqué, ce qui témoignait encore de sa piètre condition. Kushida et Ibuki étaient intriguées par ce que Yamauchi préparait. Et ni une ni deux, Yamauchi passa à l’action. Il le fit ! Il imprégna les magnifiques cheveux noirs d’Horikita de boue, des deux mains qui plus est ! Après coup, je me disais qu’il en avait même un peu trop fait.

Yamauchi — Ahaha !!! Horikita, t’es pleine de boue !!

Tel un enfant, Yamauchi rit en pointant Horikita du doigt. Horikita eut un bref instant de nonréaction, le temps d’effectivement réaliser. Une fois cela fait, Horikita ne prit même pas la peine de lâcher un mot : elle saisit le bras de Yamauchi, lui fit une prise et l’éjecta au sol.

5

Nous retournâmes au campement avant l’après-midi comme nous l’avions prévu, malheureusement bredouilles. Même sans soleil, il faisait une chaleur atroce dans la forêt, tellement qu’il était difficile de croire que nous avions dépassé la mi-été. Horikita, qui prétendait ne pas suer, avait le visage légèrement luisant.

Moi — Tu devrais vite te nettoyer Horikita-san, tu as de la boue partout.

Horikita — En effet, cette situation est très inconvenante.

Recouverte de boue, Horikita était visiblement très ennuyée. Alors qu’elle était loin d’aller bien, elle avait réussi à le mettre au sol.

Horikita — Tu t’es attiré ma haine pour la vie. Prépare-toi.

Yamauchi partit se cacher derrière moi en tremblant de peur.

Yamauchi — T-T-T’as intérêt à t-t-tenir ta pro-promesse !

Moi — Tu en verras la couleur après l’épreuve, promis.

C’était pas très sympa pour Sakura, mais tout travail mérite salaire, en particulier un acte héroïque comme celui-ci !

Horikita —  Oh non, on dirait que je vais devoir attendre avant de me doucher.

Les filles ayant déjà fini leurs recherches s’étaient rassemblées devant l’endroit où l’on se douchait, attendant leur tour. Karuizawa et deux filles de son groupe faisaient la queue, ce qui voulait dire qu’Horikita risquait d’attendre un certain temps même s’il ne s’agissait que de trois filles. La boue aurait certainement pu lui servir de coupe-file, mais elle ne voulait pas faire d’histoires avec Karuizawa avec qui elle avait eu un différend.

Moi — Et la rivière ? Ça me parait être un bon plan.

Horikita — … Eh bien, je ne vois pas d’autres options.

Yamauchi  — Ouais, nager serait cool surtout que je suis en sueur. Tu veux te joindre à nous, Ibuki-san ? Je suppose que ça ne posera pas de problème si un élève de la classe C l’utilise avec notre accord.

C’est vrai que je ne m’étais même pas posé cette question de permission.

Ibuki — Je vais passer ! Je préfère attendre mon tour tranquillement. Puis je n’aime pas nager.

Sakura— Eh bien, moi aussi !

Sakura en profita aussi pour décliner, car elle n’avait visiblement pas envie d’exposer son maillot de bain devant les garçons. Horikita se mit à partir en direction de sa tente après avoir vu une dernière fois la douche. En effet, l’eau était puisée d’une source d’eau chaude et il n’y avait rien de plus relaxant, mais hormis la grisaille du ciel, il faisait humide et elle n’avait pas la patience d’attendre dans son état. Je me dirigeai vers le devant de la tente avec Yamauchi.

Yamauchi — Je vais me reposer un peu. L’assaut d’Horikita m’a fait un peu mal…

On aurait dit que Yamauchi était en pleurs tandis qu’il marchait de façon instable dans la tente. Mais pour le coup, il avait vraiment été un chef. Concernant Horikita, elle était déjà en train de mettre son maillot. Pendant ce temps, la queue avait augmenté et derrière Karuizawa et les deux filles, il y avait Sakura et Ibuki. Deux autres filles vinrent s’ajouter à la file. Il y avait aussi pas mal d’élèves qui nageaient dans la rivière et quelques minutes après, Horikita et Kushida apparurent en maillot. Je me dirigeai vers le local où étaient entreposées toutes les affaires des garçons puis partis trouver un endroit où me poser tranquillement. Après 5 minutes, je vis Horikita se laver dans la rivière, debout. L’eau froide devait être bien désagréable pour son corps malade, mais elle avait l’air contente que la boue s’en aille.

Moi — Uh-oh, tu as finalement bien fait d’aller à la rivière !

En voyant Ibuki à la fin de la file d’attente, j’hochai la tête pour confirmer mes dires.

6

J’attendis Horikita durant 15 minutes, devant la tente des garçons. Elle resta immobile pendant un moment, fixant ses mains pour vérifier son état. Elle leva ensuite lentement la tête en regardant autour d’elle. Quand ses yeux rencontrèrent les miens, ses pupilles se balancèrent un instant. Sa silhouette s’approchant de moi avec des pas lourds ne semblait plus être fragile.

Horikita — … Ayanokôji-kun. Tu peux venir un moment ?

Je tournai la tête pour voir si Ibuki était revenue dans la file d’attente.

Moi — Qu’est-ce qui ne va pas ?

Horikita — Suis moi…On ne peut pas parler ici.

Sans dire un mot de plus, nous quittions le campement pour aller vers la forêt.

Moi —  Tu veux qu’on aille encore chercher de la nourriture ?

Horikita continua de marcher, m’ignorant toujours. Elle s’arrêta quand nous fûmes hors de vue du campement. Elle ouvrit la bouche pour me dire quelque chose puis hésita comme si elle venait de penser à quelque chose.

Horikita — … Je voulais te dire que c’était une négligence de ma part, mais j’ai réalisé que c’était une erreur.

Moi — Une erreur ?

Horikita —  On l’a volée.

Moi — N… Ne me dis pas que ta culotte a été volée ?

Horikita — Pire, on a volé la carte de leader !

Je ne l’avais jamais vue comme ça. Son visage montrait qu’elle s’en voulait.

Horikita — Vu que je te fais confiance, je suis venue t’en parler. Je ne peux pas prendre le risque de m’adresser au coupable. C’est tellement embarrassant que j’ai envie de disparaître…

J’étais honoré de voir que j’avais sa confiance, mais je ne pouvais pas me réjouir alors qu’elle était au fond moralement.

Horikita — Quelle erreur impardonnable !

Moi — À mon avis, c’est le voleur qui est à blâmer.

Horikita — C’est une question de responsabilité et je n’ai aucune excuse, dit-elle en baissant les yeux pleins de regrets. Il était vrai que cela pouvait nous coûter cher si l’identité de notre leader était connue.

Horikita— J’aurais dû être plus vigilante ! Au lieu de ça, j’ai… Moi — Ne te jette pas la pierre. Tu as fait ce que tu as pu !

Je ne savais pas si elle m’avait entendu, mais elle se mordit la lèvre de regret.

Moi — On devrait éviter d’ébruiter la nouvelle et analyser la situation.

Horikita — Je suis d’accord.

Je voulais en effet éviter la panique générale.

Horikita — Je suspecte Karuizawa et Ibuki.

Concernant Karuizawa, ce serait vraiment un acte de pure haine, mais Horikita précisa qu’elle la pensait aussi capable de le faire pour rigoler.

Moi — C’est impossible, Karuizawa attendait son tour tout ce temps.

Horikita — T’es sûr ?

Moi — Oui, je peux l’affirmer. Elle était avec ses deux acolytes.

Horikita — Si c’est le cas alors c’est Ibuki. Elle a pu apprendre que j’avais la carte ce matin et en a profité pour me la subtiliser. Mais elle n’était pas obligée de se risquer à la voler si elle avait vu mon nom sur la carte. Que mijote-t-elle ? Essaie-t-elle encore de nous diviser ?

Comme si elle cherchait ma réponse, elle me fixa avec suspens. Je mis ainsi ma main sur l’épaule d’Horikita et lui dis calmement :

Moi — Si on suspecte Ibuki, alors il ne faut plus la lâcher des yeux pour ne pas qu’elle s’en tire.

Horikita — Oui ! D’ailleurs tu peux partir en premier, je te rejoindrai.

Moi — Très bien. Je te laisse, je vais commencer la surveillance.

J’imagine qu’elle voulait rester seule pour s’auto-flageller. Je la laissai et retournai au campement.

7

Après dix minutes, Horikita revint au campement où l’air était désagréable. C’était à cause de la fumée noire derrière les toilettes temporaires. Il était pourtant bien trop tôt pour faire un feu et puis, on ne le faisait habituellement pas ici.

Moi — C’est quoi cette fumée ? Que s’est-il passé ?

Alors que je partais en direction d’Horikita, je posai la question à Ike que j’interceptai en chemin.

Ike —  La situation est sérieuse, il y a le feu derrière les toilettes !

Toutes les filles alignées devant la douche avaient détalé aussitôt qu’elles eurent entendu qu’il y avait le feu.

Moi — Je ne vois pas Ibuki. C’est peut-être son œuvre. Où est-elle ?

Horikita — Elle est partie par là-bas dès que l’incendie s’est manifesté !

Je partis en vitesse derrière les toilettes où il y avait Hirata et les autres. Ibuki était là elle aussi. Au moment où Horikita l’appela, elle se retint, car elle affichait une mine sincère. Elle semblait en effet aussi choquée que nous.

Horikita — Ce n’est peut-être pas elle, finalement ?

Horikita fut rongée par les doutes. Théoriquement, Ibuki était la coupable la plus probable, non seulement pour l’épisode de la culotte, mais surtout pour cet incendie. Mais elle ne semblait vraiment pas jouer la comédie, son air surpris semblait authentique. Quand je regardai l’origine du feu, je vis quelque chose à droite des papiers brûlés ; en regardant bien, je parvins à identifier ce qui avait cramé.

Horikita — Le manuel a brûlé ?

Horikita avait vu la même chose que moi.

Moi — Ouaip. Je me demande vraiment qui a pu faire ça… Horikita — Tout s’enchaîne…

Horikita toussota légèrement et afficha une mine dépitée.

Hirata — Je suis responsable, car le manuel était dans mon sac. On avait rassemblé toutes nos affaires devant la tente, mais je ne pensais pas qu’on me le volerait en pleine journée. Faut que je digère la situation.

Plutôt que de chercher le coupable, Hirata se dirigeait vers la rivière afin d’éteindre le feu. Tout en prenant de l’eau dans les bouteilles en plastique, Hirata toussota avec une expression assombrie.

Hirata — Pourquoi… Qui a pu faire une chose pareille ? Pourquoi on ne peut pas s’unir ?

Soudainement, de toutes ses forces, il écrasa la bouteille entre ses mains. Son sang-froid habituel était parti et la tension était dans l’air. Il était vrai qu’il avait une pression constante avec son statut de leader.

Moi — Il ne faut pas que tu te surmènes comme ça.

Cela ne l’avait visiblement pas conforté, mais il me lança un « merci ».

Hirata — Il faut que l’on analyse la situation calmement.

Moi  — La plupart des élèves ont vu le feu et veulent concrètement savoir ce qui s’est passé.

Avec une mine dépitée, Hirata retourna où il y avait le feu, une bouteille d’eau dans les mains.

Karuizawa — Hey, qui a fait ça ? On a un traître ici ?

Nous vîmes sur notre retour Karuizawa, en tête des filles, accuser les garçons.

Ike — Pourquoi nous suspecter ? On parle plus de culotte je te signale !

Karuizawa — Vous avez foutu le feu pour vous innocenter !

Ike — Tu débloques vraiment là, pourquoi on irait aussi loin ?

Hirata — On se calme s’il vous plaît !

Hirata m’avait demandé d’éteindre ce qu’il restait du feu à sa place. Il se plaça entre les garçons et les filles afin de tenter de calmer la situation. Il semblait que tout le monde campait sur ses positions à cause de l’incident de la culotte. La classe D avait besoin d’un coupable, visiblement.

Moi — Bon, le feu ne devrait plus se rallumer.

Tout en secouant une énième fois la bouteille, je vis des gouttes tomber alors que cette dernière était vide. Je regardai ensuite le ciel.

Moi — Il pleut.

Je sentis des gouttes se poser sur ma nuque. Les nuages devinrent plus sombres, ce qui annonçait une pluie torrentielle. Nous nous étions mis d’accord pour mettre de l’eau dans notre vin jusqu’à la fin de l’épreuve au moins, mais finalement chaque camp se contentait de se lancer des regards assassins sans aller vers une réconciliation.

Karuizawa — J’en peux plus ! C’est la pire des situations ! Entre un voleur de sous-vêtements et un pyromane, on a touché le fond.

Ike — Preuve que c’est pas nous qui avons fait ça !

La bataille n’était pas près de terminer. Hirata n’avait pas réussi à calmer le jeu et était complètement dépassé pour je ne sais quelle raison. Était-il obsédé par trouver le coupable au point d’en oublier l’essentiel ?

Yamauchi — Kanji, je ne vois pas Ibuki.

Yamauchi avait remarqué qu’Ibuki n’était plus là. J’avais remarqué aussi que le sac qui était là avait aussi disparu.

Ike  — Alors le coupable serait…

Yamauchi — Toi aussi tu as des doutes hein ? Ce serait logique !

Les garçons commencèrent à soupçonner Ibuki et les filles firent de même petit à petit. Cependant, malgré la réconciliation, la pluie ne cessait d’être de plus en plus forte.

Ike — Bordel, on discutera plus tard, on va être arrosé là.

Ike et les autres mirent la nourriture les affaires à vive allure dans les tentes.

Ike — Hirata, donne-nous les instructions !

 

 

Malgré l’appel d’Ike, Hirata restait toujours immobile. Il avait les yeux dans le vide et ne réagissait pas aux gouttes qui tombaient sur lui. J’étais anxieux alors je m’approchai de lui, toujours sans réaction de sa part.

Hirata — Pourquoi…… Pourquoi ça se passe comme ça ?…… C’est comme cette fois-là…

Il toussota légèrement. Je ne comprenais pas de quoi il parlait, mais cela devait être important. Ce n’était en tout cas pas le Hirata que je connaissais. Hirata — À cause de moi, jusqu’à maintenant… Moi — Allô Hirata ? Ici la Terre !!

Une voix avait appelé Hirata, mais ce dernier ne bougeait toujours pas. Je posai gentiment ma main sur son épaule et il tourna la tête doucement et me regardait, surpris.

Moi — Ike t’appelle.

Hirata — ………Eh.

Hirata était comme vidé, il était tout pâle. Mais dès qu’Ike l’appela une seconde fois, il retrouva enfin ses esprits. C’est à ce moment-là qu’il vit la pluie.

Hirata — Il pleut ?

Moi — Tu devrais aider Ike et les autres. Il faut que nos affaires soient à l’abri.

Hirata — Tu as raison, faut qu’on se dépêche.

Ike — Ayanokôji, Hirata va bien ?

Moi — Il était sous le choc vu la succession de problèmes.

Ike — J’imagine qu’il a beaucoup pris sur lui. Vu que c’est un étudiant sérieux et honorable, il a porté les responsabilités de tout le monde. Plus sa classe ira mal et plus il risque d’exploser.

Moi — Tu penses qu’Hirata va finir par exploser ?

Ike — Bon, j’exagère un peu, mais c’est quand même dangereux.

Si cela se produisait, je me demandais s’il allait se métamorphoser en une sorte de bête comme Sudou ? En tout cas Ike marquait un point : depuis le début de l’épreuve, Hirata avait pris énormément sur lui. C’était d’autant plus difficile que nous n’étions plus dans un cadre scolaire.

Le vol de culotte, la boue, le feu… Tout cela avait suffi à le déboussoler.

Ike — Bon, allons aider les autres !

Heureusement, nous finîmes tout cela en une minute.

Moi — Ok… on est bon !

J’avais compris qu’Ibuki avait disparu pour sûrement ne plus revenir, mais Horikita aussi n’était plus là. J’étais à moitié sûr de ce qu’elle était partie faire et décidai de suivre tranquillement la route qui menait à la plage.

8 (Horikita)

Au beau milieu de la pluie qui commençait à tomber lourdement, je m’efforçais à poursuivre Ibuki malgré mon état. Le ciel était couvert et les nuages gris bloquaient les rayons du soleil, ce qui diminuait fortement la visibilité. Mais même si je ne voyais pas Ibuki, je pouvais suivre ses empreintes de pas grâce à la boue. Elle avait déjà parcouru 100 mètres depuis le campement en allant tantôt à gauche et tantôt à droite. Puis, je vis une silhouette immobile comme si elle avait attendu que quelqu’un vienne se confronter à elle. Par réflexe, je partis me cacher bien que cette action n’avait aucun sens.

Ibuki — Qu’est-ce que tu crois faire là ?

Avant même qu’elle ne se tourne, j’entendis sa voix calme se mêler à la pluie.

Ibuki — Je savais que tu me suivais. Tu peux sortir, tu sais.

Moi — Depuis quand le sais-tu ?

Ibuki — Depuis le début.

Cette courte réponse ne me disait rien qui vaille. Je n’avais eu de pareille sensation depuis longtemps. Elle avait toujours la même expression, mais quelque chose de différent émanait d’elle cette fois.

Ibuki — Alors, pourquoi tu me suis ?

Moi — Tu es certaine de ne pas le savoir ?

Ibuki — Je ne sais pas.

Maintenant, elle me faisait passer pour la méchante.

Moi — Faut-il que je te fasse un dessin ?

Ibuki — J’en ai vraiment aucune idée, explique-toi.

Se tournant vers moi, Ibuki me regarda dans les yeux. Elle donnait l’air de ne rien se reprocher au point qu’une personne ordinaire lui aurait sûrement présenté des excuses. D’ailleurs, je n’avais pas vraiment de preuves au final. Je suivais purement mon intuition, c’était un fait.

Moi — Tu crois vraiment que tu vas t’en sortir comme ça ?

Je n’étais pas sûre de moi à 100%, mais je réussis à faire en sorte que cela ne se voie pas, formulant ma question avec détermination.

Ibuki — Je veux au moins l’entendre de ta bouche.

Moi —  La classe D a eu pas mal de problèmes, entre la culotte et le feu.

Ibuki — Et donc ?

Moi — Tu réalises que des gens te soupçonnent ?

Ibuki — Ah ! Cela ne m’étonne pas vu que je suis une étrangère.

Moi — Donc tu m’as comprise, maintenant ?

Ibuki — Certes, mais où sont tes preuves ?

Moi — Pour la culotte volée je n’en ai malheureusement pas, même si je suis sûre que c’est toi.

Ibuki — La belle affaire, tu m’accuses sans preuve.

Je ne pouvais pas lui donner tort. Elle était restée sage jusqu’au 5e jour sans approcher personne de la classe D. C’était bien assez pour que les gens ne se méfient plus d’elle.

Moi — Si je te soupçonne c’est à cause de ce que tu as fait aujourd’hui. Faut que je te le rappelle aussi ?

Je voulais énoncer clairement toutes les raisons pour lesquelles je la soupçonnais, mais cela pouvait revenir à avouer que j’étais le leader. Même si j’étais sûre à 99% qu’elle était coupable, je préférais éviter de me mettre dans l’embarras au cas où elle serait innocente.

Moi — Je vais aller droit au but, rends ce que tu m’as volé ! Dis-je à Ibuki sans la regarder dans les yeux.

Ibuki —  Peu importe…

Sans en dire plus, elle commença à partir rapidement vers la forêt et je fis de même.

Moi — Où vas-tu ?!

Ibuki — On verra !

Se mouvoir dans les bois n’était pas chose aisée et je l’avais compris ces derniers jours, surtout avec ce temps qui obstruait la vision. Cependant Ibuki ne s’en préoccupait guère et courrait comme si de rien était. Je ne pouvais plus rebrousser chemin, car j’étais venue chercher la vérité et réparer mon erreur.

« Je dois réparer mon erreur… » « Je dois réparer mon erreur… ». Ces mêmes mots tournaient en boucle dans ma tête. Nous étions à la fin de l’épreuve, je ne pouvais pas perdre maintenant. Qui plus est, je suis aussi fautive, car j’ai été agressive envers Karuizawa. Mon rythme cardiaque s’accélérait et, petit à petit, je retenais mon souffle et réduisis l’écart avec Ibuki. Je ne sais pas ce qui allait se passer, mais il était possible que je doive récupérer la carte par la force.

C’est bon, c’est moi, je peux le faire ! C’est bon, c’est moi, je peux le faire !

Je sais que j’ai du mal à rester calme et que j’ai agi jusqu’à maintenant en solitaire, mais c’est comme ça, je n’ai personne vers qui me tourner, je dois continuer et assumer seule. Être dans la forêt était tout de même mieux que d’être en plein air sous la pluie, mais la visibilité était vraiment horrible et la marche était pire que prévu. Vu que je ne marchais pas droit, j’avais tout naturellement perdu mon sens de l’orientation. Mais le plus problématique était ma piètre condition physique qui s’était aggravée entre-temps. En plus de la fièvre, la pluie avait contribué à baisser ma température corporelle. J’avais atteint ma limite : un froid m’envahit soudainement. Ibuki stoppa d’un coup sa marche rapide et regarda un arbre. Il y avait un bout de tissu tout mouillé attaché à ce dernier.

Ibuki — Jusqu’à quand comptes-tu me suivre ? Tu peux arrêter ?

Moi — Jusqu’à que tu rendes ce que tu m’as volé.

Ibuki — Calme-toi et réfléchis un peu. Pourquoi je ferais une chose aussi dangereuse que de voler une carte ? Si on m’avait vu, ça aurait été la disqualification immédiate et la perte de points ne serait pas la seule conséquence.

Je n’avais pas précisé qu’elle m’avait volé une carte. Elle a donc avoué sa culpabilité sans le vouloir. Elle me montra ses dents blanches avec un sourire de façade visiblement gênée.

Ibuki — Ne crois pas que j’ai avoué quoi que ce soit !

Moi — Ne crois pas t’en sortir comme ça !

Ibuki — J’en ai marre de parler avec toi !

Ibuki s’accroupit et commença à creuser près de l’arbre avec ses deux mains. Moi — Oh, hah…

Je venais d’être soudainement frappée de vertige et de nausée.

Ibuki — Tu m’as pas l’air dans ton assiette.

Ibuki me fixa après avoir remarqué mon état, mais elle continua de creuser.

Moi — Ohh… Ohh… Hah…

J’avais jusqu’à maintenant réussi à calmer ma respiration, mais je n’en pouvais plus maintenant. La pluie torrentielle qui venait de me tremper jusqu’aux os impacta grandement ma température interne. Je réussis tant bien que mal à rester debout malgré ma forte envie de tomber au sol, mais ma tête tournait encore.

Moi — Ibuki-san. Si ça ne te dérange pas, je vais utiliser la force.

Ibuki marmonna quelque chose puis se leva et s’approcha.

Ibuki — La force ? Tu pourrais être plus précise ?

Moi — Ce sera mon dernier avertissement.

J’avais pris un ton grave, mais il n’y avait plus d’autre choix, il fallait l’intimider. Durant l’affaire Sudou, quand il s’était battu avec des élèves de la classe C et qu’il était passé en conseil de discipline, je l’avais réprimandé alors qu’il avait fait face à des difficultés inattendues. Le fait que j’allais user moi-même de la violence était finalement assez ironique. C’était ma punition.

Ibuki —  Le dernier avertissement huh ? Ok, et si je t’écoute ?

Elle laissa tomber son sac au sol et leva les bras en guise de résignation. Je ne m’y attendais pas, mais je ne pouvais pas laisser filer cette opportunité. J’étirai mes mains et commença à contrôler l’intérieur du sac. À ce moment, la petite jambe d’Ibuki cibla mon visage. Par réflexe, je me balançai à l’arrière et évitai le coup de pied. La voleuse sauta et se mit en position de défense.

Ibuki — Je vois que tu as de bons réflexes.

Moi — Tu cherches la disqualification ?

Ibuki — Tu penses qu’on va nous voir ici ? En plus, tu veux te battre !

Alors que je me demandais si elle souriait de manière suggestive, elle me saisit par les épaules et me mit au sol en un instant. Sans même réussir à me défendre, je m’effondrai dans le sol boueux.

Ibuki — Tu veux un peu te reposer ?

Son visage, qui me regardait d’en haut, me paraissait flou, alors que j’étais criblée de blessures superficielles. Ibuki serra les poings et me saisit par le col, ce qui souleva la partie supérieure de mon corps. Si je recevais un coup maintenant, je risquais de finir au sol pour de bon. Je réussis à la pousser et à rouler sur le sol pour m’échapper de sa prise. Je me levai du sol boueux en m’aidant de mes mains, essayant désespérément de soulever mon corps. Pour la première fois, j’étais contente d’avoir pratiqué les arts martiaux.

Ibuki — Huh ? Tu peux encore bouger ? Tu as pratiqué un truc ?

Toujours aussi nonchalante, Ibuki avait tout de même l’air impressionnée. Elle réalisa immédiatement que j’avais pratiqué un art martial et que je n’étais pas une personne lambda. Comment ne pas lui montrer que je ne suis pas malade ? J’avais vraiment tout raté dans cette épreuve.  Je n’avais en effet pas contribué à aider la classe D ; au contraire, à cause de mon état, je lui ai même mis des bâtons dans les roues alors qu’elle travaillait dur. J’aurais aimé tout recommencer et proposer quelqu’un d’autre en tant que leader, ou alors j’aurais pu seulement refuser. Mais ma fierté mal placée m’a fait faire quelque chose d’impardonnable : en effet, je n’avais pas pu me résigner à être inutile après avoir pris tout le monde de haut autant de temps, après les avoir traités d’incapables. Je fis un rire acerbe dans mon esprit quand je réalisai tout ça.

Horikita — C’est toi qui a volé la carte de leader, n’est-ce pas ?

Ibuki s’arrêta net et ensuite nous nous approchâmes. Elle feinta une attaque avec sa main droite pour finir avec un coup de pied sauté rapide. J’esquivai et fit une contre-attaque qu’elle esquiva, car elle avait senti le danger. Elle me força ensuite à rester en défense avec ses assauts répétés. Comme le sol n’était pas stable, je gardais mon centre de gravité au plus bas. Je ne sentais aucune once de retenue et elle n’hésita pas rigoler en affichant ses dents blanches comme si elle s’extasiait de la situation. Je n’aurais jamais pensé la voir avec un aussi grand sourire. Je fus ensuite atteinte encore d’un grand frisson et de nausée. Je n’en avais visiblement plus pour longtemps avant de m’effondrer.

Ibuki — Tu as fait de ton mieux jusqu’ici alors pour te récompenser je vais te dire la vérité. C’est moi qui ai volé la carte.

Ibuki mit les mains dans ses poches et sortit doucement la carte. Mon nom était gravé dessus.

Moi — Tu as avoué drôlement vite.

Ibuki — On est arrivé à un point où te l’avouer ou pas ne fait plus trop de différence. Il n’y aura aucune preuve que je t’ai blessée alors l’établissement ne pourra rien y faire.

Ibuki avait vu juste. Le lycée ne pouvait clairement pas cerner la situation dans laquelle nous étions : même si elle me martyrisait ici, elle pouvait trouver toutes les excuses du monde pour se dédouaner. Se plaindre pouvait au contraire se retourner contre la classe D, la seule ayant des points à perdre dans cette histoire. Récupérer la carte aurait peut-être permis de sauver la situation. En effet, rassembler les preuves du vol pouvait permettre à l’établissement d’ouvrir une enquête et de forcer la classe C à admettre ses torts vu qu’il y avait les empreintes d’Ibuki sur la carte. Je ne pouvais abandonner cet espoir, mais il me fallait anticiper les actions d’Ibuki. En fait je ne pensais pas qu’elle allait agir de manière aussi désinvolte et stupide : si elle l’avait joué finement, le vol de la carte aurait pu être maquillé en perte, me faisant ainsi subir le courroux de toute la classe et ajoutant une couche de conflit.

Mais je n’avais plus d’énergie et je n’avais d’autre choix que d’en finir en un seul coup, en m’approchant d’elle. Pour couronner le tout, je n’avais plus de forces dans les poings. Il fallait faire avec. Je ne savais d’ailleurs pas si Ibuki avait avoué aussi facilement parce qu’elle avait un plan ou parce qu’elle me sous-estimait, mais je m’avançai et commença mon assaut. Comme un prédateur se délectant de sa proie, elle me fixa un moment, comme pour contempler ma faiblesse. Mais tout n’était que tromperie chez elle. Alors que je me focalisai sur la partie inférieure de son corps, elle pivota sans hésitation et lança son poing droit de façon optimale ce qui frôla mes cheveux. Puis elle appliqua une petite force sur mon dos pour se replier. Même si j’étais une incapable, il fallait que je donne tout pour sortir vainqueur. J’essayai de prendre ses bras ce qui lui fit perdre l’équilibre, mais encore une foi, elle réussit à saisir un de mes temps morts pour sortir de mon entrave.

Elle avait jusqu’à maintenant évité mes attaques, mais je réussis à rassembler toutes mes forces pour lui donner un direct du gauche dans l’estomac. Ibuki — Ah…

Ibuki, qui n’arrivait plus à respirer, s’agenouilla souffrante. Mais c’en était fini de mes forces et ma vision se déforma. Si elle s’enfuyait, je ne pouvais plus la rattraper alors je continuai de la garder sous mon contrôle.

Moi — Zut, je ne peux plus faire plus.

Comme je m’étais dépensée sans compter, ma condition s’était encore plus aggravée. Mais il ne fallait pas que je tombe maintenant, car mon attaque était assez superficielle pour qu’elle s’en relève.

Ibuki — Je pensais que tu étais dans le coup.

Ibuki se releva et enleva la boue.

Moi — Dans le coup de quoi ?

Ibuki se montra hésitante puis s’exprima :

Ibuki — Ce n’est pas moi qui ai mis le feu.

Moi — Tu comptes encore mentir ?

Ibuki — Qu’est-ce que cet incendie m’a apporté si ce n’est me mettre sous le feu des projecteurs ? Toute ta classe m’a soupçonnée en priorité, et à juste titre. Si j’avais voulu tout avouer et griller ma couverture, je pense que je n’aurais pas fait mieux. Moi — C’est…

J’étais pour le coup d’accord avec elle. Elle avait subtilisé la carte avant que le feu ne survienne et elle n’avait certainement pas eu le temps d’aller fomenter un tel stratagème. Mais qui l’avait fait alors ? Et quel était l’intérêt de mettre feu au manuel ?

Ibuki — La raison pour laquelle je jouais avec toi est que je voulais confirmer l’identité de la personne ayant foutu le feu. J’avais pensé à toi vu que tu avais l’air un peu au-dessus des autres niveau intellect. C’est forcément quelqu’un de la classe D, quelqu’un qui a compris mes intentions depuis un long moment.

Ibuki soupira comme si elle n’arrivait pas à comprendre.

Moi — Tu veux dire que…

Quand je pensais à la seule personne qui aurait pu faire ça, je remarquai qu’Ibuki avait disparu. Ensuite un coup violent me frappa à la tête et me cloua au sol une bonne fois pour toutes.

Ibuki — Notre conversation est finie.

Inconsciemment je voulais me lever, mais ma main qui fut amochée par le coup de pied d’Ibuki me fit retomber. Elle saisit ensuite fermement ma frange et me souleva.

Moi — Ah, lâche-moi !

Ibuki — Désolée mais je n’ai pas de temps à perdre.

Elle me gifla de sa main droite au point que je faillis perdre connaissance vu que j’étais à la limite de l’évanouissement. J’essayai d’enlever sa main, mais sans succès. Ensuite je me tins droit afin de prendre plus d’amplitude avec des mouvements inégaux, mais mes jambes s’entremêlèrent et s’effondrèrent à nouveau comme si elles étaient vidées de leur force.

Moi — Tu crois franchement que tu t’en sortiras avec cette agression ?

Ibuki — Je n’ai pas envie de répondre.

Elle s’approcha et plaça un coup de pied haut que je reçus en pleine face. Combien de fois m’étais-je répété que j’avais fait une grande erreur ? Et pour essayer de me rattraper, j’avais empiré la situation.

9

En traçant sur le sol boueux, je m’étais mis à la poursuite d’Ibuki, mais un des problèmes majeurs était la météo violente qui rendait la situation dangereuse.  C’était également sans compter sur le soleil qui allait se coucher plus tôt que prévu, rendant difficile l’orientation sans lampe torche. La pluie et le vent faisaient maintenant rage ce qui réduisait mon champ de vision à seulement quelques mètres. Le point positif était que les traces de pas étaient visibles grâce à la boue ce qui fit que je ne me perdais pas. Soudainement, elles disparurent, enfin, elles s’enfoncèrent plutôt plus loin dans la forêt. Cela impliquait que les personnes avaient radicalement changé de direction comme si elles avaient décidé de se donner rendez-vous. J’utilisai ma torche et j’aperçus les deux paires de pas encore plus clairement, mais cela ne m’expliquait pas pourquoi elles avaient décidé de s’enfoncer aussi dangereusement.

Juste par mesure de précaution, j’éclairai le sentier principal qui menait à la plage, mais il n’y avait pas de traces de pas. Je m’enfonçai ainsi dans la forêt et logiquement, la visibilité avait empiré au point que l’on pouvait dire qu’il faisait nuit. L’ambiance ne me disait rien qui vaille, mais je continuai à suivre les traces. Trente mètres après, je vis une lumière éclatante entrer dans mon champ de vision. J’éteignis immédiatement ma lampe torche et retins ma respiration. Regardant dans la direction de la lumière, c’était comme si elle essayait d’émettre un signal. Était-ce Ibuki ou Horikita ? Elles n’avaient rien sur elles de lumineux. Je décidai de m’approcher calmement de cette lumière et j’entendis des voix malgré la pluie. Je fis au mieux pour ne pas me faire repérer et comprendre ce qui était dit était secondaire. Peu après, la lumière de la torche s’éloigna, mais j’avançai tout de même prudemment. C’est là où je vis Horikita, couverte de boue et inconsciente. On aurait dit qu’elle était à l’article de la mort.

Une carte fut lâchée sur le sol sans aucune force. Sur son corps amoché, il y avait de la boue. J’en avais déduit qu’Ibuki avait découvert qu’Horikita était notre leader. Après avoir pris la carte, je saisis le bras d’Horikita pour l’aider à se relever.

Horikita — Um….

J’étais un tantinet mal à l’aise en la portant et je finis par soupirer un peu. Horikita ouvrit doucement, mais sûrement les yeux.

Moi — Tu as retrouvé tes esprits ?

Horikita — Ayano…Kôji-kun……”

Je ne savais pas si elle comprenait la situation, mais elle s’exprima faiblement. Horikita — ……ma tête…j’ai mal ……

Moi — Tu as beaucoup de fièvre alors évite de parler.

Horikita — Je vois …et…Ibuki ?……Mais qu’est-ce que tu fais là ?

Même si je lui disais de dormir, elle serait trop agitée pour le faire et ce n’était pas bon pour sa fièvre qui grimpait en flèche. Puis elle comprit petit à petit la situation.

Horikita — C’était bien Ibuki la voleuse de carte.

 

Moi — Je vois.

Horikita — Je suis bien pire que Sudou et les autres sur ce coup-là et c’est une honte pour moi qui, d’habitude, leur fait des reproches.

Elle ferma les yeux en guise de lamentation, mais je ne pouvais rien y faire.

Moi — Se morfondre n’est pas le but de cette épreuve !

Je lui avais dit histoire de changer un peu l’ambiance, mais elle était toujours triste. Elle était aussi bien blessée physiquement que psychologiquement.

Horikita — Tout cela aurait pu être évité si j’avais su comment faire confiance à quelqu’un !!

En effet, pour protéger l’identité du leader il fallait pouvoir compter sur des personnes. Ainsi, la carte aurait été protégée sans que personne ne la quitte des yeux une seule fois, mais elle n’avait pas d’amis pour l’aider. Elle était dans un état misérable et toussotait.

Horikita — Quand j’ai perdu conscience, j’ai cru entendre la voix de Ryuuen. C’est bizarre, car il n’est pas censé être sur l’île.

Moi — Tu devais rêver, vu que tu étais à moitié dans les pommes.

Horikita — Si je délirais alors mon état est pire que je le pensais.

Je me demandais tout de même si elle ne l’avait pas vraiment entendu. Même si elle était tombée dans les vapes, son cerveau l’a peut-être fait se réveiller au bruit en l’occurrence ici pour la voix de Ryuuen.

Horikita  — Je suis désolée, dit-elle alors que je pensais silencieusement.

Moi — Pourquoi tu t’excuses ?

Horikita — C’est parce que tu es le seul à qui je peux en faire.

Moi — Si tu es aussi pessimiste, essaie dans le futur de te faire des amis de confiance à partir de maintenant.

Horikita — C’est difficile, personne ne veut être ami avec moi.

Je ris bêtement à cette phrase incongrue de sa part.

Horikita — Pourquoi tu ris ? On ne se moque pas des gens !

Moi — Non mais c’est juste qu’au fond de toi, tu commences à penser que tu as besoin d’alliés !

Horikita — Je n’ai jamais dit ça !

Nous retrouvions ainsi l’habituelle Horikita sauf que là, il y avait une nuance dans ses propos. Jusqu’à maintenant, tout le monde s’était plus ou moins adapté afin d’aller de l’avant, mais pour Horikita, changer sa manière de faire pour avancer allait se révéler plus compliqué. Horikita avait les yeux dans le vide comme si elle regardait quelqu’un d’autre que moi. Horikita — Je le savais depuis longtemps pourtant que seule…

Ce monde n’est pas fait pour que l’on vive seul. En témoigne la société ou bien l’école.

Moi — Arrête de parler, tu vas te fatiguer.

Elle continuait tout de même malgré mes mises en garde. Mais elle n’avait d’autre choix que de se reposer sur quelqu’un alors qu’elle n’avait personne.

Horikita — Je monterai en classe A avec mes propres moyens. Je me remettrai de cet échec.

Avec fébrilité, elle s’agrippa à ma manche et s’exprima de façon déterminée.

Horikita — Et je suis prête à me faire maudire par toutes les classes s’il le faut.

Moi — Selon le système de cette école, monter en classe A n’est pas faisable en solo. La coopération d’autres personnes est indispensable.

Elle n’avait pas la force de garder ses yeux ouverts alors ils se fermèrent. Sa poigne fébrile me faisait me sentir puissant.

Horikita — Au final, je reste seule dans cette lutte.

Moi — Ah chut bon sang. Ce n’est pas dans cet état que tu vas avancer.

Je tins Horikita plus fermement.

Moi — Tu n’as pas les épaules pour porter de grosses responsabilités, désolé de te le dire. Tu n’es pas si forte.

Horikita — Tu me demandes d’abandonner ? J’ai un rêve et je veux que mon frère m’approuve. Il faut que je sois en A !

Moi — Je n’ai pas dit que tu devais abandonner.

Je regardais Horikita souffrante, gémissant sur le haut de mon corps.

Moi — Toute seule c’est mort. Laisse-moi t’aider !

Horikita — Pourquoi……? Ce n’est pas ton genre.

Moi — Pourquoi pas ?

Il valait mieux pour moi de rester vague et, peu près, elle perdit conscience. Il fallait maintenant que je la transporte sans me faire remarquer. Le mieux était d’appeler les profs, mais je ne savais pas où était situé le bouton d’urgence sur la montre. Et puis, si l’hélicoptère était déployé pour venir la récupérer, cela n’aurait pas été discret. La route était dangereuse et je fis de mon mieux en priant pour retrouver le chemin normal, mais je débouchai sur une falaise escarpée. Encore un peu et je tombais. Avec la torche je vis qu’il y avait environ 10 mètres de profondeur. Malheureusement, ce n’était pas la bonne direction et je me demandais si je ne devais pas refaire tout simplement le chemin inverse. J’essayais de marcher doucement pour ne pas déranger Horikita, mais le sol boueux me fit perdre l’équilibre. Comme j’avais les mains occupées avec Horikita, je tombai inévitablement.

Je courbai mon corps pour protéger Horikita, mais je ne fis qu’empirer la situation et dévalai la pente. C’était comme si je volais et je ne me rappelais plus clairement ce qui se passa après ma chute. Au moins, Horikita n’était pas blessée. Je regardais la petite pente, mais la remontée allait être difficile avec Horikita dans les bras.

Moi — J’ai merdé.

Ce n’était pas le moment de rester bloqué là.  Je comptais bien la porter sur mon dos et avancer avec mon petit bâton lumineux qui faisait office de torche. La pluie torrentielle avait refait son apparition et aspirait mes forces. La chaleur d’Horikita n’était clairement pas normale et si elle s’exposait trop longtemps à la pluie, cela pouvait devenir dangereux. Mais il n’y avait pas de grottes ou d’abris artificiels où se réfugier et je ne pouvais compter que sur la force de la nature. Heureusement, les arbres étaient présents en masse et à divers endroits, nous permettant d’être au sec.  Je cherchai les grands arbres et nous abrita près de l’un d’entre eux. C’était mieux que rien. Je déposai délicatement Horikita sur le sol. Son haut allait probablement se salir, mais la situation ne nous laissait pas le choix.

Je déposai ensuite sa tête sur mes genoux. Il y avait un peu de fraîcheur dans la zone, mais l’humidité était tellement élevée qu’il faisait toujours chaud. Horikita était en piteux état et elle tremblait au point de courber son corps à cause du froid. Je pris Horikita dans les bras pour la rapprocher de mon buste le plus possible en espérant que sa condition s’améliore petit à petit. Je me demandais combien de temps s’était écoulé depuis notre arrivée sous l’arbre. Horikita s’était enfin réveillée, mais elle avait l’air encore dans les vapes ou bien elle ne comprenait pas la situation dans laquelle nous étions.

Horikita — Comment… tu ?… Je…

Je me demandais si elle était confuse, car elle n’avait pas l’air de se rappeler de ce qu’il s‘était passé un peu avant.  Je lui expliquai le pourquoi du comment, mais j’avais des doutes sur sa compréhension des choses.

Horikita —  Je me rappelle de tout maintenant !

Moi — C’est une bonne nouvelle.

Horikita — Je ne sais pas si c’en est une, car je me rappelle aussi de ma bêtise.

Si elle arrivait encore à se dévaloriser alors c’était bon signe pour sa santé.

Moi — Il est presque 18h. Tu vas peut-être trouver ça déplacé, mais tu devrais te retirer de l’île, ton corps a atteint sa limite.

Elle était arrivée jusqu’à maintenant à gérer sa mauvaise condition physique, mais il fallait maintenant mettre un coup d’arrêt.

Horikita — Je refuse ! On ne peut pas se permettre de perdre 30 points et en plus, à cause moi. Moi qui avais critiqué Karuizawa et les autres sur le gaspillage de points.

La pénalité était tout de même sévère à tel point que cela nous coûtait bien plus que les dépenses personnelles de Karuizawa en termes de points. Elle essuya ses larmes avec amertumes.

Horikita — Et aussi ma carte a été volée ! Tu sais ce que ça veut dire ?

Moi — Que la classe D va perdre 50 points.

Horikita acquiesça légèrement. En effet, il n’allait pas nous rester grand-chose.

Horikita — Rentre au camp et laisse-moi ici. Au moins je serai la seule absente pour l’appel du soir.

Moi — Et qu’est-ce que tu comptes faire ?

Horikita — Je me débrouillerai pour rentrer au camp demain matin. Je vais essayer de me reposer pour être bien présente pour l’appel du matin et comme ça, pas d’abandon et on ne perdrait que 5 points.

Le but était donc de limiter la casse le plus possible.

Moi — Plus facile à dire qu’à faire. Tu es très faible et notre prof n’est pas bête, tu ne pourras pas mentir sur ton état. Et surtout, tu n’arriveras pas à revenir seule au campement.

Horikita — C’est notre seule chance d’économiser des points.

Il était vrai que l’abandon allait nous coûter beaucoup de points.

Horikita — Allez, vas-y !

Bien qu’elle était faible, je sentais toujours son incroyable combativité. Elle ne supportait surtout pas l’idée d’impliquer les autres dans sa faute. Sans dire un mot, je me levai, plaçant sa tête sur le sol.

Moi — Moi je te pourrais te laisser seule sans hésiter, mais nos camarades vont tout de même te blâmer.

Horikita — Et tu as raison. En même temps, tout est de ma faute.

Horikita fut d’accord avec moi malgré ma froide remarque. Mais avant tout, elle ne supportait pas sa faiblesse actuelle et essaya d’endurer le froid en positionnant ses bras sur son corps. Il était difficile de ne pas pouvoir compter sur les autres, surtout par un temps pareil qui n’avait pas montré un signe d’arrêt.

Moi — Tu pourras vraiment revenir demain ?

Horikita — Oui, ne t’en fais pas.

Moi — Tu penses vraiment qu’abandonner est hors de question ?

Sa réponse était évidente.

Horikita — Ce n’est pas une option envisageable.

C’était bien beau d’avoir un tel esprit, mais cela ne servait à rien si on perdait.

Moi — Hey. Pourquoi tu t’isoles comme ça ?

Horikita — C’est ma négligence qui a causé tout ce bazar. C’est tout.

Moi —  Je ne pense pas.

Horikita Suzune se battait comme elle pouvait pour finir la tête haute.

Horikita — Je t’en prie, pars. Je te le demande en tant qu’amie.

Horikita l’avait dit tout en mordant ses lèvres.

Horikita — Tout va s’arranger, je vais faire comme si de rien était.

Moi —  Justement, c’est ça qui me fait peur.

Horikita — Ne t’en fais pas, toute seule je…

Quand elle s’était relevée, elle ferma les yeux à cause de la douleur.

Horikita — Allez, pars !

Après avoir fini sa phrase, elle perdit conscience.

Je la soulevai délicatement afin de la placer dans une position un peu plus confortable et je levai les yeux vers la profonde obscurité en laissant échapper un soupir.

Moi — Cela aurait été bien plus simple si tu avais décidé de te retirer. Tu es vraiment têtue comme une mule au point de résister jusqu’à la fin. Je trouve cela splendide personnellement, car tu avais presque fait les choses de façon admirable, mais malheureusement, Horikita tu as commis une grave erreur. Laisse-moi être honnête avec toi

 

maintenant. Je ne t’ai jamais considérée comme une amie ou une alliée. Le fait que tu sois ma voisine de classe ne me fait ni chaud ni froid. Dans ce monde, la victoire est tout ce qui compte peu importe la manière et peu importe le prix. Tant que je gagne, le reste est secondaire et toi, Hirata et les autres n’êtes que des outils pour parvenir à mes fins. Ce n’est pas de ta faute si tu te retrouves dans cette situation. Il ne faut pas que tu te dévalorises, car tu m’as été utile, en fait.

Je parcourus le chemin boueux tout en allumant la torche. Mes chaussures étaient sales et l’intérieur, trempé. Mais je m’en fichais, car la seule chose à faire était de trouver où j’étais. En dévalant la pente, je m’étais sûrement éloigné du campement, mais j’étais sûr que si j’allais dans l’autre direction, la distance pour me retrouver sur la côte était réduite. Et puis je pouvais me promener un peu dans la forêt vu que j’avais la carte en tête après l’avoir explorée ces derniers jours. Et la plage était même plus près que prévu. Je pouvais apercevoir le bateau et ses lumières qui se reflétaient dans l’eau. Il m’a fallu ensuite quelques minutes pour retourner à l’endroit de tout à l’heure pour transporter une Horikita au bout du rouleau. Son beau visage était couvert de boue et elle n’avait pas repris connaissance alors que je l’avais levée. Je me dirigeai donc vers la côte tant bien que mal et arrivai à peu près avant 20h. Les tentes des profs étaient pliées pour éviter qu’elles ne soient emportées par le vent. Je montai sur la rampe et arrivai sur le pont. Un professeur remarqua ma présence et s’empressa de venir à moi.

— Il est interdit de venir ici sous peine de disqualification.

Moi — J’ai une urgence. Elle a une forte fièvre et elle a perdu connaissance. Occupez-vous d’elle s’il vous plaît.

Dès que je finis d’expliquer la situation, le professeur n’en dit pas plus et fit venir une civière. J’y plaçai Horikita.

— Est-elle d’accord pour l’abandon ?

Moi — Bien entendu. Cependant laissez-moi avoir votre confirmation. Il n’est pas encore 8h et son absence ne nous fera pas perdre de points lors de l’appel n’est-ce pas ?

Il était 19h58, mais je devais avoir confirmation.

— … Certainement, bien qu’elle soit à la limite. Je ne peux en revanche pas en dire autant de toi.

Moi — Je vois. Ah oui, il faut que je vous rende cette carte.

Je lui tendis la carte après l’avoir sortie de la poche.

Moi — Bon, je reprends l’épreuve.

Je ne pouvais pas rester là et descendit sur la terre ferme, sous la pluie. Avec Horikita hors course, la classe D perdait 30 points et avec mon absence à l’appel du soir, 5 points de plus.

 

 

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