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Classroom of the elite Chapitre 36

Le festival sportif prit fin mi-octobre, période de l’année où il commence toujours à faire frais. En parallèle avaient aussi eu lieu les élections afin d’élire le futur président du Conseil des élèves. Nous étions en pleine cérémonie de passation, dans le gymnase, tous les élèves de toutes années confondues étaient présents mais, bien entendu, la plupart des secondes faisaient de leur mieux pour se retenir de dormir.

— Nous allons écouter la discours de clôture au président Horikita.

Horikita Manabu s’approcha lentement du micro sous le regard perçant et déterminé de sa jeune sœur. Il y a quelques mois, le fait de voir son frère sur scène l’aurait intimidée.

Horikita-senpai — Je suis fier et reconnaissant d’avoir présidé le Conseil durant deux longues années. Merci pour tout.

Après cette brève et sobre conclusion, le grand frère de Horikita retourna à sa position initiale. Certes, il n’avait pas fait de discours émouvant, mais la cérémonie n’allait pas tout à fait en finir là. Les membres du Conseil se tinrent toujours droits sans bouger d’un poil.

— Le président Horikita s’est dévoué corps et âme à sa tâche jusqu’à maintenant. Nous avons ainsi le plaisir d’accueillir celui qui prendra sa place, Miyabi Nagumo, en première A.

Miyabi Nagumo s’approcha du micro d’un pas assuré et parmi les élèves qui le regardaient avec le sourire, on pouvait voir Ichinose.

— Je suis Miyabi Nagumo, en première A. J’aimerais tout d’abord m’adresser au président Horikita. Votre rigueur et votre gentillesse furent une source d’inspiration pour moi. Je suis honoré de me tenir à votre place aujourd’hui et ferai en sorte de rendre hommage à votre dur labeur. Je suis vraiment reconnaissant d’avoir vu de mes yeux l’un des plus grands président du conseil de l’histoire de notre établissement. Vous êtes une légende vivante.

Il s’inclina en direction du grand frère de Horikita en guise de profond respect puis se tourna vers le public.

Nagumo — Laissez-moi encore me présenter. Je m’appelle Miyabi Nagumo et serai le prochain président du conseil de notre lycée d’excellence. Je compte sur votre soutien indéfectible.

Il était différent du Nagumo que j’avais vu durant le sprint final du relais. Il était poli et doux dans sa manière de s’exprimer. J’imagine que ce n’était qu’une façade. Il esquissa par la suite un petit sourire afin de changer l’atmosphère cordiale.

Nagumo — Je vais aller droit au but. Tout d’abord, je compte modifier la méthode de sélection des membres du Conseil ainsi que le déroulement des élections générales. Ces dernières se dérouleront en octobre au lieu de décembre. Ceci a pour but de mettre en place une nouvelle génération aussi vite que possible pour le bien de la transition vers cette nouvelle ère. Je compte rendre les mandats du président ainsi que celui des autres personnes clés permanents afin qu’ils puissent effectuer leurs missions jusqu’à la remise des diplômes. En parallèle, j’abolirai le système de quota des membres du Conseil. Il n’y aura pas de limites de place et peu importe le moment de l’année, vous pourrez l’intégrer tant que vous avez les qualités nécessaires. Si un membre du Conseil est jugé au bout d’un moment inapte, son exclusion sera proposée et soumise à un vote à la majorité. Permettez-moi de faire ainsi une déclaration aux élèves, aux enseignants et aux administrateurs de l’ancien Conseil des élèves ici présents. Voici ce que j’annonce pour le futur, je détruirai tout ce qui a été bâti jusque-là par les précédents Conseils dans l’intérêt de notre lycée d’excellence.

Il parla avec une telle férocité qu’il fit oublier tout le mérite de l’ancien président qui se tenait derrière lui.

Nagumo — Je voulais mettre ce système en place immédiatement mais, malheureusement, ce ne sera pas possible. En effet, je suis soumis à diverses évaluations pour ma prise de fonction, ce qui me retarde énormément.

Nagumo regarda l’ancien président du Conseil et se tourna ensuite vers les élèves.

Nagumo — Je vous promets une grande révolution. Les élèves forts atteindront le sommet et les faibles chuteront. Je ferai en sorte que cet établissement devienne une vraie méritocratie alors je compte sur vous pour donner tout ce que vous avez.

Le gymnase devint soudainement silencieux un petit moment avant d’exploser en cris de joie et en brouhaha que les élèves de première adressèrent à Nagumo. J’avais l’impression qu’il y avait une concurrence entre les premières et les terminales dont nous n’avions pas idée.

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Voilà que nous entamions le second semestre. C’était la fin de la première journée de cours. Le moins que je pouvais dire était que les dernières épreuves avaient totalement bouleversé mon environnement.

En effet, cela avait pris du temps mais je sentais que notre classe commençait à être unie. Les petits cercles d’amis disparates commencèrent à s’agrandir et s’ouvrir au point que même ceux qui avaient du mal à sociabiliser sortaient de leur coquille. Le comportement général avait lui aussi changé : les retards, les bavardages ou les siestes en classe par exemple étaient de l’histoire ancienne !

Le meilleur exemple de tout ça était Sudou qui avait, pour le coup, vraiment évolué malgré le peu de temps qui s’était écoulé depuis la fin du festival. On pouvait bien entendu le voir somnoler de temps en temps, mais c’était surtout à cause de sa pratique intense en club. Bien qu’il manquait de sommeil, il faisait des efforts pour prendre des notes pour le bien de la classe et de Horikita. Certes cette dernière y veillait de très près, mais mine de rien il devint tout de même plus docile notamment avec ses amis Ike et Yamauchi. J’imagine que le fait de ne pas vouloir décevoir sa bien-aimée Horikita a été le moteur de son changement. Quoi qu’il en soit, Sudou maturait petit à petit et sa réputation s’améliorait de jours en jours au sein de la classe. J’avais pour ma part aussi changé et il était difficile de savoir si c’était une bonne ou une mauvaise chose.

— Tu es seul ?

Alors que j’étais dans mes pensées, une personne m’interpella.

Moi — Est-ce une mauvaise chose ?

C’était ma voisine de bureau, Horikita, qui semblait ricaner. Je la regardai sans comprendre.

Horikita — Tes chers amis, Ike-kun et Yamauchi-kun,  ont l’air de t’inviter moins souvent.

Moi — Ah ouais ?

Sa tendance à aller dans les extrêmes était vraiment un de ses grands défauts.

Horikita — Ah, au temps pour moi. Tu avais l’air seul ces derniers temps, même pendant le déjeuner ou bien après les cours.

Nous vîmes Ike et Yamauchi quitter la salle de classe avec le Doc. Allaient-ils au centre commercial Keyaki ? Moi qui pensais aussi être imperturbable qu’une statue, c’était raté. Horikita avait vu à travers moi. Il fallait dire que ma réputation avait changé depuis le festival sportif, par conséquent je traînais de moins en moins avait les gens qui étaient les plus proches de moi. Enfin appelons un chat un chat : ils m’ignoraient complètement.

Horikita — C’est normal en même temps, ils pensaient que tu étais aussi inutile qu’eux donc vous traîniez ensemble par solidarité. Il est vrai que tu cachais bien ton jeu, tu as des aptitudes sportives impressionnantes.

Moi — N’exagère rien. Je cours juste un peu plus vite que la normale. Horikita — Certes mais pour un élève de seconde, c’est du très rapide. De plus, ils ont aussi remarqué que tu avais de la force, en témoigne le test pour mesurer la force de préhension. Tu es arrivé derrière Sudou avec un résultat bien supérieur à la moyenne. Tu devrais pourtant savoir que les gens ont tendance à ne pas aimer ceux qui excellent. D’autant plus que tu as caché tes capacités.

Je voulais bien admettre tout ça mais je ne comprenais pas vraiment ce qui était considéré comme la moyenne. Pour moi, j’avais juste l’impression de courir plus vite que quelqu’un de lambda, sans plus.

Horikita — Bref, profite de ta vie de solitaire.

Elle me fit un regard sarcastique et quitta la salle de classe, les cheveux au vent. Entendre ça d’elle, c’était un peu l’hôpital qui se foutait de la charité !

Une fois Horikita partie, Karuizawa me lança un regard incompréhensible. Quand nos yeux se croisèrent, elle dévia naturellement le regard comme si elle ne voulait pas se faire prendre. Il y avait forcément quelque chose à comprendre derrière cette réaction mais elle se contenta de sortir de la salle après Horikita, sans rien faire de plus. La courte longueur de sa jupe qui flottait me trotta le cerveau vu qu’elle était plus courte que celles des autres filles. Je ne pensais pas qu’un ou deux centimètres de moins pouvaient faire autant d’effet. Moi — Comment elle… Bon, ça ira…

— Hey, hey, Ayanokôji-kun.

Alors que je cherchais ce que j’allais faire, je reçus une visite inattendue. C’était Satô, une fille au même tempérament que Karuizawa. J’avais d’ailleurs oublié son prénom mais je savais qu’elle était plutôt cool avec Ike et Yamauchi au début de l’année, elle faisait même partie de leur groupe de chat. J’étais aussi dans la conversation mais j’étais inactif au vu du peu d’intérêt que j’y portais. Elle avait donc beau être une camarade de classe, je ne lui avais quasi jamais adressé la parole. Elle essayait d’être populaire en faisant ami-ami avec les garçons mais le résultat n’était pas très concluant. Une sorte de Kushida bas de gamme finalement. Elle ne semblait pas emballer Ike par exemple car, selon lui, elle était trop garce et devait avoir trop l’habitude de fréquenter des mecs. Il est d’un compliqué sérieusement !

Au vu du timing, elle a dû attendre que je sois seul pour me parler et elle regarda les alentours nerveusement.

Moi — Y’a un souci ?

Satô — Eh bien, c’est un peu…

Elle n’était pas claire alors je ne pouvais pas spéculer sur ce qu’elle me voulait. D’autant plus que je n’avais quasiment aucune info sur elle.

Satô — Comment dire ? T’as un peu de temps ? Faut que je te parle.

C’était tout simplement étrange alors je restai sur mes gardes mais je n’avais pas le courage de refuser. Il était plus facile d’accepter que l’inverse.

Satô — Ce n’est pas vraiment confortable ici, on peut aller ailleurs ?

Avant même que je ne réponde, elle avait prédit que je ne refuserais pas. Je la suivis.

Moi — Ah…

Alors que je quittais la salle, Sakura fit un son, comme si elle essayait de dire quelque chose, mais aucun mot ne sortit et elle détourna le regard. Nous sortîmes du couloir pour nous retrouver dans celui qui menait au gymnase. Ce chemin était généralement bondé l’après-midi car les élèves en club l’empruntent, mais là nous étions à la pause déjeuner et l’endroit était presque vide. Satô ne voulait apparemment personne dans les environs et en profita pour s’arrêter et se tourner vers moi.

Satô — Je vais te demander quelque chose de bizarre… Ayanokôji-kun, tu vois quelqu’un en ce moment ?

Moi — Euuh ? Comment ça ?

Satô — Eh bien, tu as une petite amie en gros ?

Clairement, la réponse était « non » et, bien que ça me faisait mal d’admettre que je n’étais pas populaire, mentir ne servait à rien alors je fus honnête.

Moi — Non…

Satô — Hmm, je vois…Et tu recherches une petite amie ?

Elle ne m’avait ni pris de haut ni pris de pitié. Au contraire, elle esquissa un petit sourire sincère. Je commençais à comprendre là où elle voulait en venir. Étaitce un piège ? J’étais sur mes gardes mais il n’y avait en tout cas personne dans les environs et j’optais plus pour l’option que Satô ou une de ses amies était intéressée par moi. Mais pourquoi maintenant ? À cause de ma course ?

Satô — Si tu veux commencer par une amitié, on peut faire ça. On s’échange nos numéros ?

C’était donc elle et non une amie qui voulait se rapprocher de moi. Jamais je n’aurais pensé que le jour où une fille viendrait à moi comme ça arriverait. C’était l’étape juste avant la confession.

Moi — Heu, pourquoi pas.

Je n’avais aucune raison de refuser la chose. Me rapprocher d’elle pourrait m’ouvrir d’autres horizons pour le futur et là, je n’avais qu’à prendre son numéro.

Moi — Voilà…

Je vis le nombre de mes contacts féminins s’agrandir, ce qui me rendit heureux. Peu ensuite, je remarquai qu’il régnait une étrange atmosphère de sérénité.

Moi — Je vais aussi poser une question bizarre mais pourquoi tu veux soudainement être en contact avec moi ?

Satō rougit un petit peu et commença à fermer les yeux.

Satô — Disons que durant le relais lors du festival, tu avais carrément la classe ? Ou plutôt que nous étions proches mais je n’avais jamais remarqué ce que tu valais vraiment. Le meilleur mec de la classe est Hirata-kun mais il sort avec Karuizawa-san alors c’est pas possible.

Après avoir fini, elle ouvrit les yeux et me fixa. Elle rectifia le tir ensuite.

Satô — Ah… Je veux dire par là que tu n’es pas moins bien que Hirata-kun tu sais. Pour être honnête, en y voyant de plus près, tu es même plus beau que lui. Tu as aussi l’air d’être fiable et sympa. Voilà…

 

 

Peut-être que le sentiment de honte lui était parvenu puisqu’elle ne s’exprima pas très clairement à la fin. Tandis qu’elle partait, je restai immobile, toujours perturbé par ce qu’il venait de se passer. Je fus en effet dans une situation inattendue, dans un endroit inattendu avec une personne inattendue. Quand bien même personne ne connaissait le futur, il fallait bien admettre que cette scène était inenvisageable alors je ne savais pas quoi faire.

Concernant Satô, j’étais neutre avec elle dans mes sentiments et la considérais comme une camarade de classe lambda. Devais-je refuser ses avances ? Il fallait rester rationnel car elle ne m’avait pas dit explicitement qu’elle voulait sortir avec moi. Elle m’avait juste demandé mes coordonnés pour que l’on soit amis, rien de plus. Qui plus est, si je l’avais rejetée, elle aurait pu me la faire à l’envers en me disant que je me faisais des films et ça aurait été très embarrassant. Être au cœur d’une confession est souvent sujet à troubles et je comprenais maintenant les sentiments de Sakura lorsque Yamauchi s’était déclaré à elle. Alors que je retournai en classe en méditant sur la situation, je croisai Katsuragi et Yahiko de la classe A. Pensant continuer mon chemin tranquillement, Katsuragi s’arrêta et dit cela à Yahiko :

Katsuragi — Vas-y en premier, faut que je parle à Ayanokôji-kun.

Yahiko fut surpris mais comme ce fut un ordre de Katsuragi, il opina du chef et partit.

Katsuragi — Horikita n’est pas avec toi.

Moi — Nous ne sommes pas toujours ensemble.

Parler avec des garçons était bien plus facile qu’avec le sexe opposé. Je me sentais vraiment idiot d’avoir galéré à me faire des amis.

Katsuragi — Certes. D’ailleurs je dois dire que tu m’as surpris durant la course de relais. Personne ne s’y attendait.

Je ne fus pas surpris d’un poil et m’attendais à ce qu’il me parle de ça. Je répondis avec indifférence.

Moi — La classe D ne compte pas rester au fond pour toujours.

 

Katsuragi — Je suis bien d’accord mais même la plupart des élèves de ta classe furent surpris. À moins que tout ça ne soit une stratégie de votre part, je ne pense pas que tout le monde savait que tu courrais aussi vite.

Katsuragi est vraiment talentueux pour observer son environnement même dans des situations extrêmes. La plupart des gens n’ont focalisé leur attention que sur moi ou sur le président du Conseil mais lui a observé les réactions de toutes les classes.

Moi — Tu peux penser ce que tu veux, je ne compte rien dire.

Katsuragi — Ce n’est pas un problème, je n’attends rien de toi.

Moi — Pourtant, vu notre hostilité, tu devrais essayer de glaner des infos sur notre classe à moins que tu ne nous considères pas comme de sérieux adversaires.

Katsuragi eut l’air un peu vexé et fit quelques pas pour s’arrêter près de la fenêtre. Il regarda au dehors.

Katsuragi — Disons que pas mal de problèmes épineux me tombent dessus ces derniers temps et je ne peux pas me permettre de surveiller les mouvements des autres classes.

Moi — Tu as dit à Horikita de faire attention à Ryuuen.

Je ne faisais que parler du peu que je savais officiellement à ce sujet.

Katsuragi — Il se fiche de son image du moment qu’il gagne. Et il est prêt à tout pour ça quitte à utiliser l’intimidation ou la violence.

Cependant, il ne devait pas se méfier que de Ryuuen mais aussi de Sakayanagi qui essayait de le pourrir en interne. Mais je ne comptais pas amener le sujet sur la table. Elle connaissait mon passé et restait encore très mystérieuse. J’avais intérêt à rester sur mes gardes.

Moi — Intimidation et violence ? Si l’établissement l’apprenait…

Katsuragi — Il est du genre méticuleux lorsqu’il fait ses coups en douce alors dis à Horikita de ne surtout pas le sous-estimer. Dis-toi que Ryuuen est notre ennemi commun que ce soit pour les classes A, B et D.

Il est vrai que la classe C avait ouvert les hostilités avec toutes les classes mais, Katsuragi et Ryuuen ayant joint leur force un moment, je ne pouvais pas lui faire totalement confiance et il l’avait remarqué.

Katsuragi — Tu ne me crois pas ?

Je décidai de creuser un peu plus les choses.

Moi — Pour être sincère, je ne peux pas te faire confiance comme ça et je ne sais pas du coup si je compte prévenir Horikita. Je ne peux pas te dire la source mais il semblerait que tu t’étais allié avec Ryuuen un moment. Est-ce juste une rumeur ?

Katsuragi — …Qui t’as dit ça ? Enfin pas besoin de savoir…

Katsuragi eut l’air d’avoir déjà la réponse et ne fut pas déstabilisé.

Katsuragi — Je le regrette maintenant. Il est vrai que dans le contexte de la situation je sentais que c’était une bonne chose d’y aller aussi spontanément mais avec le recul je me dis que je n’aurais pas dû m’impliquer avec lui. Si ta classe fait cette erreur, préparez-vous à en subir les conséquences.

Je n’avais pas saisi les effets positifs et négatifs qu’il avait pu tirer de cette alliance et je ne pouvais pas non plus boire ses paroles aveuglement, mais ce qu’il disait tenait plutôt la route.

Katsuragi — Dès le début, j’avais senti que c’était risqué de m’allier à lui.

Moi — Qu’est-ce qu’on aurait à gagner en joignant nos forces contre lui ?

Katsuragi se mit à rire.

Katsuragi avait l’air étrangement agité alors qu’il n’y avait rien pour qu’il le soit dans ma question. Je décidai de creuser encore plus.

Moi — Je comprends que tu essaies d’entraver les mouvements de Ryuuen, mais c’est un problème qui concerne surtout les classes A et B. J’ai vu les points du classement général qui ont été affiché en début octobre.

Katsuragi ne dit pas un mot et resta indifférent. Après l’épreuve de l’île déserte, la classe A passa à 1124 points mais ils perdirent beaucoup de points durant le festival en chutant à 874 points. La classe B n’était pas très loin derrière avec 753 points, ce qui était l’écart le plus faible à ce jour.  La classe C était à 542 points tandis que la classe D à 262 points.

Katsuragi — La classe A est en difficulté, je l’admets mais je n’avais pas bien mesuré ce qui nous attendait dans cet établissement. Le fait d’avoir compris le système des points trop tard a aussi été mon erreur.

Il ne mentionna pas Sakayanagi, ce qui montra sa prudence, mais hormis cela il avait raison sur le fait que le système de points de cette école était trompeur. Cela avait l’air simple de prime abord mais il restait beaucoup de zones d’ombre avec des points qui nous avaient été attribués ou bien retirés arbitrairement. Avec du recul nous aurions dû comprendre que les détails étaient importants car l’école contrôlait avec rigueur le comportement en classe, les retards et les absences. Cela avait d’ailleurs fait démarrer la classe D sur des chapeaux de roue car nous avions perdus les points de base que l’on avait en négligeant tout ça. Cet épisode fut un traumatisme. Bien que les élèves prennent maintenant plus au sérieux tous ces détails je ne suis pas sûr que les sanctions aient disparu pour autant. Si ça se trouve, tout ça faisait l’objet d’un examen spécial.

Katsuragi — Je suis né dans la campagne et ai étudié dans un collège local. Ce lycée est vraiment différent de ce que j’avais imaginé.

Katsuragi sembla frustré.

Katsuragi — Nous le savons tous, cet établissement est certes mystérieux mais bien structuré. On devrait se serrer les coudes entre élèves de seconde plutôt que de se tirer les uns sur les autres.

Il est clair que ce n’est pas une vie lycéenne normale car le système nous monte les uns contre les autres. Il est même naturel de dire que l’école se base sur la compétition. Les conflits sont donc inévitables mais d’un autre côté, cela impose une unité dans chaque classe même si c’est surtout la classe B qui en a profité jusque-là pour le moment. La classe D est régie par les individualités, la classe C est unifiée artificiellement derrière un tyran et la classe A est scindée en deux factions en lutte pour le pouvoir. L’unité est un problème pour la plupart des élèves de seconde.

Katsuragi — Cela ne te fait rien, Ayanokôji-kun ?

Moi — Sincèrement, pas du tout. Je n’ai aucun avis concernant cet établissement et, hormis le fait de lutter pour être premier, je trouve cette vie lycéenne plutôt plaisante. Avec un peu de travail on n’a pas à s’inquiéter de la nourriture ou des vêtements et on nous donne même de l’argent à dépenser pour nos divertissements. Tout est bien pensé et tout le monde est content. Il suffit juste de ne pas avoir les yeux plus gros que le ventre et c’est à la portée de tous les élèves.

Katsuragi — En effet, si je devais être tatillon c’est que le cadre est juste trop parfait mais je ne pense pas qu’un lycéen devrait passer ses études ainsi. Les élèves qui sont dans cette école n’ont pas eu des tests bien difficiles à surmonter ce qui est contre toute logique. M’enfin bref, n’oublie pas de mentionner à Horikita la menace qu’est Ryuuen.

Je promis à Katsuragi de la prévenir. De toute manière, Ryuuen comptait lancer une attaque solide contre la classe D pour nous mettre une bonne fois pour toutes au fond.

Moi — Toi aussi tu as envie de vivre paisiblement à ce que je vois… Les ennuis ne sont pas près de se terminer pour nous deux.

C’est ce que j’avais murmuré.

 

2

Cette nuit-là, alors que je me relaxais dans ma chambre, Karuizawa appela. C’était la première fois qu’elle le faisait alors je fus surpris.

Karuizawa — Il faut que je te demande quelque chose.

Moi — Je t’écoute…

Karuizawa répondit aussitôt

Karuizawa — Satô s’est déclarée à toi n’est-ce pas ?

Je ne pus m’empêcher d’être interloqué. Comment est-ce qu’elle l’avait su ?

Karuizawa — Laisse-moi déjà te dire que beaucoup de filles de notre classe sont au courant.

Moi — Ton réseau d’information est plus rapide qu’internet ou quoi ? Qui est la source au juste?

Karuizawa — Comment ça ? C’est Satô elle-même. Elle m’a dit qu’elle comptait faire ça avant de te voir aujourd’hui.

On aurait dit une sorte de délit d’initié. Je me trompais peut-être.

Moi — C’est pour ça que tu me regardais tout à l’heure ?

Karuizawa — T’as vraiment remarqué ça ?

Moi — Je ne comprends pas, c’est quelque chose de privé. Pourquoi vous ressentez le besoin de vous dire ce genre de choses entre vous ?

Karuizawa — C’est parce que nous sommes des filles. C’est comme si nous avions été prévenues qu’elle faisait le premier pas.

Est-ce une manière de marquer son territoire ? Les garçons sont à peu près similaires alors c’était crédible mais quelque chose me chiffonnait.

Moi — S’il y a autant de concurrence pour la même personne, il ne serait pas mieux de ne rien dire aux autres filles vu qu’au final cela ne change rien au résultat ?

Karuizawa — C’est totalement différent car le révéler montre qu’elle était confiante du résultat. Quelle réponse lui as-tu donné au juste ?

Je trouvais cela irritant de répondre à ce genre de questions.

Moi — Quelle que soit ma réponse, cela ne te regarde pas.

Karuizawa — Comme tu veux mais tu ne peux pas dire que ça ne me regarde pas. Tu m’as fait faire plein de choses en plus des menaces à mon encontre. Avec tout ça, il y a des chances que je me fasse attraper un moment vu que le réseau d’information des filles est très vaste. Si des rumeurs sur nous venaient à apparaître, ce serait très gênant pour moi comme pour toi et adieu ta vie paisible.

Autrement dit, si Satô et moi nous rapprochions, cela augmenterait les chances que la couverture de Karuizawa tombe et je finirai par protéger Satô à son détriment. Elle avait réussi à tordre la logique même si cela sonnait juste. Il était évident que cela l’avait beaucoup travaillé et qu’elle a dû retourner les choses dans tous les sens pour en arriver à cette conclusion. Ce forcing était très clairement en décalage avec son comportement habituel.

Moi — Tu n’as pas à t’inquiéter en tout cas.

Karuizawa — Tu comptes donc accepter ses sentiments ?

Moi — Ai-je dis ça ?

Karuizawa — Tu dis que je n’ai pas à m’inquiéter et vu que tu n’as pas nié la chose j’imagine que tu comptes profiter de la situation pour assouvir tes besoins pervers ? Vous êtes vraiment tous pareils vous les mecs.

Elle avait poussé la réflexion vraiment trop loin au point de se faire des films. C’est comme si un parent était fier que son enfant ait remporté la première place à un événement sportif au point de proclamer aux autres parents qu’il deviendrait un athlète capable d’aller aux J.O.

Moi — Quand bien même les hommes sont comme ça je n’ai, pour l’instant du moins, pas ce genre de sentiment pour elle.

Karuizawa — Prouve-moi que tu as refusé ses avances.

Moi — Le prouver ? Ce n’était même pas une déclaration. Elle voulait juste qu’on soit amis. On s’est échangé nos numéros, rien de plus.

Karuizawa — …Je vois. Elle n’a donc pas franchi le cap.

Pourquoi devais-je lui parler de tout ça ? C’était embarrassant.

Moi — Du coup il n’était vraiment pas question de confession ou je ne sais quoi.

Karuizawa — Hmm…… Bon, je vais raccrocher alors.

Karuizawa avait une attitude condescendante. Je décidai néanmoins de continuer la conversation.

Moi — Dis-moi, tu as eu des échanges avec la bande de la classe C qui t’avait harcelé sur le bateau ?

Karuizawa — …Je n’ai pas eu de soucis pour le moment avec elles.

Le ton de Karuizawa devint plus fébrile. C’était un sujet délicat pour elle.

Moi — Je pense avoir pris les mesures appropriées mais s’il arrive quelque chose n’hésite pas à me le faire savoir immédiatement, quand bien même on aurait utilisé la menace pour que tu ne préviennes personne.

Karuizawa retint son souffle au téléphone. Mes mots furent-ils trop impactant pour elle ?

Karuizawa — ……Je le sais bien. De toute manière si je ne te suis pas utile, je me retrouverai dans une situation fâcheuse.

Dans le but de survivre dans cette école Karuizawa devait garder son statut à tout prix et pour cela, elle devait faire en sorte que ceux qui connaissent son histoire restent dans le silence. Cependant, il était impossible que ces filles de classe C aient du recul sur la situation. Le maître à penser derrière elles était Ryuuen et il était possible que je finisse par le prendre directement pour cible à leur place. Non… c’était même probable que ce soit le cas bientôt.

Karuizawa — Et avec Satô, qu’est-ce que tu comptes faire ? Vu que vous êtes en contact maintenant, il y a possibilité d’aller à l’étape supérieure.

Moi — Je suis plutôt perplexe à ce sujet vu que je ne connais rien d’elle. Si ça se trouve, elle ne me contactera jamais.

Karuizawa — Si Satō continue à te coller, tu comptes la rejeter ?

Moi — Comment ça la rejeter ? En soi, on s’est juste échangé nos numéros et je ne compte pas faire le premier pas.

Je n’avais pas les tripes pour lui demander un rencard de toute manière et je n’avais pas la confiance nécessaire pour que notre relation aille aussi loin.

Karuizawa — Je vois. Bon je te vais te laisser alors.

Semblant satisfaite, Karuizawa était sur le point de racrocher.

Moi — Karuizawa.

Karuizawa —  Oui ?

Je pensais qu’elle allait raccrocher avant qu’elle ne m’entende mais ce ne fut pas le cas.

Moi — Fais en sorte de bien effacer l’historique de nos appels sur ton portable.

Karuizawa — Je le fais depuis longtemps. Idem pour les sms.

Moi — Super.

Même sans instructions, Karuizawa faisait du bon boulot.

Karuizawa — Bon je vais raccrocher si c’était tout.

Moi — Oui.

Je signalai ainsi la fin de la conversation et raccrochai.

Pour être honnête, j’avais hésité à ajouter encore quelque chose mais je laissai tomber. Discuter de nos hypothèses à ce stade ne deviendrait qu’un fardeau pour Karuizawa.

Même si ce moment arrive plus tôt que prévu, Karuizawa devrait être capable de s’en sortir. Quoi qu’il en soit, j’allais inévitablement devoir agir bientôt.

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