Classroom of the elite Chapitre 69

Piège, faveur et plat cuisiné

Plus tard dans la journée, un incident quelque peu inhabituel eut lieu. Cela se passa au début de la pause déjeuner, juste au moment où le groupe Ayanokôji se rendait au café pour manger ensemble.

Shibata —  Hé Ichinose. On devrait se venger ! Plein tarif !

Alors que nous marchions, nous entendîmes une voix forte venant de l’avant. Il ne s’agissait de nulle autre que Shibata, un élève de seconde de la classe B. Il était accompagné de deux de ses camarades, Ichinose et Kanzaki.

Hasebe —  C’est vraiment du jamais vu. Que Shibata-kun se mette en colère comme ça !

Miyake —  Oui, c’est vrai.

Il était compréhensible que Haruka et Akito soient surpris.

Sakura —  Vous croyez ?

Airi, par contre, ne semblait rien voir d’inhabituel, ne s’impliquant généralement jamais avec les gens des autres classes. Shibata était membre du club de football tout comme Hirata. C’était une personne brillante, énergique et populaire, bien d’une autre manière que Hirata. Pour autant que je sache, il n’était pas du genre à élever la voix comme ça.

Ichinose —  Mais c’est peut-être une simple coïncidence, non ?

Ichinose tenta de calmer Shibata avec calme. Cependant, il semblait croire qu’il avait des preuves solides et répliqua immédiatement.

Shibata —  Je ne pense pas. Tu sais que c’est la troisième fois aujourd’hui, n’est-ce pas ? Ils essaient vraiment de se battre.

Kanzaki remarqua notre présence et bougea légèrement vers Shibata. Il nous regarda avec une expression un peu gênée et se calma, mais il était déjà trop tard. Un silence gênant nous envahit.

Ichinose —  Yo, vous étiez en route pour déjeuner ?

Ainsi, Ichinose nous interpella. Elle ne s’adressait pas à une personne en particulier mais plutôt à l’ensemble du groupe. Mes amis n’avaient pas beaucoup interagi avec elle, donc ils étaient un peu gênés. Haruka me donna un coup de coude discrètement, alors je décidai à contrecœur de parler au nom du groupe.

Moi —  …Ouais. On va au café. Vous avez besoin de quelque chose ?

Ichinose —  Oh ! Quelle coïncidence, on en revient !

Pendant qu’elle parlait, Ichinose tapa joyeusement dans les mains. Mais ensuite, je remarquai quelque chose d’étrange. Normalement, Ichinose avait toujours un contact visuel avec son interlocuteur. Mais, cette fois, elle m’évita totalement du regard.

Ichinose —  Ça vous dit de manger avec nous ?

Pris au dépourvu par son invitation inattendue, nous avions tous échangé des regards confus.

Kanzaki —  Ichinose, à quoi tu joues ?

Kanzaki s’empressa d’intervenir, probablement parce qu’il ne s’attendait pas à ce qu’elle propose quelque chose de ce genre.

Ichinose — Qu’est-ce que je fais… ? Nous ne sommes pas en compétition avec la classe C, alors quel est le problème ?

Kanzaki —  C’est vrai, c’est juste…

Il ne semblait pas très enjoué. Mais si elle avait déjà pris sa décision, il ne pouvait pas refuser. Nous en revanche, étions un peu verrouillés, incertains de ce que nous devions faire ou de la façon dont nous devions répondre…

Ichinose —  Le temps est précieux ! Allez, allons-y ! Mais avec un sourire comme le sien, aucun de nous ne put refuser.

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Aussitôt, nous rassemblions deux tables dans le coin du café avant de nous asseoir pour manger tous ensemble. Ce qui était bizarre n’était pas que des élèves de la classe B et C soient mélangés, mais plutôt les personnes elles-mêmes qui formaient un groupe assez incongru.

Ichinose —  Désolée de vous avoir invités si soudainement comme ça. C’est moi qui régale, alors ne vous retenez pas !

Ichinose prit la parole et nous présenta ses excuses.

Kanzaki —  T’es sûre, Ichinose ?

Kanzaki semblait quelque peu stupéfait. En effet, juste avant le dernier examen spécial, Ichinose avait passé un accord avec la classe D : mettre tous les votes positifs de la classe B sur Ryuuen afin de profiter des points privés de la classe D pour sauver un camarade. Si je me doutais bien qu’ils allaient finir par rentrer dans leurs frais, ils n’avaient probablement pas le luxe de manger au restaurant comme ça, et encore moins de payer pour les autres.

Moi — On allait venir ici de toute façon, donc nous allons payer pour nous-mêmes.

Après mon intervention, tous les autres membres du groupe acquiescèrent.

Ichinose —  Je vous ai un peu forcé la main…

Moi — Non, je t’assure ! Et c’est mieux que chacun paye sa part, comme ça chacun mange vraiment tout ce qu’il veut sans culpabiliser !

Sous prétexte que chacun puisse manger comme il voulait, je refusais une fois de plus l’offre d’Ichinose.

Yukimura — Alors… Pourquoi nous avoir invités ?

Keisei aborda le sujet, ne pouvant s’empêcher de poser des questions.

 

Ichinose — C’est parce que vous sembliez tous un peu surpris du comportement de Shibata-kun plus tôt. J’ai pensé que ce serait mieux si je vous en parlais franchement au lieu de vous laisser trop spéculer.

Dans un sens, elle n’avait pas tort. Si elle ne nous avait pas appelés, nous aurions probablement fini par en parler pendant un certain temps. Nous nous serions demandés pourquoi il s’était tant énervé. Et selon la situation, il était également possible qu’une tierce personne nous entende par inadvertance, ce qui aurait fait courir des rumeurs.

Kanzaki, cependant, ne semblait pas totalement partager son avis.

Kanzaki — Là encore, t’es sûre ?

Ichinose — Tu crois que c’est plus intelligent de garder ça pour nous ?

Kanzaki — On ne peut pas exclure la possibilité que quelqu’un de la classe C soit impliqué.

Ichinose — Même si c’était le cas, ça ne change rien non ?

Shibata — Ichinose a raison, à ce stade autant en parler.

Dès que Shibata s’interposa, Kanzaki le fixa avec un regard aiguisé.

Shibata — Qu’est-ce que qui se passe, Kanzaki ?

Kanzaki — Rien…

Shibata ne semblait pas comprendre les véritables intentions de Kanzaki, mais si je devais deviner… Kanzaki était en désaccord total mais bon, personne d’autre ne semblait avoir compris, donc ce n’était pas un problème particulièrement important.

Shibata — En tout cas, maintenant qu’ils en ont déjà entendu autant, ne serait-il pas préférable de leur dire tout simplement ?

Kanzaki — …Je suppose.

Shibata en avait trop dit, forçant Kanzaki à faire marche arrière.

Kanzaki — En termes simples, on pourrait dire que la classe D nous a un peu harcelés récemment.

Shibata — Un peu ?

Shibata s’interposa de nouveau, la voix pleine de conviction.

Shibata — Pour une raison quelconque, moi, Nakanishi et même Beppu avons tous dû faire face à cette bizarrerie de leur part. Je ne sais pas quoi dire, ils nous harcèlent constamment et nous suivent partout sans raison. Mon pote Beppu a eu très peur quand Albert l’a coincé en silence contre un mur tout à l’heure.

Kanzaki surenchérit immédiatement, se résignant définitivement à garder le secret à ce stade.

Kanzaki — J’en ai parlé avec eux également, et ils me l’ont confirmé.

En d’autres termes, la classe D avait ciblé certains des élèves de la classe B depuis le début de l’examen spécial.

Ichinose — Ils n’en sont pas venus aux mains ou autre, non ?

Kanzaki — Pour l’instant.

Pour l’instant, il ne semblait pas qu’ils aient eu recours à autre chose qu’au harcèlement et à l’intimidation. Bien sûr, si la classe D devenait vraiment violente, les choses allaient devenir sérieuses.

Kanzaki — C’est probablement leur façon de faire pression sur nous. On pense qu’ils cherchent à nous épuiser en continuant jusqu’au début de l’examen.

Shibata — De l’air ! La classe D est déjà assez effrayante comme ça. Vous n’avez pas oublié que même la classe C en a déjà subi les conséquences, non ?

Shibata faisait probablement référence à la fois où Sudou s’était battu avec Ishizaki et Komiya.

Keisei se contentait jusque-là d’écouter les échanges, mais il se décida enfin à participer.

Yukimura — Je sais que c’est un peu étrange de recevoir des conseils d’une autre classe, mais je ne pense pas que leur comportement soit si surprenant. Après tout, on les connaît. D’autant qu’on ne peut pas exclure qu’il y ait quelqu’un d’autre derrière tout ça.

Shibata — Tu crois ?

D’un signe de tête, Keisei leur parla des élèves de la classe A que nous avions vus écouter aux portes de notre classe.

Yukimura — La classe D est aussi un peu désespérée, alors peut-être qu’ils cherchent à grappiller toutes les informations qu’ils peuvent trouver.

Bien qu’il n’ait écouté les explications de Keisei que pendant un court instant, Shibata semblait convaincu. Quoi qu’il en soit, il semblait bien que la classe B était en première ligne.

Kanzaki — En y regardant de près, nous avons un certain avantage pour cet examen. Leur comportement est donc logique. Nous devrions probablement nous attendre à ce qu’ils continuent leur harcèlement jusqu’à la limite de ce que le règlement de l’école leur permet.

C’est ainsi que Kanzaki analysa la situation. Cela dit, ce qu’il n’avait pas pris en compte, c’était que la classe D ne visait qu’une petite fraction des élèves de la classe B. Avaient-ils décidé qu’il était trop risqué de défier Ichinose ou Kanzaki… ? Ou bien avaient-ils le regard tourné vers autre chose ?

Ichinose — Je ne pense pas vraiment que ce soit le genre de Kanedakun. Peut-être Ishizaki-kun ?

Kanzaki — Ouais probablement.

Ichinose — Je sais que c’est inquiétant, mais nous devons faire ce que nous pouvons. Nous devons simplement continuer à travailler ensemble, faire les bons choix et de notre mieux le jour de l’examen. N’est-ce pas ?

Les deux garçons de la classe B hochèrent la tête en même temps que les paroles pleines d’espoir d’Ichinose.

Yukimura — Donc vous dites que vous n’allez pas prendre de mesures contre la classe D ? Même pas une enquête de base ?

Ichinose — Hmm, je ne pense pas. Nous allons concentrer nos efforts sur la préparation des dix événements de la classe D qui auront lieu la semaine prochaine.

En d’autres termes, peu importe ce que la classe D leur réservait, ils prévoyaient de compter sur la force de leur propre classe pour s’en sortir. Compter sur eux-mêmes sans être trompés par de fausses informations était une stratégie sûre et fiable.

Yukimura — Que puis-je dire, la classe B c’est vraiment quelque chose.

Keisei dit cela avec la voix émerveillée, avant de poursuivre.

Yukimura — Normalement, vous ne feriez pas tout ce qu’il faut pour mettre des bâtons dans les roues d’une classe supérieure à vous ? Si des choses comme l’espionnage et l’intimidation donnent des résultats, il est logique de s’en servir. Honnêtement, votre choix de prendre la voie royale et de faire pleinement confiance à vos propres capacités est quelque chose que la classe C ne pourrait jamais faire.

Même si, à première vue, il ne semblait pas que nous prenions des mesures contre la classe A, beaucoup d’entre nous se creusaient la tête pour trouver un moyen d’obtenir des informations à leur sujet.

Ichinose — Qui sait ? Peut-être que nous ne sommes pas assez intelligents pour faire ce genre de choses ?

En disant cela, Ichinose laissa apparaître un petit sourire auquel Keisei ne manqua pas de réagir.

Yukimura — Eh bien, je crois que j’ai compris où tu voulais en venir. Si des rumeurs sur l’exaspération de Shibata venaient à se répandre, cela voudrait dire que la stratégie de la classe D fonctionne.

Il avait découvert la raison pour laquelle Ichinose nous avait invités à les rejoindre. Il ne fallait pas que la classe D découvre que son harcèlement fonctionne, la B voulant justement montrer que ça ne les atteignait pas.

Ichinose —  En effet. C’est pourquoi j’aimerais vous demander à tous de faire de votre mieux pour éviter que cela ne se propage davantage.

Yukimura — La répandre ne nous apporterait rien, et ce n’est pas non plus comme si nous voulions faire de la classe B nos ennemis.

Keisei était d’accord, Haruka, Akito et Airi acquiescèrent peu après sans la moindre hésitation.

Ichinose — Merci beaucoup à tous. Vraiment.

Alors qu’Ichinose nous remerciait, ses yeux croisèrent les miens pour la première et unique fois. À ce moment, elle recoiffa négligemment une mèche de cheveux de son visage. Et puis, comme portée par le vent, une légère odeur d’agrumes me chatouilla le nez. Elle détourna rapidement le regard, renvoyant son regard à l’ensemble du groupe. Je trouvais qu’elle était un peu bizarre ce jour-là.

Enfin, de toute façon, ce n’était pas le problème sur le coup.

2

Après le déjeuner, nous nous séparâmes du groupe d’Ichinose. Une fois qu’ils n’étaient plus là, Haruka dit finalement ce qu’elle pensait.

Hasebe — Hé, Ichinose-san est vraiment mignonne, n’est-ce pas ? Son sourire à la fin était très évocateur !

Yukimura — Moi ? Pas vraiment…

Hasebe —  Ah, Yukimuu, ton visage devient rouge rien qu’en y pensant.

Yukimura — Non, ce n’est pas ça.

Hasebe — Pas la peine de nier. Je suis une fille et même-moi je la trouve  totalement adorable, alors je suis sûre que les garçons n’y sont pas insensibles.

Airi semblait être d’accord avec elle, car elle acquiesça avec ferveur pendant que Haruka parlait.

Hasebe — Miyatchi et Ayanokôji-kun le pensent aussi, hein ?

Comme Akito et moi ne voulions pas être ciblés comme Keisei, nous avions tous deux forcé un sourire à contrecœur pour éviter d’être interrogés davantage. Curieusement, Airi posa la question suivante.

Sakura — J’imagine peut-être des choses, mais… Ichinose-san a-t-elle déjà utilisé du parfum ?

Hasebe — Ah, je me suis aussi posé la question. Elle utilisait une sorte de parfum d’agrumes, n’est-ce pas ?

Sakura — Oui, ça a attiré mon attention. Peut-être qu’elle a changé d’avis ou quelque chose comme ça ?

Hasebe — Huh, qu’en pensez-vous, tous les trois ?

Les deux filles avaient commencé à parler de quelque chose que nous, les garçons, ne pouvions pas savoir, alors la question de Haruka nous mit de nouveau sur la sellette.

Yukimura — Elle avait mis du parfum ? Qu’est-ce que ça fait ?

La réponse désintéressée de Keisei incita Haruka à pousser un soupir de déception flagrante.

Hasebe — Les garçons ne remarquent vraiment pas les petites choses, n’est-ce pas ?

Miyake —  … Un peu de courage… Faut croire que nous ne sommes pas les seuls dans une situation difficile. D’après ce que l’on voit, tout le monde a sa part de problèmes à surmonter.

Ne voulant plus entendre les taquineries de Haruka, Akito changea de sujet.

Yukimura — Pour gagner contre la classe B, la classe D ne peut probablement plus se permettre de se soucier des apparences. Il est tout à fait possible que la classe D devienne encore plus sérieuse avec le harcèlement qu’elle fait subir.

Saisissant l’occasion de s’échapper, Keisei se mit rapidement au diapason du nouveau sujet de conversation d’Akito. Enfin, peu importe, ce qu’il disait était probablement juste : il n’y avait eu que trois victimes jusqu’à présent, mais il n’aurait pas été surprenant que ce nombre augmente sous peu.

Yukimura — De plus, il semble que Ryuuen n’est toujours pas aux commandes. Donc je me demande tout de même jusqu’où ils iront.

Miyake —  Malgré tout, il me semble qu’ils s’y prennent de la même manière que lui.

Akito avait raison. Appliquer une telle pression semblait être une stratégie que Ryuuen aurait pu adopter.

Yukimura — Mais c’est inutile. Ce ne sera pas suffisant pour percer la forteresse de la classe B. Après leur avoir parlé aujourd’hui, je commence à penser que c’est peut-être une bonne chose que notre adversaire soit la classe A. Je ne veux tout simplement pas affronter la B. Hasebe — Hein ? Pourquoi ça, Yukimuu ?

Yukimura — Par rapport aux autres, leur unité inébranlable et la façon dont ils abordent leurs problèmes de front sans surestimer leurs propres capacités se situent à un autre niveau. Ils produiront des résultats cohérents, quel que soit l’événement. Je n’ai pas l’impression que nous serions capables de gagner.

Keisei semblait craindre l’idée que la classe B obtienne des résultats supérieurs à la moyenne dans tout ce qu’elle entreprenait.

Sakura — Mais même s’ils sont au-dessus de la moyenne en tout, ça ne veut pas dire qu’ils vont gagner.

Même s’ils obtenaient quatre-vingts ou quatre-vingt-dix pour cent dans les sept épreuves, ils perdraient quand même si leur adversaire obtenait un score supérieur.

Yukimura — Le fait est qu’on ne sait pas quels événements seront choisis le jour de l’examen. Oui, certaines épreuves bien précises seront peut-être accessibles pour les classes inférieures, mais si ces événements ne sont pas choisis nous serions confrontés à une défaite écrasante. Les résultats seraient désastreux.

Sakura — Oui… Tu as raison.

Airi semblait comprendre l’explication de Keisei puisqu’elle hocha plusieurs fois la tête.

Hasebe — Hé, hé, arrêtez !

Alors que nous marchions dans un coin du couloir avec Keisei en tête, Haruka le saisit brusquement par le bras et l’appela à s’arrêter.

Yukimura — Qu’est-ce que…

Keisei essaya de demander ce qui se passait, mais Haruka lui couvrit la bouche avec sa main et pointa juste devant nous. Elle montrait du doigt Ike et Shinohara, qui marchaient ensemble juste un peu plus loin que nous.

Ike — S-Shinohara, ça va ?

Shinohara — Quoi ?

Ike — He bien… Uhh…

Shinohara — Va droit au but !

D’un seul coup, tout le monde se tut pour écouter attentivement ce que nous pouvions entendre de la conversation qui se déroulait juste devant nous.

Ike — …T’es libre dimanche… ou, quelque chose comme ça ?

Shinohara — Dimanche ? Je n’ai rien de prévu pour le moment, mais… Attends, quoi ?

Ike — Je veux dire, uhm, tu veux traîner un peu, ou un truc du genre ? Seulement si tu le veux, bien sûr.

Nous pouvions entendre ce dont ils parlaient, bien qu’à peine. Haruka et Airi se regardaient avec des expressions qui semblaient remplies d’excitation, tandis que Keisei et Akito, dans un contraste saisissant, partageaient une expression mutuelle d’incrédulité totale.

Hasebe — C’est le White day dimanche, hein ? Tu crois que Shinoharasan a donné des chocolats à Ike-kun à la Saint-Valentin ?

Sakura — Peut-être !

Bien que Shinohara sembla sceptique quant à l’invitation d’Ike, elle avait progressivement compris ce qui se passait.

Ike — Eh bien, c’est juste que tu m’as donné du chocolat et tout… Alors j’ai pensé que je pourrais te rendre la pareille.

Shinohara — T’es tellement à fond alors que ce n’était que par politesse. T’as assez d’argent au moins ?

Ike — J’ai économisé un peu… M-Mais c’est pas grave, si tu ne veux pas !

Shinohara — J-j’ai jamais dit que je ne voulais pas !

Ike — C-ça veut dire…

Shinohara — Ne te fais pas de fausses idées, d’accord ? L’examen spécial arrive bientôt, c’est donc ma dernière chance de me détendre. Et puisque tu dis que tu vas payer et tout, pourquoi je dirais non ?

Pour une raison quelconque, voir cela me rappela la conversation que j’avais eue le matin-même avec Hoshinomiya-sensei à propos du partage des chambres. Des petites graines de romance commençaient peut-être à germer dans des endroits que je ne soupçonnais même pas.

Miyake — Allons-y.

Hasebe — Hein ? Non, on arrive à la partie intéressante.

Miyake — Arrête de te mêler des affaires des autres.

Akito attrapa Haruka par le col de sa chemise et commença à s’éloigner dans la direction opposée.

Hasebe — Allez, pourquoi ne pas écouter un peu plus longtemps ?

Mon cœur bat la chamade !

 

Miyake — Et bah pas moi.

Hasebe — Ugh. Qu’est-ce que j’attendais d’un gars comme toi… Pas vrai,

Airi ?

Sakura — O-oui. Mon cœur bat assez vite aussi… Mais, ils seraient gênés s’ils nous voyaient, n’est-ce pas ?

Hasebe — C’est vrai, mais c’est de leur faute à faire ça devant tout le monde aussi !

S’ils nous remarquaient, cela aurait sûrement gâché leur petit moment prélude à leur relation naissante.

3

De notre côté, en classe C, on en était encore à rassembler des informations concernant les événements sur lesquels chacun se spécialisait.

Les discussions après l’école étaient de moins en moins fréquentes, mais le chat de groupe de la classe devenait de plus en plus actif au fil du temps. Alors que Kôenji et Hirata n’avaient toujours pas participé, n’importe qui dans la classe pouvait désormais se joindre à la conversation quand il le souhaitait. En fait, d’après l’activité du chat de groupe, ce type de conversation pouvait être plus adapté à la classe C par rapport aux discussions en réel où les gens pouvaient ne pas oser partager leurs opinions.

Enfin, ça c’était en surface. En coulisses, j’attendais simplement qu’Horikita termine tout ce que je lui avais confié. Les détails du rôle que j’allais jouer allaient être réglés plus tard. Malgré ça, il y avait encore plusieurs choses dont il fallait se méfier.

Tout d’abord, Kôenji et Hirata. Hirata en particulier. Horikita n’avait probablement aucun moyen de le gérer dans son état actuel. Comme ils n’avaient toujours pas participé à la discussion de groupe, il était clair qu’aucun d’entre eux n’attendait l’examen spécial avec impatience. Si le comportement de Kôenji n’était pas nouveau, l’absence d’Hirata se faisait grandement ressentir dans la classe. Il avait changé de manière radicale, comme s’il était devenu quelqu’un d’autre. L’ombre de lui-même, tel un abcès gonflé que personne n’osait touchait et dont tout le monde attendait la cicatrisation. Quel gâchis. En revenant à la normale, il pouvait redevenir un atout.

Mais il y avait encore quelques autres choses dont il fallait se méfier.

Wang —  …Hirata-kun !

Alors que Hirata partait pour rentrer, Mii-chan se précipitait à sa poursuite. Je me demandais combien de fois cela s’était déjà produit. Alors que tous les autres semblaient déjà avoir abandonné, Mii-chan n’avait toujours pas perdu courage. Était-ce un témoignage de la puissance de l’amour ? Non… même si c’était de l’amour, elle avait probablement encore peur qu’il en vienne à la détester pour son comportement incessant. Alors pourquoi continuait-t-elle ?

Karuizawa — Comme, c’est super dur de voir Hirata-kun comme ça…

Kei parla calmement à son groupe d’amis qui était encore dans la classe.

— Oui. C’est vraiment bien de le laisser seul comme ça, Karuizawa-san ?

Karuizawa — Ce sera inutile, quoi que je dise. Il se peut qu’il m’en veuille encore.

Le rejet inébranlable de Hirata lorsque Kei lui avait tendu la main l’autre jour était encore frais dans la mémoire de tous.

— Ouais. D’abord, il a été largué par Karuizawa-san, puis Yamauchi-kun a été expulsé et…

Je jetai un coup d’oeil rapide aux filles alors qu’elles discutaient avant de quitter la classe. Mais je n’avais pas les yeux rivés sur Hirata aujourd’hui. J’allais me pencher sur un autre problème qu’il fallait régler.

Je me préparais à m’occuper de quelqu’un d’autre, une personne ayant quitté la classe peu après Mii-chan.

Moi — Hé, salut. T’as une minute ?

J’appelais la jeune fille qui se retourna et regarda derrière elle après avoir fait une pause pendant un moment.

Kushida — Qu’est-ce qu’il y a, Ayanokôji-kun ?

La fille n’était autre que Kushida, quelqu’un qui n’avait pas non plus été très impliquée dans l’examen spécial jusqu’à présent.

 

 

Elle n’avait rien fait ou dit pour aider nos camarades de classe, ni ne s’était mêlée de leurs affaires. Les jours s’étaient écoulés sans qu’elle ne dise grand-chose. En temps normal, Kushida aurait joué un rôle plus important et aurait travaillé pour soutenir la classe. Cependant, cette fois il en était autrement, et il y avait probablement deux raisons derrière cela.

Tout d’abord, sa position au sein de la classe s’était fragilisée en raison du résultat du vote de l’examen précédent. En effet, bien qu’elle ait été utilisée par Yamauchi, le fait qu’elle ait conspiré avec lui pour me faire expulser avait été révélé à tout le monde. Même si au fond la plupart des gens allaient passer à autre chose, cela restait sûrement un léger problème pour Kushida. Toute cette affaire avait entaché ce dont elle était la plus fière : son apparence de bonne personne vertueuse.

Ensuite, Horikita avait pris les devants cette fois-ci. Du point de vue de Kushida, c’était probablement la vraie raison de son manque d’action. Après tout, Kushida détestait Horikita depuis le début parce qu’elle connaissait les secrets de son passé. De plus, Horikita lui avait fait des reproches devant toute la classe la veille de l’examen. Peu importe ses raisons, c’était sa punition pour avoir tenté d’expulser quelqu’un qui ne méritait pas d’être expulsé. Sa fierté avait dû être terriblement atteinte.

Moi — Tu ne sembles pas trop soutenir Horikita cette fois-ci.

J’en étais déjà pleinement conscient, mais j’avais quand même osé en parler. Après tout, je voulais savoir quelles mesures Kushida prévoyait de prendre dans le cadre de cet examen spécial. Peu importe à quel point on regardait son masque souriant et joyeux, il était impossible de discerner ses véritables sentiments. Si je ne connaissais pas la vraie Kushida, ça ne m’aurait jamais traversé l’esprit.

Kushida — Et si on faisait une petite promenade ?

Moi — Ça me va.

Ne voulant pas que notre conversation soit négligemment entendue par les autres, elle insista pour que nous allions ailleurs ensemble.

Moi — T’as des choses à faire après ça ?

 

Kushida — Ouais. Je vais traîner un peu avec des filles de la classe B. Tu penses que c’est mal pour moi de jouer pendant un moment aussi important ?

Moi — Non, il est important de prendre un peu de temps pour soi parfois. Je pense que presque tout le monde serait d’accord avec ça.

Il était insensé de penser à l’examen 24h/24. Il y a un temps pour tout.

Kushida — Tu comprends, hein ? Pourquoi je ne fais rien… J’ai pensé que ce serait bien de soutenir Yamauchi-kun et de te faire expulser. Mais maintenant que tout le monde sait ce que j’ai fait, quel droit ai-je de diriger la classe ?

Kushida avait intentionnellement omis le fait que Horikita était devenu le leader, la vraie raison de son manque d’action.

Kushida — Tu n’as pas l’air très convaincu.

Moi — Eh bien, je suppose.

Kushida — Juste comme ça, la raison pour laquelle je ne donne pas un coup de main n’est pas parce que Horikita-san est le leader, ok ?

Moi —  Vraiment ?

Kushida — Vraiment, vraiment.

Elle hocha la tête plusieurs fois pour insister, mais même ainsi, elle sentait le mensonge à 20 kilomètres.

Kushida — Tu ne me crois pas, pas vrai ?

Bien sûr que je ne le croyais pas. Mais même si mes soupçons n’apparaissaient pas sur mon visage, elle devait le savoir. Elle avait déjà compris il y a longtemps que je me méfiais d’elle.

Kushida — Qu’est-ce que tu penses de moi, Ayanokôji-kun ? Sois honnête avec moi.

Moi — Eh bien…

En surface, elle ressemblait à une camarade de classe avec un joli sourire sur le visage. Cependant… Je visualisais la vraie personnalité de Kushida cachée sous son masque. Elle aurait sûrement dit un truc du style « Je vais définitivement en finir avec cette pétasse ! Elle a osé me ridiculiser devant toute la classe ? Je ne lui pardonnerai jamais ! Je vais la buter ! LA BUTER LA BUTER LA BUTER !!! »  Je l’imaginais possédée, les veines lui sortant de la tête et enchaînant tous les adjectifs déplaisants et toutes les insultes pour désigner Horikita.

 

 

Moi — …

Je n’avais pas les mots pour exprimer ce que je venais d’imaginer.

Kushida — Tu viens de penser quelque chose d’incroyablement grossier, n’est-ce pas ?

Moi — Non… Pas du tout.

L’image que j’avais imaginée était un peu trop extrême, alors j’étais un peu à court de mots. Je fis sortir tout ça de mon esprit et allai droit au but.

Moi — Puisque tu as dit ne pas vouloir t’impliquer cette fois-ci, je compte respecter ta décision.

Kushida — En retour, tu veux des informations sur la classe, c’est ça ?

Kushida avait bien compris le sens de cet examen spécial.

Moi — Correct.

Kushida — Et il n’y a pas quelqu’un d’autre dans la classe sur qui tu peux compter maintenant, Ayanokôji-kun ?

Malgré son visage constamment souriant, elle n’allait pas accepter de coopérer avec moi immédiatement. Même si nous avions une relation contractuelle, Kushida recommençait à se mettre sur ses gardes. Nous semblions approcher du dernier tournant qui allait déterminer si j’allais être son allié ou son ennemi.

Moi — Personne ne peut t’égaler à ce niveau.

Kushida — Je suis heureuse de te l’entendre dire, mais vois-tu je suis assez occupée dernièrement.

Moi — À quoi, au juste ?

Kushida — T’es vraiment méchant, Ayanokôji-kun.

Le fait que sa réputation ait été entachée était un énorme inconvénient pour elle. L’image du personnage qu’elle s’était forgée avait été brisée en mille morceaux. Il ne faisait aucun doute qu’elle avait encore beaucoup de soutien de la part de ses camarades, encore que tout le monde ne semblait pas tout à fait honnête sur la question. Il était difficile de gagner la confiance des gens et il suffisait d’un rien pour la perdre. Cette histoire en était un exemple parfait.

Moi — Alors je vais poser la question autrement… Comment je peux te convaincre de coopérer avec moi ?

Kushida — Je suppose que, cette fois, il ne va pas falloir compter sur moi. Je compte faire profil bas jusqu’à ce que je puisse être moi-même et avoir l’esprit tranquille en classe.

Autrement dit, cela signifiait qu’elle ne voulait pas coopérer mais elle ne voulait pas non plus se mettre en travers de mon chemin. Cela impliquait également qu’elle n’allait s’en tenir qu’au strict minimum.

Moi — Est-ce que c’est une bonne chose ? Pas seulement pour moi, mais pour Horikita par exemple ?

Kushida — Oui, peut-être que ça en arrange d’autres. Récemment, je me suis rendue compte que cette école était bien plus agréable que je ne le pensais.

Sa capacité à faire avaler des couleuvres était hors du commun. Pour l’instant, elle n’allait donc pas lâcher son masque et continuer son petit numéro. Il était regrettable que je n’aie pas pu l’amener à coopérer, mais il valait probablement mieux l’accepter pour l’instant.

Moi — Je comprends. Désolé d’avoir demandé ça, c’était un peu gros.

Kushida — Pas du tout. Honnêtement, je suis vraiment contente que tu aies voulu compter sur moi.

Une fois arrivés à l’entrée de l’école, nous nous séparâmes. Kushida partit, marchant vers le centre commercial Keyaki sans se retourner une fois.

4

Le week-end arriva d’un seul coup. C’est ainsi que dimanche, le white day, arriva.

Pour être honnête, j’étais content que ça tombe un dimanche. Il y avait plusieurs cadeaux préparés sur mon bureau. Si ça avait été en semaine, j’aurais eu du mal à m’organiser et les remettre à tout le monde. « Le matin, avant les cours ? Ou la fin des cours ? ». Il y aurait eu aussi beaucoup d’autres choses à penser, du genre  « dans quel ordre les distribuer ? », « comment faire pour les cadeaux adressés aux filles des autres classes ? ».

Plus que tout, j’aurais aussi eu peur pour mon image. D’accord, au point où j’en étais, je n’étais pas à ça près. Mais puisqu’on était dimanche… Je pouvais encore sauver les apparences quelques temps et agir en toute discrétion, en mettant les cadeaux dans les boîtes aux lettres par exemple.

Afin de m’assurer de ne croiser personne, je quittai ma chambre tôt le matin et me rendis aux boîtes aux lettres du dortoir.

Moi — Voyons voir…

Je plaçai un cadeau dans la boîte aux lettres de chaque élève qui m’avait offert des chocolats de la Saint-Valentin. J’étais sur le point de retourner dans ma chambre après avoir terminé quand je tombai sur Ichinose. Elle réagit comme si elle avait vu quelque chose qu’elle n’aurait pas dû voir.

Ichinose — S-salut, Ayanokôji-kun !

Moi — Ah… Ouais, salut !

Il n’était même pas 7 heures que je faisais une rencontre assez inattendue. Et tout comme lors de notre dernière rencontre, Ichinose semblait encore éviter de me regarder dans les yeux.

Ichinose — Il se trouve que je me suis réveillée un peu tôt aujourd’hui, alors je viens de rentrer d’une promenade matinale.

On aurait dit qu’elle me regardait pendant qu’elle parlait, mais elle regardait vraiment quelque chose juste derrière moi. Elle cherchait probablement à vérifier son courrier avant de retourner dans sa chambre.

Moi — Oh… uhm, excuse-moi.

Je m’écartai pour qu’elle puisse vérifier sa boîte aux lettres, et elle me remercia d’un léger signe de tête. Bien sûr, une fois qu’elle regarda à l’intérieur… Le cadeau que je lui avais donné était naturellement la première chose à sortir.

Moi — Je suis sûr que tu le sais déjà, mais c’est, tu vois, mon cadeau pour te remercier de la Saint-Valentin.

Tenant la boîte dans ses mains, Ichinose resta comme figée.

Ichinose — Un cadeau comme ça… T-u n’aurais pas dû…

Ichinose répondit, à peine revenue à la raison.

Moi — Non non, c’est normal.

Ichinose — M-merci. Uhm, je suis désolée. Je ne suis pas habituée à ce genre de choses, donc je suis un peu nerveuse.

J’étais pareil. Après tout j’étais venu exprès à cette heure-ci pour ne rencontrer personne, donc je la comprenais. Comme les choses devenaient un peu gênantes, je fis le choix de changer de sujet.

Moi — Au fait, est-ce qu’il y a du nouveau dans ce problème dont nous avons parlé jeudi dernier ?

Ichinose — Ah, eh, ça, tu t’inquiètes toujours pour ça ?

Moi — Un peu.

Ichinose semblait avoir plus de facilité à parler avec ce nouveau sujet, car l’atmosphère gênante se dissipa rapidement.

Ichinose — Je suis allée interroger tout le monde immédiatement après notre séparation, mais les seules victimes étaient les trois personnes dont Shibata-kun nous avait parlé. Mais…

Moi — Mais ?

Ichinose — Vendredi, c’est comme si le nombre de victimes avait triplé d’un seul coup. Hier, j’ai eu des échos disant que trois autres garçons et trois autres filles étaient également suivis ou harcelés.

En d’autres termes, neuf personnes au total avaient été touchées par le harcèlement de la classe D. Les trois premiers jours suivant le début de l’examen, elle ne s’était concentrée que sur trois personnes. Mais, Vendredi, tout d’un coup, ce nombre avait augmenté de six.

Moi — Et tu sais qui exactement a harcelé ?

Ichinose acquiesça et commença à énumérer les noms.

Ichinose — Pour autant que je sache, il y avait Ishizaki-kun, Komiyakun, Yamada-kun, Kondô-kun, Ibuki-san et Kishita-san.

Six personnes donc, au total. Tous des gens qui étaient prêts à se salir les mains, du moins dans une certaine mesure. Ils ne semblaient pas avoir l’intention de cacher leur identité, étant donné qu’elle avait déjà réussi à identifier chacun d’entre eux.

Ichinose — Je me demande si ces six-là vont continuer à suivre la même personne.

C’était une question naturelle à poser.

Ichinose — Je vais enquêter un peu plus avant demain.

Moi — Qu’est-ce que tu vas faire si ça prend des proportions plus importantes que tu le pensais ?

Il était possible que même Ichinose et Kanzaki soient touchés à un moment ou un autre.

Ichinose — Hmm. Eh bien, je ne suis pas sûre qu’il y ait quoi que ce soit que nous puissions faire. Ce n’est pas comme s’ils avaient été violents ou quoi que ce soit… Alors nous avons décidé de les supporter jusqu’à ce qu’ils causent de vrais dégâts. Nous ferons de notre mieux pour fournir aux victimes un soutien émotionnel.

À première vue, ils étaient prêts à agir à tout moment, mais seulement si la classe D s’en prenait à eux physiquement.

Moi — Je vois.

La classe D se comportait bizarrement. Je ne pouvais pas m’empêcher de me demander si elle allait vraiment s’en prendre à tous les élèves de la classe B. Avec seulement six personnes qui s’occupaient du harcèlement, ils n’exerçaient pas vraiment beaucoup de pression. Même s’ils continuaient à le faire encore et encore, cela n’allait aboutir à rien. Il était possible qu’Ishizaki n’ait pas pensé si loin quand il avait élaboré sa stratégie. Ou peut-être quelques dégâts psychologiques allaient suffire à les satisfaire ?

Ichinose — Est-ce que j’ai dit quelque chose de mal ?

Ayant remarqué que j’étais perdu dans mes pensées, Ichinose me regarda avec une expression gênée.

Moi — Non… Ce que vous faites maintenant devrait aller. En fait, la classe D ne serait pas punie même si vous vous plaigniez à la direction de l’école. De plus, si vous le faisiez, vous rentreriez dans leur jeu.

Ichinose — Ouais, je suppose que tu as raison.

Cependant, il était important pour elle de s’assurer que l’objectif de la classe D était vraiment ce qu’elle pensait être. Cela étant dit, Ichinose ne semblant pas vouloir agir et étant plutôt dans une stratégie de défense passive, il était inutile que je lui dise cela.

Moi — Vous avez décidé des 10 événements que vous allez soumettre ?

Ichinose — Oui, nous avons très tôt bien saisi les forces et les faiblesses de chacun. Nous avons tout finalisé hier après avoir intégré certains événements pour lesquels nous pensons que la classe D n’est peut-être pas bonne. Et de votre côté, Ayanokôji-kun ?

Moi — Je n’ai pas été impliqué dans tout ça cette fois-ci. Je laisse tout à Horikita.

Ichinose — Mais, tu n’es pas le chef ?

Moi — Je lui ai laissé ça aussi.

Ichinose avait l’air surprise. Elle ne semblait pas penser que je prendrais le rôle avec autant de désinvolture.

Ichinose — On dirait que tu as vraiment foi en Horikita-san. Ou… Peutêtre que tu dis que tu penses pouvoir tout gérer, quels que soient les événements ou les règles qu’elle finit par choisir ?

Moi — C’est la première option. Contrairement à toi, je ne suis proche que de quelques-uns de mes camarades de classe, donc honnêtement, je ne sais pas grand-chose de tout le monde. Je suis seulement devenu le chef pour éviter que quelqu’un ne soit expulsé.

Ichinose — Mais alors, pourquoi la classe A ?

Moi — C’était aussi l’idée de Horikita. Peut-être pensait-elle que cela nous donnerait les meilleures chances de gagner ou quelque chose comme ça.

Ichinose — Je vois.

Ichinose n’avait pas l’air plus renseignée que ça. Une fois la conversation terminée, nous nous retrouvions à attendre l’ascenseur ensemble.

Ichinose — Ah… Je ne m’étais pas du tout préparée à ça…

Ichinose parlait comme si elle venait de se rappeler quelque chose. Je la regardais alors qu’elle se tenait à côté de moi, faisant tourner continuellement une mèche de ses cheveux avec son index.

Moi — « Préparée » ?

Ichinose — Heu… Nan, oublie.

Peu de temps après, nous montions tous les deux dans l’ascenseur, qui arriva ensuite rapidement au quatrième étage, où se trouvait ma chambre.

Moi — À plus tard, alors.

En sortant de l’ascenseur, je me retournai et lançai un regard à Ichinose pendant un bref instant, la prenant au dépourvu.

Ichinose — Q-quoi- !! Euh, je, euh… salut !

Dans une soudaine panique, Ichinose se mit à appuyer plusieurs fois sur le bouton de fermeture et, après un moment, elle disparut de mon champ de vision pendant que les portes de l’ascenseur se fermaient entre nous. C’était une façon étrange de se séparer de quelqu’un, mais c’était bien que j’aie réussi à traverser cette pénible épreuve du White Day.

Moi — En y repensant, elle ne sentait pas les agrumes aujourd’hui.

Mais comme il était dimanche, et qui plus est super tôt, elle n’avait aucune raison particulière de se parfumer.

5

Le lundi matin arriva vite, le jour où les dix événements de notre adversaire allaient être annoncés. Quels événements et quelles règles la classe A

avait-elle imaginés, et comment le chef allait-il s’y prendre exactement ?

En allant en cours, je tombais par hasard sur le frère aîné de Horikita et Tachibana. Il ne semblait pas qu’ils m’attendaient, cela avait l’air d’une parfaite coïncidence. Tachibana prit discrètement ses distances sans rien dire de particulier. Peut-être était-ce sa façon d’être prévenante pour ne pas entraver la conversation imminente. Il ne faisait aucun doute que sa tendance à avoir des réactions rapides et réfléchies de ce genre avait été une source de soutien constante pour l’aîné Horikita à l’époque où il faisait partie du conseil des élèves.

Horikita — Alors, cet examen spécial ?

Je ne savais pas pourquoi, mais j’avais l’impression qu’il savait déjà tout même si je ne lui avais rien dit.

Moi — C’est censé être ma réplique. Tu es sûr de pouvoir être diplômé en tant qu’élève de la classe A ?

Horikita — Eh bien, cela dépendra probablement des résultats de la semaine prochaine.

Qu’il soit inquiet ou non, il n’y avait aucun moyen de le savoir juste en le regardant.

Moi — De mon côté, ta sœur a travaillé dur. Apparemment, tu as eu plus d’influence sur elle que je ne l’aurais cru.

Horikita — Ah oui ?

Actuellement, Horikita débordait pratiquement d’énergie, comme si elle avait été touchée par la magie. Elle avait pris l’initiative de réunir la classe en l’absence de Hirata. Récemment, elle avait également passé son temps à peaufiner la stratégie de la classe pour chacun des dix événements.

Moi — Les terminale ne devraient pas être en semaine de révision en ce moment-même ?

Horikita — J’ai également été surpris de découvrir que ce n’était pas le cas lorsque je me suis inscrit ici. Après tout, ceux des autres lycées seraient déjà en pause à cette époque de l’année. Bien sûr, nous sommes tout aussi concentrés que n’importe quel autre étudiant de terminale lorsqu’il s’agit de passer à l’enseignement supérieur ou de trouver un emploi. Mais ça, tu t’en rendras compte assez vite quand ce sera ton tour.

Il semblait que les étudiants de troisième année devaient faire face à une série de problèmes en ce moment.

Moi — L’enseignement supérieur ? Trouver un emploi ? Même s’il n’est pas encore sûr que tu finisses en classe A ?

Horikita — Tu verras par toi-même.

Il en resta là, sans même essayer de me donner une explication détaillée. Je suppose qu’il y avait des choses qu’il ne pouvait pas dire. En fin de compte, le seul moyen de savoir où on allait finir était d’arriver en fin d’année de terminale.

Horikita — N’hésite pas si tu as d’autres questions. Je te dirai tout ce que tu veux, tant que cela reste dans le cadre de ce que je suis autorisé à dire.

Moi — Ce champ me semble plutôt restreint.

À ma réponse inattendue, un très léger sourire se dessina.

Horikita — Peut-être bien. Tu peux considérer que c’est un de mes

devoirs de réserve en tant qu’ancien président du conseil des élèves.

Cela signifiait probablement qu’il devait être prudent lorsqu’il répondait à des questions sur l’école dans son ensemble.

Moi — C’est une bonne occasion. Il y a quelque chose que je voulais te demander.

Je décidai donc de profiter de cette rencontre fortuite pour poser une question à l’aîné Horikita.

Moi — C’est à propos de Horikita… C’est-à-dire ta petite sœur. Je pense que c’est une excellente personne. Athlétiquement et académiquement, elle ne manque de rien. Je ne sais pas si je dirais qu’elle est en tête du classement, mais elle a eu le talent de se classer deuxième ou troisième dès ses débuts ici. Elle n’est peut-être pas au même niveau que toi, ancien président du conseil des élèves, mais je ne pense pas qu’elle soit assez mauvaise pour que tu la chasses de l’école.

Et puis, il y avait le plus important.

Moi — De toute façon, toi et ta sœur avez deux ans d’écart, c’est-àdire qu’il y a deux ans que vous n’avez pas vécu ensemble. Avec le système que cette école a mis en place, c’est limite si tu avais pu la reconnaître.

Après tout, comme il l’était maintenant, l’aîné Horikita ne l’avait théoriquement pas rencontrée depuis qu’elle avait commencé sa deuxième année de collège, pas même une fois. Alors malgré ses résultats, il n’aurait pas dû être si déçu d’elle. Au début de l’année, quand je les avais vus se rencontrer à l’extérieur du dortoir, l’attitude de Manabu envers sa sœur était tout sauf calme.

Horikita — Je vois. Certainement, vu ce à quoi tu as assisté, il est normal que tu sois curieux.

Cela m’avait rappelé la première fois que j’avais été en contact avec Manabu.

Horikita — Ce n’est pas que j’ai été déçu d’elle. En tout cas pas à cause de choses aussi superflues que les notes ou sa classe finale. Mais plutôt à cause de son état d’esprit.

Moi — « État d’esprit » ?

Horikita — Suzune a changé de façon spectaculaire par rapport à ce qu’elle était avant. Elle était le type d’enfant qui avait toujours le sourire aux lèvres.

Pardon ? Non, sérieusement… Je ne pouvais pas du tout imaginer que cette fille que je côtoyais depuis quasi un an fut comme ça.

Moi — En gros, tu dis que cette personnalité calme et recueillie qu’elle met en avant est due à toi ?

Horikita — Elle essaie de m’imiter depuis longtemps maintenant. C’est une mauvaise habitude qui a commencé à se manifester dès les classes supérieures de l’école primaire. Mais en y repensant maintenant, c’est mon erreur de l’avoir laissée faire pendant si longtemps. J’ai essayé pendant de nombreuses années de l’amener à s’améliorer en la traitant avec froideur et indifférence, mais cela a fini par totalement se retourner contre elle.

C’est ainsi que Horikita avait continué à courir après l’ombre de son frère et était devenue ce qu’elle était.

Moi — Alors même si tu sembles être si parfait, tu n’as pas réussi à communiquer correctement avec ta sœur ?

Horikita — Il n’existe pas d’être humain parfait. Non ?

Moi — Oui, c’est vrai.

Je ne pouvais pas le réfuter sur ce point.

Moi — En bref, après l’avoir retrouvée, il t’a suffi d’une seule conversation pour en arriver à cette conclusion ?

Même s’ils ne semblaient pas vraiment se parler beaucoup même avant.

Horikita — Je l’ai réalisé avant même de lui parler. Dès que je l’ai revue, j’ai su qu’en deux ans, elle n’avait pas changé d’un pouce.

Alors que je me demandais s’il avait vu quelque chose en elle que seul un grand frère pouvait comprendre, il continuait à expliquer.

Horikita — Cette fille buvait chacun de mes mots. « Étudie plus », « fais plus d’exercice », « ne fais pas ceci », « ne fais pas cela »….Ça aurait été bien si ça n’avait pas été plus loin. Mais elle allait jusqu’à imiter mes aliments et boissons préférés, allant même jusqu’à copier mes couleurs préférées et le type de vêtements que je portais. Elle a montré à quel point elle dépendait de moi à chaque étape du processus.

Le fait qu’elle soit allée aussi loin était déjà un peu alarmant. Cependant, en regardant le comportement de Horikita depuis qu’elle était arrivée dans cette école, cela avait du sens.

Moi — Donc, après l’avoir retrouvée ici, tu as eu l’impression que ce problème de dépendance n’avait toujours pas été résolu ?

À moins qu’il ne puisse lire dans les pensées, il n’y avait tout simplement pas assez d’informations pour savoir ce qu’elle avait vécu ces deux dernières années.

Horikita — C’est exact. Toute personne qui sait comment elle était enfant pourrait le dire. Cette fille…

Il coupa sa phrase en plein milieu, s’étouffant avec ses mots.

Horikita — …Peu importe. C’est probablement quelque chose que je devrais garder secret, même à toi. C’est l’élément parfait pour déterminer si Suzune a vraiment changé ou non.

Moi — Je suppose que ça veut dire que ce n’est pas encore le cas.

Il acquiesça. Selon son frère aîné, Horikita avait fait beaucoup de progrès par rapport à son état au début de l’année, mais cela ne semblait pas suffisant.

Horikita — Elle a fait de son mieux pour rompre avec son passé, mais elle n’en est qu’à la moitié.

Je me demandais si elle allait être capable de satisfaire « l’élément parfait » dont son frère parlait avant d’être diplômé. Il ne restait plus beaucoup de jours avant la cérémonie de remise des diplômes.

Horikita — Mais, si…

Il s’arrêta de marcher un moment et posa  ses yeux sur moi. Pour une raison quelconque, je me retrouvai pris dans son regard puissant et j’arrêtai de marcher aussi.

Horikita — Si Suzune pouvait arrêter de courir après mon ombre, se libérer de sa dépendance et devenir elle-même…

Une brise printanière souffla dans l’air.

Horikita — Elle me surpasserait complètement, et deviendrait probablement quelqu’un que toi-même tu ne pourrais ignorer.

Il ne disait pas cela simplement pour la flatter en tant que grand frère. Non, il avait l’air de le penser sincèrement. À bien des égards je croyais aussi dans le grand potentiel de la petite sœur. Mais était-ce à cause de ce qu’il venait de dire ?

Soudain, une pensée me traversa l’esprit. Qu’est-ce que j’étais censé faire ici, dans cette école ? Non, qu’est-ce que je voulais faire ? J’eus l’impression d’avoir soudain trouvé la réponse à cette question.

Horikita — Mais en fin de compte, tout dépend de sa capacité à faire le changement.

Moi — Elle va changer.

Je lui répondis avec assurance.

Moi — Ou, non, laisse-moi reformuler ça.

Mais ensuite, je choisis de me corriger.

Moi — Je vais la faire changer. Pas de la même manière que je l’ai fait jusqu’à présent, mais pour de vrai cette fois-ci.

Horikita —…Oh ? Je n’aurais jamais pensé que tu dirais une telle chose.

Je sentis que cette rencontre fortuite avec l’aîné Horikita allait avoir un grand impact sur ma vie. Il allait me falloir beaucoup de temps avant de savoir si cette prémonition allait ou non s’avérer.

Moi — Dis, puis-je te demander encore une chose avant que tu ne fasses tes valises ? C’est une question tout à fait personnelle.

Je ne savais pas si j’allais avoir une autre chance de lui reparler.

Horikita — Quoi donc ?

Moi — Tu sors avec Tachibana ?

J’étais bien conscient que c’était une question stupide, mais je l’avais quand même posée. Bien qu’ils aient quitté le conseil des élèves, ils étaient encore très souvent ensemble.

Horikita — Non. Rien de tel.

Un déni plat. Il ne semblait pas non plus vouloir cacher quoi que ce soit. Cependant, un rapide coup d’œil au visage de Tachibana me montra que c’était un peu plus compliqué que ça. Au moins, il ne faisait aucun doute que Tachibana avait des sentiments pour lui.

Horikita — J’ai passé ces trois dernières années à ne penser qu’à l’école, pour le meilleur ou pour le pire.

Moi — Ah oui ?

Horikita — Mais je ne pensais pas que quelque chose comme ça sortirait de ta bouche. Se pourrait-il que tu sois un lycéen comme les autres finalement ?

Peut-être avais-je été influencé par cette conversation que j’ai eue avec Hoshinomiya-sensei.

Moi — Je pense qu’on est normaux à notre façon, non ?

Horikita — Ah. C’est vrai. Alors, tu t’es trouvé une petite amie, M. le lycéen normal ?

Même si c’était moi qui avais abordé le sujet, je ne m’attendais pas à ce qu’il me le retourne.

Moi — Pas du tout pour l’instant. Mais si quelqu’un de convenable se présente, j’accepte les candidatures.

Horikita — J’ai l’impression que je pourrais me rassurer si je pouvais te confier Suzune, mais j’ai le sentiment que cela n’arrivera pas.

Moi — Bien sûr que non.

Il n’y avait aucune chance que cela se produise.

Tachibana — L-la vie réserve des surprises, tu sais.

Tachibana interrompit soudainement la conversation qu’elle écoutait attentivement depuis un moment.

Horikita — « Surprises » ?

Lorsque Manabu remit en question son choix de mots, Tachibana s’empressa de s’expliquer.

Tachibana — Non, euh, je veux dire…  Deux personnes qui ne pensaient pas du tout finir ensemble finissent par se fréquenter… C’est un scénario très commun.

Manabu et moi nous regardions l’un l’autre, aucun de nous n’ayant très bien compris où elle voulait en venir.

Tachibana  — N-non, peu importe.

Tachibana semblait avoir abandonné l’idée de nous faire comprendre, et s’arrêta là.

6

De retour en classe, le cours du matin s’acheva.

Et, sans plus attendre, les dix événements choisis par la classe A furent annoncés. Horikita lut tous les documents qui nous avaient été laissés.

Mentalement je m’étais tout représenté en classant les événements par nombre de participants nécessaires.

 

 

  1. Échecs
Participants requis : 1
Temps alloué par personne : 1h.
Règles : Les règles standard des échecs s’appliquent. Toutefois, le temps alloué n’augmentera pas avant chaque coup, même après le 40e tour.
Pouvoir du chef : À tout moment, le chef peut donner des conseils au joueur participant. Jusqu’à 30 minutes de conseil. Le temps d’intervention du chef sera déduit du temps de jeu du participant.
  1. Calcul mental
Participants requis : 2
Temps alloué par personne : 30min.
Règles : La victoire sera décidée par l’élève qui aura obtenu la première place en termes de vitesse et de précision en utilisant le calcul mental de type boulier.
Pouvoir du chef : Le chef peut modifier une réponse de son choix
  1. Jeu de Go
Participants requis : 3
Temps alloué par personne : 1h.
Règles : Trois parties en face à face seront jouées simultanément. Les règles standard du Go s’appliquent.
Pouvoir du chef : À tout moment, le chef est autorisé à conseiller sur un mouvement.
  1. Littérature moderne
Participants requis : 4
Temps alloué par personne : 50min.
Règles : L’épreuve s’inscrira dans le cadre du programme de littérature de 2nde. La
victoire sera décidée en fonction de la classe ayant obtenu la meilleure note globale.
Pouvoir du chef : Le chef peut répondre à une seule question au nom du participant.
  1. Sociologie
Participants requis : 5
Temps alloué par personne : 50min.
Règles : L’épreuve s’inscrira dans le cadre du programme de géographie, d’histoire et d’éducation civique de 2nde. La victoire sera décidée en fonction de la classe ayant obtenu la meilleure note globale.
Pouvoir du chef : Le chef peut répondre à une seule question au nom du participant.
  1. Volleyball
Participants requis : 6
Fin du match : Premier à 10 points/meilleur des 3 sets.
Règles : Les règles standard du volley-ball s’appliquent.
Pouvoir du chef : À tout moment, le chef peut effectuer 3 remplacements.
  1. Mathématiques
Participants requis : 7
Durée : 50 min.
Règles : L’épreuve s’inscrira dans le cadre du programme de maths de 2nde. La victoire sera décidée en fonction de la classe ayant obtenu la meilleure note globale.
Pouvoir du chef : Le chef peut répondre à une seule question au nom du participant.
  1. Anglais
Participants requis : 8
Durée : 50 min.
Règles : L’épreuve s’inscrira dans le cadre du programme d’Anglais de 2nde. La victoire sera décidée en fonction de la classe ayant obtenu la meilleure note globale.
Pouvoir du chef : Le chef peut répondre à une seule question au nom du participant.
  1. Longue corde à sauter
Participants requis : 20
Durée : 30min.
Règles : La classe qui fait le plus de sauts gagne
Pouvoir du chef : Le chef peut modifier une fois la formation de l’équipe adverse
  1. Balle au prisonnier
Durée du match : 2 sets, 10 min/set.
Règles : Les règles standard de la balle au prisonnier s’appliquent. En cas d’égalité, un tour de mort subite aura lieu.
Pouvoir du chef : Le chef peut renvoyer un joueur disqualifié sur le terrain.

 

Horikita — Je ne m’attendais pas à ce qu’ils choisissent autant d’événements sportifs. Je pensais qu’ils allaient doubler les événements intellectuels. Bien qu’il y ait de fortes chances qu’ils soient aussi très forts là-dedans.

C’était la première impression de Horikita, et Keisei, prenant la parole juste après elle, partageait aussi des pensées similaires.

Yukimura — Les échecs et le Go sont deux jeux très connus, mais on a l’impression qu’ils nous mettent dans une situation difficile car seuls quelques étudiants y ont joué. La coordination des équipes joue également un rôle important dans tous les sports qu’ils ont choisis.

Il ne devait y avoir personne dans notre classe qui n’ait jamais entendu parler des échecs ou du go, mais la plupart des élèves n’y avaient probablement jamais joué ou même touché auparavant.

Horikita — Et puis, je ne m’attendais pas non plus à ce qu’ils réduisent au minimum l’intervention du chef dans la plupart des événements. Surtout lorsqu’il s’agit d’événements académiques, où les interventions qu’ils ont proposées ne vont pas avoir énormément d’influence sur le résultat.

Yukimura — Je suppose que cela montre à quel point ils font confiance à leurs propres camarades de classe. La classe A a un avantage significatif dans les événements académiques, et non seulement ils ont choisi quatre tests académiques, mais le nombre de personnes requises pour ces tests est assez élevé. Cela semble vraiment difficile…

Dans chaque examen jusqu’à présent, la classe A avait toujours obtenu la note moyenne la plus élevée de toutes les classes. C’était probablement la raison pour laquelle ils avaient choisi de faire appel à un si grand nombre de participants pour leurs événements. Ces événements étaient pensés de sorte à nous mettre dans des conditions d’examen normales, en limitant le rôle du chef au maximum.

De plus, le fait qu’ils n’aient pas choisi uniquement des examens écrits était également une bonne décision de leur part. En effet,  s’ils avaient passé sept ou huit examens écrits, nous aurions pu concentrer nos efforts sur nos révisions. Ils essayaient probablement de limiter les options dont nous disposions tout en nous faisant plancher sur des choses qui n’allaient pas nous être d’un grand secours plus tard.

Horikita — Le volley-ball nécessite 6 personnes, 9 si l’on inclut les remplaçants, la balle au prisonnier en nécessite 18, et le saut à la corde en longueur en nécessite le plus, c’est-à-dire 20. Ils nécessitent un tel nombre de personnes que certains vont même participer à deux événements différents.

Comme il n’y avait aucun moyen de savoir quels événements allaient être utilisés le jour de l’examen, nous ne pouvions pas faire d’impasses. De plus, comme bon nombre de leurs épreuves sportives nécessitaient un grand nombre de personnes, nous devions consacrer énormément de temps et d’efforts à la sélection et à l’entraînement des participants. Si nous avions l’audace de réserver une place comme le gymnase de l’école pour nous entraîner, la classe A allait probablement finir par en avoir vent. En d’autres termes, nous devions dissimuler nos activités et nous entraîner en cachette.

Mais, encore une fois, nous n’avions aucun moyen de savoir quels événements allaient être utilisés le jour de l’examen. Si nous passions beaucoup de temps à nous entraîner pour un événement, nos efforts allaient être vains si cet événement n’était pas choisi. Autrement dit, nous perdrions notre temps. D’un autre côté, si nous décidions de faire l’impasse sur un autre et qu’il est finalement choisi nous risquions de le payer très cher. Nous n’avions pratiquement aucune chance de gagner.

Il était important pour nous de garder un œil sur les mouvements de la classe A cette semaine, mais c’était plus facile à dire qu’à faire. Il n’allait pas être facile de savoir s’ils s’entraînent tôt le matin ou tard le soir. De plus, il était fort probable qu’eux aussi s’entraînent dans la plus grande discrétion.

Peu importe l’épreuve, en fait chacune était gênante pour nous. Bien sûr, nous n’avions pas eu la chance d’être confrontés à des disciplines sur lesquelles nous étions particulièrement à l’aise.

Horikita — Quelqu’un a-t-il une expérience particulière des échecs ou du Go ?

Horikita demanda à la classe de lever la main, ce à quoi seul Miyamoto répondit.

Miyamoto — J’ai joué au Go plusieurs fois avec ma famille, mais je ne suis pas assez bon pour vraiment maîtriser.

Cela commençait mal.  Bien qu’il fût un peu tard, je levai aussi la main.

Moi — Je peux jouer aux échecs, plus ou moins, mais je ne comprends pas du tout le Go. Je n’y ai jamais joué.

Bien qu’étant le chef, je m’étais dit que je devais faire savoir à tout le monde que je pouvais jouer au jeu. Plus tard, je pouvais enseigner à d’autres personnes.

Horikita — Je suppose que c’est un soulagement que nous ayons au moins quelqu’un qui a de l’expérience. Mais encore une fois, c’est vraiment un examen difficile, donc nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers.

Je me demandais dans quelle mesure quelqu’un pourrait améliorer ses compétences aux échecs ou au Go en moins d’une semaine. Dans le pire des cas, seuls deux de nos événements allaient passer, tandis que les cinq autres seraient ceux de la classe A. Ainsi donc, nous n’avions pas d’autres choix que de compter sur les capacités de base de nos camarades de classe.

Cependant, pourquoi… ?

Horikita — Qu’est-ce qui ne va pas, Ayanokôji -kun ?

Horikita me regarda curieusement

Moi —…Non, ce n’est rien.

Pour l’épreuve d’échecs, l’implication du chef était tout simplement beaucoup trop importante. C’était presque comme une bataille entre les chefs, Sakayanagi voulait certainement utiliser l’événement pour se mesurer à moi.

Yukimura — Hé, Horikita. Ne devrions-nous pas aussi commencer sérieusement à collecter des informations à ce stade ?

Sentant l’urgence de la situation, Keisei demanda à Horikita de lui répondre.

Horikita — Tu veux dire, trouver quel événement a le plus de chance de tomber ?

Yukimura — Ouais. Honnêtement, ce sera assez difficile pour nous de nous préparer à ces dix événements dans le temps qu’il nous reste. Si nous ne mettons pas la main sur des informations, nos chances de gagner seront beaucoup plus faibles.

— Mais le doc de classe A ne donne pas trop d’informations.

L’un des garçons répondit en disant quelque chose que tout le monde savait déjà.

Yukimura — Malgré tout, nous devons encore essayer.

Horikita — Je comprends vos préoccupations, mais je ne peux pas encore prendre de décision à ce sujet. Laissez-moi d’abord faire l’inventaire de nos capacités pour les 10 événements.

Horikita écarta le sujet de la collecte de renseignements et se recentra à nouveau sur les forces dont nous disposions au regard des épreuves.

7

Yukimura — Horikita, tu as un moment ?

Pendant la pause entre les cours, Keisei tendit la main à Horikita.

Horikita — Oui oui. Qu’est-ce que c’est ?

Yukimura — Parler ici, c’est un peu… enfin, c’est à propos de l’examen spécial.

Ne voulant pas que d’autres personnes entendent leur conversation, Keisei incita subtilement Horikita à le suivre dans le couloir.

J’avais l’intention de les laisser partir, mais Horikita se retourna et me regarda.

Horikita — Est-ce que ça va si Ayanokôji-kun vient aussi ?

Yukimura — …Très bien alors.

L’idée ne le branchait pas tant que ça, mais il l’accepta quand même. Ce n’était pas comme si j’allais refuser, alors je les suivis tous les deux jusqu’au couloir.

Yukimura — Est-ce que tu y as réfléchi ?

Horikita — À quoi ? La collecte d’informations ?

Yukimura — Oui.

Horikita — À ce propos… je ne pense pas qu’il sera facile de mettre la main sur des informations de la classe A.

Yukimura — Mais, ne serait-ce pas dommage de ne rien faire ? Nous devrions utiliser notre temps de manière plus efficace.

Apparemment, Keisei voulait agir et recueillir des informations le plus rapidement possible. Le désir de faire tout ce que l’on peut physiquement pour gagner était un sentiment que je connaissais très bien.

Horikita — Et voyons, comment comptes-tu t’y prendre ? Aller les solliciter directement ?

Yukimura — Voyons voir… Il est peu probable que l’élève moyen de classe A sache également quelles seront les cinq épreuves choisies.

Sakayanagi était probablement la seule à connaître les événements qui allaient tomber, elle ou son cercle proche. Compte tenu du type de personne qu’elle était, gérer ce genre de flux d’informations était un jeu d’enfant.

Yukimura — Même si Sakayanagi est la seule à savoir quels événements ils choisiront, ses camarades de classe auront forcément une vague idée du plan, n’est-ce pas, Kiyotaka ?

Moi — Eh bien, ses camarades de classe devraient probablement savoir quelques petites choses, oui.

Ayant passé la dernière année ensemble, ils connaissaient sûrement, dans une certaine mesure, les forces et les faiblesses de chacun. Ils étaient donc probablement en mesure de faire une supposition éclairée sur les évènements qui avaient le plus de chance de tomber.

Yukimura — Exactement. C’est pourquoi j’ai trouvé une méthode pour mettre la main sur des informations de classe A.

Horikita — Cette méthode étant…

Yukimura — Oui, avoir Katsuragi de notre côté.

Katsuragi. Ancienne figure de proue de la classe A qui s’était opposée à Sakayanagi. Keisei s’assura d’abord qu’il n’y avait personne autour, puis laissa tomber sa voix dans un murmure.

Yukimura — Récemment, Totsuka, le plus grand supporter de Katsuragi, a été expulsé à cause de Sakayanagi, donc il lui en veut probablement encore, n’est-ce pas ? Je suis tombé sur lui plusieurs fois ces derniers jours, et il était clair qu’il n’est pas dans son assiette.

Il ne faisait aucun doute qu’il en voulait à Sakayanagi. Je repensais à la conversation qui avait eu lieu le jour de l’expulsion de Yahiko, lorsque Katsuragi et Ryuuen s’étaient rencontrés.

Horikita — Tu crois vraiment qu’il trahirait sa classe juste pour se venger de Sakayanagi-san ?

Yukimura — Bien sûr, il faudrait lui offrir quelque chose d’approprié en retour.

Apparemment, Keisei avait déjà une petite idée là-dessus également.

Horikita — S’il est capable d’aider notre classe à gagner, nous finirons par obtenir au moins 130 points de classe au total. Du point de vue de la classe dans son ensemble, cela représente plus de 6 millions de points privés sur une année complète. De plus, si nous en mettions de côté chaque mois, il ne nous serait pas impossible d’économiser près de 20 millions de points

Je pouvais plus ou moins deviner où Keisei voulait en venir.

Yukimura — Ensuite, lorsque nous parviendrons à monter en classe A, nous offrirons à Katsuragi la possibilité de changer de classe. C’est une monnaie d’échange, n’est-ce pas ? De plus, de cette façon, nous établirions une bonne relation avec Katsuragi.

Horikita — Tout d’abord, un élève ordinaire n’accepterait pas ces conditions. Peu importe ce qu’on lui dit, on est juste de la classe C, tu ne l’as pas oublié non ?

Yukimura — Mais, es-tu sûre de pouvoir dire cela étant donné la situation

dans laquelle il se trouve en ce moment ?

Horikita — Il est vrai que Katsuragi n’est pas au meilleur endroit en ce moment, mais si l’on apprend qu’il a trahi sa classe, il sera le prochain à avoir la tête sur le billot. Il n’aurait pas le luxe d’attendre qu’on lui fasse gagner 20 millions de points. Même si nous supposons que nos points de classe seront de plus en plus élevés, et même si toute la classe acceptait de coopérer, il nous faudrait probablement encore au moins six mois pour en obtenir autant.

De manière plus réaliste, il fallait une année entière d’économies pour en arriver là. De plus, même si nous gagnions plus de points de classe, 20 millions de points privés n’étaient pas un petit prix à payer.

Yukimura — Alors, qu’en penses-tu, Horikita ?

Horikita — …Bien. C’est comme tu le dis, Yukimura-kun, mettre la main sur l’information est capital.

Yukimura — Alors…

Horikita — Cependant, je ne suis pas du tout d’accord avec ton idée.

Yukimura — Pourquoi ?

Horikita — Bien que Katsuragi-kun ait sans aucun doute été mis au pied du mur, je ne pense pas qu’il serait prêt à accepter nos conditions et à trahir sa classe. Notre offre est loin d’être suffisante.

Ça aurait été une autre histoire si nous avions les points en main. Mais là ce serait complètement irrationnel qu’il accepte une offre dont il ne risquait de voir les fruits qu’un an après.

Yukimura — Mais si nous ne faisons rien, nous n’obtiendrons aucune information.

Horikita — Je ne pense pas que nous obtiendrions des informations

utiles en premier lieu, même si nous faisions quelque chose.

Yukimura — Comment le saurait-on, si on essaie même pas ?

Malgré la persévérance de Keisei, Horikita n’était manifestement pas disposée à accepter son idée.

Horikita — Je ne suis pas totalement opposée à la collecte d’informations, mais ta méthode n’est tout simplement pas assez convaincante. Nous pouvons en discuter à nouveau si tu as autre chose à proposer.

Sur ce, Horikita mit fin à la conversation et retourna en classe.

Yukimura — Merde !

Keisei donna un coup de pied dans le mur du couloir par frustration.

Yukimura — …Hé Kiyotaka, tu veux bien m’aider ?

Moi — En persuadant Horikita ?

Yukimura — Non… En persuadant Katsuragi, directement.

Ses paroles témoignaient vraiment de sa détermination.

Yukimura — Je ne dis pas que Horikita a renoncé à gagner, mais il me semble que, quelque part dans son esprit, elle pense que nous n’avons aucune chance. Si ce n’est pas le cas, elle devrait être prête à tenter sa chance et à essayer, n’est-ce pas ? Même si l’on apprenait que nous avons rencontré Katsuragi, dans le fond nous n’avons rien à perdre.

Même si je n’étais pas d’accord avec Keisei dans cette situation, je n’allais pas forcément non plus l’en empêcher. Donc, autant aller avec lui et mieux appréhender la situation.

Moi — Comment allons-nous entrer en contact avec Katsuragi ?

Yukimura — C’est… une chose à laquelle je devrais réfléchir. Nous avons encore un peu de temps avant l’examen.

Moi —Très bien. Tiens-moi au courant dès que tu as quelque chose !

Je lui répondis positivement pour l’empêcher d’agir seul et décidai donc de coopérer avec lui pour l’instant.

 

8

Horikita — Hé. Tu aurais une minute ?

Il était environ 18 heures, juste avant le dîner. Je faisais bouillir de l’eau quand je reçus un appel de Horikita. Pendant qu’elle parlait, l’eau se mit à bouillir, le bruit de la bouilloire sifflant.

Horikita — Tu commençais à faire à manger ?

Moi — T’inquiète.

L’eau venait à peine de commencer à bouillir, donc je n’avais encore rien fait de spécial.

Moi — Quoi de neuf ? De quoi voulais-tu parler ?

Si elle cherchait à me demander de l’aide pour mettre de l’ordre dans les événements, j’allais refuser.

Horikita — Ne t’inquiète pas, il ne s’agit pas d’obtenir ton aide pour les événements. Je te le promets.

Horikita avait tout de suite compris ce que je pensais.

Horikita — Si tu es d’accord, pouvons-nous parler en personne ? La conversation ne devrait pas durer plus d’une heure.

Était-ce quelque chose de difficile à expliquer au téléphone ? Ou peut-être cherchait-elle à confirmer quelque chose ? Une heure n’était pas une durée déraisonnable, il était difficile de refuser.

Moi — Très bien. Tu vas venir ici ?

Horikita — Hé bien pourquoi pas, mais on dirait que dernièrement tu es impliqué dans pas mal d’histoires. Et si c’était toi qui venais ?

Elle semblait se méfier de tout visiteur inattendu qui pourrait me rendre visite. Puis j’avais déjà été dans la chambre de Horikita, donc je n’avais aucune raison particulière de refuser.

Après avoir éteint la plaque, je sortis de ma chambre, téléphone portable en main, avant de monter dans l’ascenseur et de me diriger vers la chambre de Horikita. Le soleil s’était déjà couché, mais il était encore tôt dans la soirée donc ma présence aux étages supérieurs des filles n’allait pas être trop suspecte.

9

Peu de temps après avoir sonné à la porte, j’entendis le bruit de la serrure que l’on faisait tourner depuis l’intérieur de la pièce. J’avais pensé qu’elle me saluerait avec son expression sérieuse habituelle, mais je fus plutôt surpris.

Horikita — Bienvenue.

Je fus invité à l’intérieur par Horikita, qui était d’une bonne humeur inattendue. En revanche, je sentis une légère anxiété en voyant ce changement anormal dans son comportement. Il y avait une légère odeur de miso dans l’air qui venait de plus loin à l’intérieur.

Horikita — J’étais en train de préparer le dîner. Entre.

Si c’était le cas, elle aurait pu finir de manger avant de m’appeler. Je sentis également le regard pressant de Horikita alors que je me tenais là, hésitant à entrer, alors je me résignai rapidement. Après tout, c’est vrai que plus quelqu’un venait tard, moins c’était facile de venir ici discrètement.

J’ai décidé d’arrêter de trop réfléchir et me prêtai au jeu. Presque immédiatement, je remarquai quelque chose d’étrange. Pour une raison quelconque, la petite table avait clairement été dressée pour deux personnes plutôt qu’une. Avait-elle l’intention de dîner avec quelqu’un d’autre après avoir fini de parler avec moi ?

Moi — Dis…

Au moment où j’allais demander, Horikita m’interrompit.

Horikita — Allez, assis-toi.

Non, me demander de m’asseoir… ? Il y avait clairement une paire de baguettes placées devant le siège sur lequel elle avait fait signe de s’asseoir.

Mon instinct me disait que j’étais pris au piège.

Moi — Alors, de quoi voulais-tu parler exactement ?

Au lieu de m’asseoir, j’essayai rapidement de poursuivre la conversation.

Horikita — Est-ce que tu vas rester planté là comme ça encore longtemps ? Assis-toi pendant qu’il me reste encore 2-3 petits trucs à finir.

Moi — Nan, c’est juste… J’aime bien être debout !

Horikita — Te voir ainsi me mets juste un peu mal à l’aise, donc je t’en prie prends place.

En entendant la voix de Horikita devenir de plus en plus dure, je décidais finalement de m’asseoir. Cela faisait étonnamment longtemps que je n’avais pas vu ce niveau de confiance en elle, mêlé à une attitude insistante. Je l’avais oublié parce que nous avions récemment commencé à nous éloigner l’un de l’autre.

Pour l’instant, devais-je me contenter d’attendre patiemment ? Au premier coup d’œil, le dîner ne semblait pas encore tout à fait prêt. Il allait probablement lui falloir un certain temps avant d’en avoir fini.

Moi — Hé. Ça ne prendra qu’une heure, hein ?

Horikita — Oui. Notre conversation elle-même ne devrait pas prendre plus d’une heure.

Horikita parlait le dos tourné vers moi, ses mots me donnant l’impression naturelle que j’étais tombé dans son piège.

En effet, au téléphone, elle avait dit que la CONVERSATION devrait prendre une heure. C’est-à-dire que d’autres choses n’ont pas été incluses dans cette estimation.

Moi — Et combien de temps avec tout le packaging ?

Horikita — Hm… Alors peut-être une heure et demie à deux heures environ ?

Je le savais.

Horikita — Comme il est déjà si tard, j’ai pensé que je pourrais aussi bien t’inviter à dîner.

Pas une seule personne n’aurait pu voir cela venir. J’avais l’impression d’être à la merci de ses non-dits absurdes. Malgré tout, je pouvais voir qu’elle avait déjà commencé à cuisiner. À ce stade, il aurait été impoli de refuser le repas et de retourner dans mon dortoir. Elle m’avait vraiment habilement attiré pour que je vienne ici.

Bien qu’elle m’ait tourné le dos, je pus constater que les compétences culinaires d’Horikita n’étaient pas si mauvaises que ça. Au contraire, en tenant compte du fait qu’elle n’était qu’une élève de 2nde, elle semblait même très douée.

Horikita — Mes deux parents travaillent à plein temps, j’étais donc chargée de préparer le dîner la plupart du temps.

Horikita parla doucement, comme si elle savait exactement ce que je pensais et le sens de mon regard.

Moi — Tu n’as jamais la flemme ? Tu ne trouves pas ça chronophage ?

Bien que la cuisine puisse être amusante, il y a certainement de nombreuses parties gênantes dans le processus.

Horikita — Après avoir appris que mon frère fréquentait cette école, j’ai pris l’initiative de m’entraîner plus souvent à la cuisine…

Moi — …Parce que tu te préparais à t’inscrire ici et être indépendante, hein ?

Horikita — C’est exact.

J’entendis Horikita poser le couteau qu’elle avait utilisé avant de peaufiner sa soupe miso. Malgré tout, je me demandais de quoi nous allions parler si nous n’allions pas discuter de l’examen spécial.

Je n’en avais toujours pas la moindre idée.

10

Un quart d’heure plus tard.

Horikita avait fini de cuisiner et mit tout sur la table. Voir toute cette nourriture étalée devant moi me surprit très agréablement. La façon dont le repas décorait la table était semblable à ce que l’on voyait dans les séries, de temps en temps. Elle prit alors place également.

Si Sudou nous avait vus ainsi, il aurait probablement voulu me refaire le portrait. Je lui aurais dit que c’était un malentendu mais cela n’aurait sûrement rien changé. Enfin, je voulais croire qu’il avait déjà vécu cette situation. Non, même comme ça, il aurait été jaloux aussi.

Horikita — Mange !

Sur l’insistance de Horikita, je pris mes baguettes. Nous étions assis l’un en face de l’autre, la nourriture placée entre nous deux. La scène dégageait une forte impression de déjà-vu. Cela m’avait rappelé la fois où Horikita avait tenté de m’acheter en m’invitant à manger à la cafétéria au début de l’année scolaire.

Horikita — Tu te méfies de quelque chose ? De moi ?

Moi — Pas du tout, je me sens juste un peu mal à l’aise.

Horikita — Douter autant de la gentillesse des autres te fait passer pour une étrange personne.

Moi — C’est toi qui me dis ça ?

Horikita — Aujourd’hui, c’est spécial, tu sais…

Moi — …

Si elle avait vraiment fait ça par gentillesse, je suppose que c’était une obligation de répondre à cette invitation.

Cependant, il était dans la nature humaine d’être méfiant. Non, c’était plutôt mes expériences passées avec elle qui m’avaient fait douter d’elle. Mais cette fois-ci, elle avait parfaitement réussi à me mettre dans le coup. Le résultat avait déjà été décidé dès le moment où j’étais entré avec insouciance dans la chambre de Horikita.

Pour l’instant, je choisis de goûter au moins la soupe. L’odeur du miso me chatouillait le nez. Elle avait utilisé des ingrédients sains à base de radis daïkon.

Moi — Le miso d’orge, hein ?

Dès ma première gorgée, la saveur douce et intense caractéristique de la soupe envahit ma bouche.

Horikita — Tu t’y connais. C’est une spécialité de Kyushu, mais je n’étais pas sûr que cela te convienne.

Moi — Tu es une bonne cuisinière !

J’ai essayé de lui faire un vrai compliment, mais elle n’avait pas l’air particulièrement satisfaite.

Horikita — De nos jours, la cuisine ne nécessite pas de compétences particulières, donc rien qui mérite d’être vanté. Si tu veux faire quelque chose, il te suffit de chercher une recette en ligne et d’acheter ce dont tu as besoin au supermarché ou dans un magasin de proximité. Pas vrai ?

C’est vrai si c’est juste « se faire à manger ». Cela dit, les petits trucs en plus pour mettre en valeur le plat, c’est-à-dire les épices, la cuisson… Sont des choses qui viennent avec l’expérience.

Moi — Est-ce que tu as déjà invité Sudou de la sorte aussi ?

Lorsque je lui posai cette question, elle me regarda d’un air stupéfait.

Horikita — Et pourquoi je ferais ça ?

Moi — Eh bien… tu l’aides toujours à étudier, et tout.

Horikita — Oui, c’est vrai. Mais quel est le rapport entre ça et lui préparer à manger ?

C’était censé être une question banale, mais Horikita continua d’argumenter.

Horikita — Si nos positions étaient inversées et que c’était lui qui m’aidait à étudier, alors je serais plus disposée à être d’accord avec toi. Après tout, c’est normalement une façon de dire merci. Mais en attendant je ne vais pas me donner tant de mal alors que c’est moi qui lui rends service.

Son raisonnement était si solide que je n’ai pas trouvé les mots pour la réfuter, mais…

Horikita — Je ne peux pas dire si tu es vraiment intelligent ou vraiment stupide.

C’était ma réplique, ça. Sudou était tombé amoureux d’Horikita, alors j’avais pensé qu’elle avait déjà cuisiné pour lui. Apparemment, elle n’avait pas encore confronté ses sentiments pour elle. Mais c’était probablement parce qu’elle ne pensait pas beaucoup à des choses comme l’amour. Elle n’avait pas encore grandi au point de faire attention à ce genre de choses.

Horikita — Eh bien, maintenant, si on passait aux choses sérieuses ?

En disant cela, elle sortit un carnet et me le tendit. Sans même avoir à demander ce que c’était, je savais que c’était ce sur quoi elle avait travaillé ces derniers jours.

Horikita — J’ai élaboré un plan qui, je pense, conviendra le mieux à notre classe. J’aimerais simplement connaître ton avis.

Et puis, elle ajouta.

Horikita — Tu as mangé ma nourriture, n’est-ce pas ?

Quel sale tour ! Elle m’offrait un repas pour ensuite me demander de travailler pour elle. Je pris immédiatement le carnet et commençai à le feuilleter. Elle avait bien documenté les différents aspects de l’examen spécial. Il y avait même des notes sur les dix épreuves que la classe A avait choisies, mais comme celles-ci venaient juste d’être révélées aujourd’hui, elle était encore en train de les rédiger.

Soit dit en passant, les dix épreuves que la classe C avait choisies étaient l’anglais, le basket-ball, le tir à l’arc, la natation, le tennis, le tennis de table, la dactylographie, le football, le piano et le Pierre-Papier-Ciseau. Ce dernier avait probablement été lancé en dernier recours, au cas où les choses ne se présenteraient pas bien pour nous. Elle avait également rédigé son évaluation des meilleurs participants à chaque événement, ainsi qu’une estimation du taux de réussite.

Ce carnet contenait tout ce dont nous avions besoin pour l’examen à venir. Je le relus tranquillement jusqu’à avoir passé en revue tous les détails. En me voyant comme ça, Horikita avait l’air surprise.

Moi — Le dîner mis à part, tu ne pensais pas que j’allais lire si sérieusement, hein ?

Horikita — Ah, oui. J’étais même prête à ce que tu me rejettes, mais…

Moi — Les données que tu as rassemblées sont cruciales pour cet examen spécial. Je ne serais pas en mesure de faire mon travail de chef correctement sans y jeter au moins un coup d’œil.

Par rapport aux informations que j’avais recueillies moi-même, il n’y avait pas de différences notables toutefois.

Moi — Cette collecte de données donne presque l’impression de décrire parfaitement notre classe.

Horikita — C’est tout l’intérêt. J’y ai passé la semaine, ce serait un peu bizarre que ce ne soit pas exact.

Franchement, n’importe qui pouvait faire un super chef avec ce carnet entre les mains.

Horikita — Je vais continuer à le compléter, et éventuellement y inclure des informations sur nos meilleurs choix pour tous les événements de la classe A également. Je pensais que tu pourrais t’en servir en tant que chef.

Moi — Ouais. Des gens comme Sudou et Akito devraient être des atouts précieux pour la classe, que ce soit en individuel ou en équipe. Alors que dans le cas d’Onodera, ses chances sont moins certaines si elle devait se mesurer à un garçon. Il serait probablement sage d’avoir une troisième ou une quatrième option en tête à l’avance.

Horikita hocha la tête en silence. Ça aurait été du gâchis de décider trop hâtivement sur la répartition des gens aux évènements, surtout en ne pensant pas à ceux qui pouvaient briller dans le plus d’épreuves possible.

En tout cas, je n’avais vraiment rien à redire sur ce carnet.

Moi — Je n’ai aucun problème avec le carnet. Mais, pourrais-je ajouter une chose ?

Horikita — Quoi donc ?

Moi — Un des événements choisis par la classe A était les échecs, non ?

Après avoir bu une gorgée d’eau, je tournai notre conversation dans une nouvelle direction. Comme personne dans notre classe n’était particulièrement doué aux échecs, il était compréhensible que la partie du cahier qui s’y rapporte soit encore  vide.

Horikita — Oui. Je n’y ai pas encore beaucoup réfléchi car je n’ai personnellement jamais joué au jeu. De tous, la seule personne qui a quelques bases c’est toi, le chef. Nous allons donc probablement te suivre sur ce coup.

Moi — À ce propos, j’aimerais que ce soit toi qui participes.

Horikita —…Moi ? Je comprends qu’il faudrait que quelqu’un d’autre s’entraîne, mais… Pourquoi moi ? Je ne serai pas du tout en mesure de gagner.

Moi — Parce que je pense que ce serait plus simple avec toi.

Horikita — Ce serait plus simple de m’enseigner parce que tu n’aurais pas à interagir avec quelqu’un de nouveau ?

Moi — Je mentirais si je disais le contraire

Horikita — Je peux le faire, mais… il devrait y avoir au moins quelques étudiants qui seraient prêts à t’écouter, non ? Et d’ailleurs, je ne veux pas donner l’impression de me vanter ou quoi que ce soit, mais je pense que je suis une assez bonne option pour certains autres événements aussi.

Horikita était l’un des éléments les plus complets de la classe, après tout. Qu’il s’agisse d’un examen écrit ou d’un événement sportif, je n’avais aucun doute que ses résultats allaient être bien supérieurs à la moyenne.

Moi — Les échecs exigent un talent brut. Il y a une limite de temps imposée à l’intervention du chef. Peu importe à quel point Sakayanagi est forte aux échecs, il y a cette contrainte de temps. Dans ce cas, la clé de la victoire serait de prendre l’avantage dès les premiers mouvements.

Si Horikita devait être débordé au début, il allait être extrêmement tendu de revenir dans la partie.

Horikita — Ton insistance pour les échecs n’est pas seulement due au fait que tu connaissais les règles, n’est-ce pas ? Tu as prédit que cet événement allait être choisi par la classe A.

Moi — J’en suis presque certain. Ne trouves-tu pas étrange que les échecs soient le seul événement où le chef a autant d’influence ?

Horikita — C’est vrai. Moi aussi je trouvais ça étrange… D’accord, on va faire comme tu as dit.

Heureux qu’elle ait accepté ma demande. Je me remis donc à manger.

Horikita — Et donc, comment on va s’y prendre pour s’entraîner ?

Moi — Ce ne sera pas forcément le plus simple pour toi, mais je pensais à des sessions tard le soir via internet.

Horikita — Non, c’est bien vu. Comme ça, on n’attirera pas l’attention.

Un autre avantage était que, en procédant de cette manière, cela ne privait pas de s’entraîner pour autre chose.

11

J’avais espéré que la discussion se terminerait ici, mais les choses se passaient rarement comme on le souhaite.

Horikita — J’ai une faveur à te demander, Ayanokôji-kun. Tu as bien mangé ma nourriture, après tout.

Moi — Tu ne trouves pas ça lâche de faire toujours le même tour ?

Nous étions à peu près à la moitié de notre repas quand le diable refit surface. Il semblait donc qu’elle me réservait plus que le simple carnet de notes de tout à l’heure.

Horikita — Lâche ? Cet adjectif te décrit mieux, à mon avis.

Moi — De quoi tu parles ?

Horikita — Lors du vote de classe, c’est toi qui as tout manigancé, non ?

Moi — Attends. Je n’ai pas…

Horikita — Mon frère m’a aidé, certes, et je pense qu’il était sincère. Mais c’est toi qui étais derrière tout ça.

Il ne semblait pas qu’elle faisait juste une supposition au hasard. Cela étant dit, il était également peu probable que Manabu ait vendu la mêche.

Horikita — Je ne l’ai pas remarqué au début, mais j’ai recollé les morceaux après avoir bien réfléchi.

En d’autres termes, elle était parvenue à cette conclusion toute seule.

Horikita — Tu as prédit comment j’allais agir à chaque étape.

Moi — Même si je le niais, je ne pense pas que tu me croirais.

Horikita — C’est exact. Bien sûr, je n’ai pas de preuve concluante. Même si je demandais à mon frère, il ne dirait rien qui puisse laisser supposer ton implication de toute façon. Mais à ce stade, j’en suis presque certaine.

Peu à peu, Horikita avait mûri au cours de l’année écoulée. C’est un fait sur lequel son frère et moi étions tous deux d’accord. Cependant, le talent de Horikita n’avait vraiment commencé à se manifester que lorsque la discorde avec son frère s’était atténuée.

Comme son grand frère la connaissait depuis bien plus longtemps que moi, il devait être bien conscient de l’importance du potentiel d’Horikita. C’est sans doute la raison pour laquelle il était si mécontent qu’elle essaie toujours de le copier.

Horikita — Tu as l’air très mal à l’aise.

Moi — C’est parce que j’ai l’impression d’être en plein interrogatoire.

Horikita — Oublie ça alors. Ton attitude montre clairement que je n’obtiendrai rien de toi.

Sur ce, elle coupa court à la conversation. Il semblait qu’il allait être plus difficile de manipuler Horikita en coulisses à partir de maintenant.

Horikita — J’ai encore une chose à te demander, mais tu es libre de répondre ou non.

Son regard puissant semblait m’attirer, ne voulant pas me laisser m’échapper.

Horikita — Penses-tu qu’on a vraiment une chance contre Sakayanagisan ?

Moi — Je ne pense pas que ce soit impossible. C’est l’impression que j’ai après avoir vu tes notes.

Horikita — …Très bien. Je vais faire de mon mieux pour que la classe soit à l’endroit où elle doit être.

Moi — Tu t’es bien débrouillée jusqu’à présent.

En l’absence de Hirata, presque tous nos camarades de classe avaient suivi les instructions de Horikita. Elle était tout à fait prête à prendre la tête de la classe et à ouvrir la voie de la victoire. Honnêtement, je voulais la remercier d’avoir pris l’initiative et d’avoir fait les choses que je n’étais pas capable de faire moi-même.

Moi — Je te laisse le reste. Je suis tout à fait prêt à suivre ton jugement.

Horikita — Je comprends. Mais quand même, ne serait-il pas préférable que tu aies le dernier mot sur les règles, en tant que chef ?

Moi — Tu peux t’en occuper aussi !

Horikita — Donc tu vas te fier à 100% aux informations que j’ai préparées ?

Moi — Je ne sais pas vraiment grand-chose sur notre classe de toute façon.

Horikita — Bon sang… Si tu penses pouvoir battre la classe A avec ça, t’es juste naïf.

Moi — Peut-être.

Nous marchions tous les deux jusqu’à la porte d’entrée et je sortis de sa chambre.

Moi — Alors je te remercie pour le repas. Mais… N’utilise plus une telle méthode, la prochaine fois.

J’allais être parano dès qu’on allait m’offrir à manger maintenant.

Horikita — D’accord, je vais trouver autre chose.

Non, ce n’est pas ce que je voulais dire.

12

Quelques jours avant notre confrontation avec la classe A, Keisei avait finalement réussi à entrer en contact avec Katsuragi.

Peu de temps après, Keisei me contacta et me donna rendez-vous dans un endroit discret.

À ce stade, Katsuragi était pratiquement isolé du reste de sa classe et était souvent laissé tout seul, il était donc probablement facile d’entrer en contact avec lui.

Katsuragi — …Alors, que puis-je faire pour toi, Yukimura ?

L’homme qui nourrit un ressentiment implacable pour Sakayanagi fixa Keisei d’un regard pointu.

Yukimura — Katsuragi, j’espère que tu pourras nous aider.

Katsuragi — Vu les circonstances actuelles, je peux déjà deviner de quoi tu es venu me parler.

À première vue, Katsuragi avait déjà une idée de ce que Keisei essayait de proposer.

Yukimura — Alors cela nous simplifie les choses. J’espérais que tu nous dise quels événements la classe A prévoyait de choisir. Et, si possible, les participants correspondants.

Keisei avait ajouté une autre demande qu’il n’avait pas mentionnée à Horikita et à moi.

Katsuragi — Et qu’est-ce que j’obtiendrai en retour ?

Yukimura — On t’accueillera dans notre classe.

Katsuragi — C’est une proposition amusante. Vous voulez que je trahisse la classe A pour la classe C ?

Katsuragi ricana à la suggestion de Keisei.

Yukimura — Nous serons la classe A un jour. Nous en avons le potentiel.

Keisei s’exprima à nouveau, soulignant qu’il pourrait effectuer le transfert une fois que nous aurions atteint la classe A. Mais, pour Katsuragi, les mots de Keisei ne ressemblaient probablement à rien d’autre qu’à des promesses délirantes.

Katsuragi — Vous vous élèverez en classe A un jour ? Toutes les autres classes ne disent-elles pas la même chose ?

Yukimura — C’est…

Katsuragi — Si vous avez vraiment du potentiel, ne pouvez-vous pas simplement battre la classe A sans faire quelque chose de sournois comme ça ? La raison pour laquelle vous essayez de m’utiliser n’estelle pas que justement vous ne pouvez pas faire autrement ?

Keisei se tut devant le ton irréfutable et méprisant de Katsuragi.

Katsuragi — Bon, peu importe. Disons que vous pouvez vraiment vous élever au niveau de la classe A. Tu veux dire que vous pouvez me fournir 20 millions de points dès maintenant en échange de l’information ? Je suppose que c’est impossible, n’est-ce pas ? Si vous en aviez autant, vous l’auriez probablement utilisé pour empêcher l’expulsion de Yamauchi.

Bien sûr, Katsuragi était bien conscient que nous n’avions pas un nombre aussi important de points.

Yukimura — C’est…

Katsuragi — Ne me dis pas que tu me demandes d’attendre deux ans pour que vous prépariez les points ?

Yukimura — …Eh bien, oui.

Katsuragi — C’est de la fantaisie là. Même si vous devenez la classe A, il n’y a aucune garantie que vous pourriez économiser jusqu’à 20 millions de points d’ici là. Nous pourrions signer un contrat, mais il serait inutile si vous n’avez pas assez de points le moment venu. Non, est-ce même une offre sur laquelle tout le monde de la classe C s’est mis d’accord au départ ?

Katsuragi n’était pas idiot. Il avait probablement une bonne compréhension de la situation actuelle de la classe C. Si cette offre avait été acceptée par tous les membres de la classe C, la personne qui serait venue pour les négociations aurait été Horikita. Comme c’était Keisei et moi qui lui avions tendu la main, il devait être évident que cette offre était encore confidentielle.

Katsuragi — Je peux comprendre que vous soyez désespéré, mais vous n’êtes même pas venus prêts pour négocier. Aviez-vous l’intention de le dire au reste de votre classe après que j’ai accepté de coopérer ? Vous pensiez vraiment que j’allais accepter quelque chose comme ça ?

Trahir ses camarades de classe n’était pas une chose facile à faire. D’autant plus pour un homme qui avait un grand sens du devoir comme Katsuragi.

Yukimura —…Es-tu… Es-tu vraiment d’accord pour être réduit au silence par Sakayanagi alors ?

Katsuragi — Quoi ?

Yukimura — Tu veux vraiment t’accrocher à cette classe A même si Totsuka a été expulsé ?

Comprenant que Katsuragi n’allait pas se laisser convaincre par son offre, Keisei s’avança, pleinement résolu à jouer sa dernière carte.

Yukimura — Si j’étais toi, j’oserais même pas me rendre à la remise des diplômes, je serais trop embarassé.

Katsuragi — Je rêve ou tu fais du chantage à l’émotion là ? Je te donne zéro point pour une telle stratégie, Yukimura.

Yukimura — Merde !

Comme j’étais présent aux côtés de Yukimura, Katsuragi dirigea alors son attention vers moi.

Katsuragi — Et toi, tu as quelque chose à ajouter, Ayanokôji  ?

Moi — Non, tu as tout à fait raison. Il n’y a plus rien à dire.

En me voyant hisser le drapeau blanc de la reddition, Katsuragi se recentra sur Keisei.

Katsuragi — Yukimura, tu as eu raison d’essayer. Qui ne tente rien n’a rien. Mais si tu veux vraiment négocier dans la vie, il faut proposer une monnaie d’échange convaincante.

Le dos contre le mur, Katsuragi regardait au loin.

 

 

Plutôt que de regarder quelque chose, c’était plutôt comme s’il avait les yeux dans le vide.

Katsuragi — Ceci dit, tu as raison sur une chose.

Yukimura — …Une chose ?

Malgré le fait que Keisei avait déjà abandonné, ses oreilles s’ouvrirent d’un coup aux paroles de Katsuragi.

Katsuragi — Je nourris une haine immense et inébranlable pour Sakayanagi. Pour moi, c’est une raison plus que suffisante pour faire quelque chose, même si vous n’avez rien à me donner en retour.

Les bras croisés devant lui, Katsuragi fixa à nouveau son regard sur Keisei.

Katsuragi — Comme vous l’avez peut-être déjà deviné, Sakayanagi n’a dit à personne quels événements elle comptait choisir.

Comme prévu, Sakayanagi semblait garder ses plans pour elle.

Katsuragi — Et ça ne me réjouit pas non plus. Dans un examen comme celui-ci, où toute la classe doit coopérer en tant qu’unité, ce n’est tout simplement pas comme ça qu’elle doit faire les choses. En général, on s’attendrait à ce qu’elle partage des informations avec ses pairs et adopte une stratégie qui assurerait notre victoire.

Ne communiquer à personne quels événements on allait choisir posait l’avantage évident de la confidentialité : on est sûr que rien ne va fuiter à d’autres classes.  Le hic étant que ça empêchait de s’entraîner efficacement, en obligeant ses camarades à se préparer pour les 10 épreuves.

Katsuragi — SI vous êtes d’accord, je peux vous partager mes hypothèses.

Yukimura — Vraiment ?!

Au moment où Keisei était sur le point de renoncer complètement à persuader Katsuragi, la discussion prit une autre tournure.

Le ressentiment de Katsuragi envers Sakayanagi devait vraiment être profond.

Katsuragi — Tant que tu peux me promettre que tout ce que je dis reste entre nous…

Yukimura — Bien sûr. Je t’apporterai même les vingt millions de points avec Horikita et le reste de ma classe plus tard.

Keisei acquiesça, apparemment sous l’impression qu’il avait réussi à conclure un accord avec Katsuragi.

Katsuragi — Cela ne sera pas nécessaire. Même si les informations que je vous donne s’avèrent utiles, elles ne vaudront probablement pas vingt millions de points.

Yukimura — Alors, que veux-tu en retour ?

Katsuragi — Rien. Je vous demande juste de vaincre Sakayanagi.

C’est alors que Katsuragi commença à parler.

Katsuragi — Sur les dix épreuves, les trois dont je suis le plus certain sont les échecs, le test d’anglais et le test de mathématiques. Après, il y aurait probablement le test de littérature moderne et le test de calcul mental. À l’inverse, les épreuves qui nécessitent un grand nombre de participants, comme la balle au prisonnier et le saut à la corde, sont pour moi des fausses pistes. Notre classe ne semble pas s’entraîner pour elles en tout cas, pour autant que je sache.

Nous n’allions pas pouvoir attester de la véracité des prédictions de Katsuragi avant le jour même de l’examen. Enfin, on ne prenait pas trop de risque non plus en s’y fiant.

Yukimura — T’es vraiment d’accord avec ça ?  De ne rien recevoir en retour ?

Katsuragi — Comme je l’ai dit plus tôt, même si vous n’avez rien à me donner, j’ai quand même plus qu’assez de raisons pour agir.

La tournure était inattendue, c’était peu dire. Keisei avait en effet mis la main sur des informations qu’il ne pensait pas pouvoir obtenir. Il n’était donc guère étonnant qu’il soit empli de joie juste ensuite.

Yukimura — On l’a fait Kiyotaka ! Maintenant, nous avons enfin une chance de gagner !

Keisei prit une pose triomphante avec enthousiasme.

Katsuragi — Et tu ne voulais pas de mon pronostic sur les participants aussi ?

Yukimura — Hein ? Ah, non. Tu n’as pas à…

Katsuragi — Hah… Vous avez fait tout ce chemin pour négocier, et pourtant tu vas te contenter de cette information ?

Katsuragi laissa échapper un léger gloussement, semblant avoir trouvé amusante la réaction de panique de Keisei.

Yukimura — Ce n’est pas. C’est juste que…

Katsuragi — Ne crois pas que vous avez une chance contre Sakayanagi juste avec cette maigre information que je vous ai donnée. Même en connaissant les participants, ce serait tout juste assez pour vous défendre.  Cependant, le seul événement pour lequel je pourrais vous aider est le calcul mental ou, s’il parvient d’une manière ou d’une autre à être  choisi, le saut à la corde.

Après avoir écouté Katsuragi parler, je décidai de lui poser une question.

Moi — Seras-tu même autorisé à participer alors que Sakayanagi se méfie clairement de toi ? Il est vrai que si le saut à la corde est choisi comme épreuve, tu devras peut-être y participer plus d’une fois. Mais, étant donné que seules une ou deux personnes peuvent influencer le résultat de l’événement de calcul mental, qu’est-ce qui te fait penser qu’elle te choisirait?

Katsuragi — C’est parce que les seuls élèves de la classe A qui s’y connaissent sont moi et une autre personne nommée Tamiya. Mais je suis bien meilleur, donc je ne crois pas que Sakayanagi va s’assoir làdessus. Puis elle pense sûrement m’avoir coupé les griffes en faisant expulser Yahiko, pour faire de moi un de ses pions. Donc j’ai de grandes chances de participer.

L’idée d’utiliser Katsuragi, une force qui l’avait défiée, comme un vulgaire pion était probablement une idée très séduisante de Sakayanagi.

Ensuite, Katsuragi avait fait part de son plan pour nous aider. S’il devait être choisi pour le calcul mental, l’idée était de se tromper délibérément de réponse et, dans le cas du saut à la corde, de se prendre les pieds dans la corde très tôt.

Katsuragi — Cela étant dit, j’aimerais éviter que Sakayanagi ne se rende compte que c’est volontaire. Autant pour le saut à la corde je peux simuler une erreur, autant pour le calcul mental je ne pourrai pas faire d’erreur trop grossière, sur des questions faciles par exemple.

Il semblait donc que nous pouvions un peu réduire l’écart ainsi, mais de toute évidence nous ne pouvions pas gagner avec une grosse marge.

Katsuragi — Et cela va sans dire que si je ne suis pas choisi, vous devrez oublier notre stratégie.

Quoi qu’il en soit, nous avions reçu des informations inédites et nous n’avions donc aucune raison d’être mécontents.

Après le départ de Katsuragi, Keisei commença à parler, la voix emplie d’excitation.

Yukimura — Parlons-en à Horikita, dès que possible.

Moi — Non… On ne devrait pas lui dire qu’on a contacté Katsuragi.

Yukimura — Pourquoi pas ?

Moi — On a eu un coup de chance, dans les faits. Elle ne sera pas contente de nous si elle découvre que nous avons fait ça sans lui en parler.

Yukimura — Mais, ne devrions-nous pas utiliser ces informations d’une manière ou d’une autre ?

Moi — Je trouverai le bon moment pour lui dire. Je m’assurerai ainsi que nous n’aurons pas d’ennui.

Keisei semblait un peu inquiet au début, mais il a fini par accepter.

C’était probablement parce que, quelque part, il se sentait coupable d’avoir rencontré Katsuragi en secret.

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