8H40. Le bateau de croisière s’arrêta lentement près du quai.
L’examen spécial sur l’île inhabitée était sur le point de commencer. Avec un total de 157 groupes participant, les tailles des groupes allaient d’un à quatre membres. Il y avait 36 groupes de quatre personnes, 81 groupes de trois personnes, 32 groupes de deux personnes et huit groupes solo.
À la fin, cinq groupes allaient être expulsés. La tension commença à monter alors que mes camarades de classe se rassemblaient. Une fois tout le monde présent, nous nous dirigeâmes vers la passerelle. Comme on ne nous avait pas demandé de former une ligne ordonnée, l’école semblait nous autoriser tacitement à discuter entre nous en attendant de nouvelles instructions tant que nous restions groupés par classe.
La zone de départ pour tous les groupes était la zone D9. Comme il n’y allait pas avoir de zone désignée au hasard le premier et le dernier jour, la zone suivante était située à deux cellules latéralement ou à une cellule en diagonale d’ici, soit un total de 12 possibilités.
Cependant, la zone D11 située deux cellules au Sud, n’existait pas, donc il n’y avait en réalité que 11 destinations possibles. Cette première journée pouvait être considérée comme une occasion de nous familiariser avec un nouvel environnement.
Après une brève annonce, nous attendîmes notre tour pour débarquer, sacs et sacs à dos en main après les avoir reçus. Concernant le matériel, j’avais opté pour une tente, deux litres d’eau, trois bouteilles d’eau de 500 ml, 12 repas portables, une lampe de poche, un chargeur de batterie portable, un pot, un briquet et un jeu de 12 gobelets en papier, pour un total cumulé de 4960 points. Au total, il restait encore beaucoup d’espace libre dans mon sac à dos, même après avoir ajouté tous les articles essentiels gratuits.
Ainsi, même si je gagnais plus tard des provisions supplémentaires en réussissant des tâches, je n’allais pas avoir à m’inquiéter de la place nécessaire pour leur transport.
Selon l’annonce, nous débarquerions dans le même ordre que les séances d’information de la veille, avec les élèves de seconde qui descendaient les premiers. Il semblait que ces derniers allaient finir de débarquer vers 9h00, heure à laquelle la première zone à atteindre devait être annoncée. Il était logique de penser que cela avait été fait pour leur donner un léger avantage par rapport aux autres années scolaires mais c’était le seul.
Qui plus est, la classe A était également la première à débarquer sur l’île, ce qui désavantageait clairement la classe D. La différence n’était que de 15 à 30 minutes environ, mais compte tenu de notre temps de voyage limité, cela représentait un retard assez important.
— Bonjour. Tu as passé une bonne nuit ?
Tandis que j’attendais, je fus approché dans mon dos par Horikita, qui portait son propre sac à dos.
Moi — Eh bien, plus ou moins. Et toi ? Tu ne te sens pas malade ?
Horikita — Je vois que tu continues à me traiter avec condescendance à cause de ce qui s’est passé l’année dernière.
Moi — Je ne suis pas condescendant. Je me moquais, c’est tout.
Elle me regarda avec une expression d’agacement, me disant sans mot dire qu’il n’y avait aucune différence.
Horikita — Tu sembles te réjouir alors qu’un examen spécial aussi sérieux est sur le point de commencer.
Moi — Inutile de s’énerver. Ce n’est qu’un gaspillage d’énergie. D’ailleurs, as-tu entendu parler du garçon de Terminale qui est tombé malade ?
Horikita — Oui, j’en ai entendu parler. Je suis juste content que ça ne soit pas arrivé à un de nos camarades de classe.
Ceux qui tombaient malades avant le début de l’examen étaient disqualifiés avant même d’avoir pu mettre un pied sur l’île. Dans ce cas, l’élève de Terminale allait rester au cabinet du médecin ou à l’infirmerie jusqu’à ce que sa santé s’améliore. Et même après guérison, il devra rester à bord du bateau, ne pouvant qu’espérer que son groupe s’en sorte.
Heureusement, il faisait partie d’un groupe de trois, et le fait qu’il ait évité l’expulsion dès le premier jour était un point positif car cela l’avait sauvé d’une situation terrible. Tandis que, pour les élèves des autres années scolaires, voir l’une des places du bas de classement potentiellement attribuée aussi tôt était probablement une bonne nouvelle. Les 2nde avaient presque terminé de débarquer et cela allait être bientôt au tour des 1ère de quitter le bateau. L’horloge sonna à 9h00 et, avec elle, ma montre afficha la première notification de l’examen. Pratiquement tous les élèves sortirent simultanément leur tablette et commencèrent à lire les détails, moi y compris. En effet, reporter cela après descente du bateau aurait été une perte de temps. La première zone vers laquelle je devais me diriger était… D7. Juste deux cases au Nord de la zone de départ. J’inclinai ainsi l’écran de ma tablette en direction de Horikita, lui demandant de m’indiquer sa zone.
Horikita — La mienne est F9. Nous n’avons pas la même route.
Moi — On dirait bien.
Comme nous partions tous du même endroit, il était possible que nos zones se chevauchent légèrement même sans avoir la même route. Mais, en l’espèce avec Horkita, il semblait que nous allions tous les deux dans deux directions complètement différentes. Il y avait au total 12 routes. Comme les 12 zones à atteindre devaient obligatoirement changer à chaque transition, nous étions en compétition avec les 13 mêmes groupes tout l’examen. Toutefois, on pouvait s’attendre à ce que les différentes routes se croisent régulièrement. De plus, il était préférable d’éviter de se faire surprendre par les zones désignées.
Horikita — Je ne serai pas là pour te surveiller. Alors, essaye au moins d’obtenir un classement honorable.
Moi — J’aimerais bien, mais ce serait assez drôle si j’étais le seul expulsé de la classe.
Répondis-je en remettant ma tablette dans mon sac à dos.
Horikita — Ce… serait gênant.
Qu’elle dise qu’elle serait troublée sans moi était un peu choquant.
Horikita — Je t’ai prêté des points l’autre jour. Je serai très en colère de ne pas pouvoir les récupérer.
Moi — C’est pour ça que tu t’inquiètes ?
Elle pencha la tête sur le côté en signe d’étonnement, pour signifier qu’elle ne voyait aucune autre raison qu’elle pourrait avoir de s’inquiéter.
Horikita — Je sais qu’il y a ce contrat avec Kushida, donc je ne peux pas te reprocher tes problèmes d’argent, mais sois un homme pour une fois et règle le problème.
Moi — Ça fait presque mal à entendre.
Si je devais faire face à une dépense inévitable et imprévue, je ne serais pas en mesure de réunir rapidement des points. Je n’avais même pas réussi à réunir les fonds nécessaires pour protéger Kei de l’expulsion sans aide.
Moi — Tu ferais mieux de ne pas te surmener, Horikita. Cet examen va être rude pour une fille solitaire comme toi. Tu devrais chercher à rejoindre un autre groupe ou trouver une occasion d’amener quelqu’un avec toi dès que possible.
Horikita — Très bien, merci pour tes précieux conseils.
Elle avait l’air un peu méfiante, mais pas si inquiète que ça. Elle avait énormément progressé depuis un an, ce qui lui permettait de mieux connaître ses limites.
Horikita — D’ailleurs les conditions de fusion des groupes sont strictes alors nous devons faire attention.
Moi — Effectivement au vu de la moyenne des points.
Plus la fusion avec un autre groupe était tardive, plus la moyenne des points risquait de poser problème. Cependant, en créant un groupe de taille maximale dès le début, on en récolterait les fruits jusqu’à la fin de l’examen. Gagner six points rien que pour atteindre une zone était énorme, et même sept points avec la bonne carte spéciale. La différence était énorme si l’on comparait cette situation à celle des groupes d’une personne qui devaient se battre pour chaque point.
Les élèves de 2nde se mirent en route dès la descente du bateau. Et puisqu’il n’y avait pas encore de tâche à accomplir, les 1ère et les terminale firent de même, choisissant de se diriger vers leur première zone à atteindre une fois descendus.
Lorsque je mis enfin pied à terre, je décidai de prendre du recul et d’examiner l’évolution de la situation au lieu de me précipiter vers ma destination. Je devais réserver environ une heure à une heure et demie pour le voyage, mais il ne devrait pas y avoir de problème à attendre environ 30 minutes tant que je gardais la notion du temps. Si l’on ne visait pas la prime de rapidité, il n’y avait aucune différence dans le nombre de points engrangés.
Horikita — Les groupes de 1ère n’ont pas l’air de se presser. De toute façon, c’est inutile de se battre pour cette première zone désignée. Même en forçant la cadence pour essayer de rattraper les 2nde, ils ont plus de 10 minutes d’avance. Combler l’écart serait trop épuisant, tu ne penses pas ?
Ayant elle-même quitté le bateau, Horikita s’était de nouveau approchée de moi.
Moi — Vu le handicap, il est normal d’y aller doucement au début.
Comme ils débarquaient juste après la classe de 2nde D, les élèves de 1ère A avaient une petite chance de les rattraper, mais ils n’avaient pas l’air de se démener.
Horikita — De toute façon, il fait vraiment chaud. Je suis contente d’avoir pensé à l’avance à prendre un chapeau. Ça ira pour toi sans rien pour te couvrir la tête ?
Moi — Il ne me reste pas assez de points pour en acheter. Je vais trouver une solution.
Pendant que Horikita et moi bavardions, un jeune homme passa devant nous. Je jetai un bref coup d’œil pour voir son visage souriant. Il donnait l’impression de vouloir profiter au maximum de ces deux semaines éreintantes.
Moi — Kôenji… Tu crois qu’il prendra cet examen au sérieux ?
Horikita — Qui sait… Bien qu’il ait accepté mon pari, on ne peut pas savoir ce qu’il va faire.
Moi — C’est du 50-50.
Kôenji avait promis à Horikita que s’il ne prenait pas la première place à cet examen spécial, il coopérerait pendant le suivant. Mais cette promesse ne reposait sur rien. Il n’y avait aucun caractère obligatoire, ni accord contraignant. Il pouvait très bien ne pas tenir parole. Cependant, Horikita était de plus en plus perçue comme le leader de notre classe. Alors si Kôenji choisissait de manquer à sa parole, il pouvait être assuré qu’aucun de nos camarades ne lèverait le petit doigt pour l’aider en cas de coup dur. Une telle issue ne serait pas souhaitable, même pour quelqu’un comme Kôenji… J’étais très impatient d’assister à sa performance lors de cet examen spécial.
— On fonce les gens ! Je veux être preum’s !
Non loin de nous, un élève solitaire se lança dans un sprint en direction de la plage de sable : Ishizaki de la 1ère B. Il criait fort, mais Nishino, membre de son groupe, était juste derrière lui, sans vraiment faire d’effort pour le poursuivre. Et puis il y avait Tsube, qui les observait tous les deux depuis l’arrière avec un sourire gêné sur le visage.
Ishizaki — Oiii, dépêche-toi Nishino ! Toi aussi Tsube !
Nishino — Il fait super chaud alors demande pas l’impossible ! Je veux dire, on ne peut même plus rattraper les 2nde, pff…
Tsube — Au moins c’est cool de voir Ishizaki motivé non ?
Tsube regarda Nishino avec une expression quelque peu exaspérée alors qu’elle essayait de relativiser. J’avais entendu dire que Nishino était assez isolée du reste de sa classe, mais il semblait que Tsube faisait un effort pour essayer de se rapprocher d’elle.
Tsube — Ne laissez pas tomber ! Les 2nde pourraient être négligents et faire des erreurs. On sait jamais quoi !
Nishino —Tu espères vraiment les rattraper ? Laisse tomber. C’est genre, une totale perte d’énergie.
Ishizaki — Woah woah, allez, on se motive !
Nishino et Tsube contrastaient avec Ishizaki qui semblait déborder d’énergie.
Nishino —Et si tu partais sans nous ?
Ishizaki —On perdrait la prime de rapidité ! En plus… ça serait nul d’être séparés.
Pour l’instant, la seule chose disponible sur la tablette était sa propre position. Même entre membres d’un même groupe, il n’était pas possible de localiser quelqu’un avant le 6ème jour et le déblocage de la fonction GPS. Si on finissait séparé de son groupe, il pouvait être difficile de se retrouver. Semblant ignorer que j’avais observé tout cet échange, Ishizaki céda à contrecœur et retourna auprès de Nishino et Tsube pour suivre leur rythme. Je pouvais comprendre son impatience, mais il n’était pas nécessaire d’être aussi pressé dès le départ.
— Je t’ai trouvée !
Tout à coup, une voix ferme, presque colérique, nous interpella. La propriétaire s’approcha de nous, lançant un regard féroce à Horikita.
Horikita — Qu’est-ce que tu veux ?
Ibuki — Ce que je veux ? Je ne veux rien du tout. Je voulais juste te dire que je ne perdrai pas contre toi !
Ayant terminé, Ibuki tourna les talons et partit vers le Nord toute seule.
Horikita — Mon Dieu… Je me demande si elle comprend bien la difficulté de l’examen….
Moi — Elle semble très motivée. Ça doit être bien d’avoir une rivale.
À ma légère taquinerie, Horikita poussa un profond soupir.
Horikita — Je ne me vois pas comme sa rivale. Enfin, peu importe, elle va au Nord et moi à l’Est, donc il semble que nous ayons des routes différentes aussi.
Si elles avaient été sur la même route, elles se seraient croisées de temps en temps. L’un des rares avantages d’être seul concernait la prime de rapidité car cela ne dépendait que de notre propre capacité à aller vite. Nous n’étions pas limités par les capacités des autres.
Horikita — Eh bien, il est temps pour moi d’y aller.
Horikita s’assura que son chapeau était bien posé sur sa tête et prit la direction de l’Est. Peu de temps après, elle s’arrêta et regarda dans ma direction pour une raison quelconque. Alors que je pensais qu’elle avait peut-être oublié de mentionner quelque chose, elle détourna le regard et repartie. Après avoir vu le départ de beaucoup d’élèves, je réalisai que je n’avais pas encore vu de terminale nous dépasser, alors qu’ils auraient déjà dû commencer à descendre du bateau. Je décidai donc de me retourner pour voir ce qui se passait.
Ce faisant, je vis un bon nombre de terminale marcher dans ma direction. Même de loin, je pouvais dire qu’ils étaient calmes et posés, bien plus que les 2nde ou les 1ère. D’après le planning, la Terminale B venait de finir de débarquer, alors je pris un moment pour essayer d’apercevoir Nagumo. Je ne le trouvai nulle part. Alors que je continuais à le chercher, les élèves de terminale qui marchaient dans ma direction finirent par me rattraper et me dépassèrent.
— Tu es toujours là, Ayanokôji ?
En entendant quelqu’un m’interpeller, je renonçai à ma recherche pour reporter mon attention sur les Terminale à proximité.
Moi — Bonjour, Kiryuuin-senpai. Qu’y a-t-il d’étrange à ça ? J’imagine que de nombreux groupes choisissent d’affiner leur stratégie ici, dans la zone de départ.
Kiryuuin — Mais tu es seul, non ? Tu devrais pouvoir réfléchir tout en marchant.
Ma décision de rester sur l’aire de départ la surprenait. Je savais déjà qu’elle n’était pas une personne ordinaire, Mais elle avait vraiment l’œil pour les détails.
Kiryuuin — Si tu veux savoir quelque chose, je peux t’aider.
Moi — Merci mais ça ira. Après tout, tu es en terminale, donc une concurrente directe.
Après que j’eus poliment décliné son offre, elle ne dit rien de plus, choisissant simplement de me regarder droit dans les yeux.
Kiryuuin — Il y a quelque chose… d’enchanteur à voir tous ces élèves se disperser sur cette île inhabitée. Bien que nous soyons plus de 400, nous ne sommes que des grains de poussière insignifiants en comparaison.
Kiryuuin parlait avec insouciance, observant les différents groupes qui commençaient à se disperser sur l’île. Bien qu’étant en terminale, elle faisait aussi partie de ceux qui avaient choisi de se soumettre à cet examen en solo. Alors que cet examen n’avait rien d’une promenade de santé, elle ne semblait pas plus inquiète que cela. Elle semblait même être impatiente de commencer.
Kiryuuin — Au fait, quelle est ta première zone ?
Moi — D7.
Kiryuuin — Hoh ? On dirait que nous avons la même destination alors. Au moins pour cette première zone.
Kiryuuin me regarda joyeusement, laissant apparaître ses dents éclatantes dans un sourire.
Moi — J’espère que tu iras mollo avec moi dans cet exam.
Kiryuuin — Même chose pour toi. Bon, j’y vais. Tu veux venir avec moi ?
Moi — Non, mais merci de l’offre. Je doute d’être capable de te suivre, senpai.
Kiryuuin —Je suppose que nous découvrirons vite si c’est vrai ou non.
Me laissant sur cette déclaration, Kiryuuin s’éloigna vers la plage de sable toute seule. Je restai dans le coin encore un moment, mais sans jamais apercevoir Nagumo. Ainsi, je me mis en route à mon tour quelques minutes après le départ de Kiryuuin. Pour l’instant, je me dirigeais tranquillement vers ma première zone.
L’une des parties les plus importantes de cet examen consistait à ne pas manquer les points faciles attribués pour l’arrivée dans les zones. On pouvait gagner 5 à 10 points d’un coup en réussissant une tâche ou en obtenant une prime de rapidité. Mais cela nécessitait à la fois des aptitudes physiques, scolaires et de la chance face aux concurrents. Par conséquent, j’étais assez confiant dans le fait que la véritable clef de tout cela se résumait à accumuler des points, étape par étape.
C’est pourquoi, une fois de plus, je sortis ma tablette et ouvris la carte. Dans l’ensemble, la carte se divisait en 100 zones, s’étendant chacune sur 500 mètres verticalement et 700 mètres horizontalement. Pour mon premier déplacement, je devais aller de la zone D9 au bord de la D7. Étant déjà près du centre de la D9, il fallait marcher 750 mètres en ligne droite.
À une allure naturelle d’environ 80 mètres par minute, c’était très facile à parcourir. À ce rythme, sans tenir compte de facteurs externes, je devais pouvoir atteindre la zone en neuf minutes environ. Mais, comme on pouvait l’imaginer, il y avait de fortes chances que le chemin à suivre ne soit ni plat ni droit. Face à une forêt aussi épaisse, je pouvais me heurter à des pentes raides ou à des falaises qui rendraient la progression impossible. Par conséquent, le voyage prendrait probablement plus de temps que le calcul théorique.
Le point culminant de l’île se trouvait à environ 300 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il fallait donc s’attendre à une bonne dose de montée. De plus, au fil du temps, le poids du sac à dos et l’usure progressive de l’endurance me ralentiraient.
Donc, même si tout se passait bien, il valait mieux s’attendre à ce que cela prenne trois fois plus de temps, soit environ 30 minutes. Et si le chemin à parcourir était particulièrement périlleux, cela pouvait facilement prendre plus d’une heure.
À l’exception du premier et du dernier jour, il y avait quatre intervalles d’effort pour la zone à atteindre. Il y avait donc de fortes chances que je me retrouve à emprunter le même chemin plusieurs fois au cours de l’examen. Il allait être probablement utile de garder à l’esprit mes déplacements passés, ainsi que le temps qu’il m’avait fallu pour me déplacer d’un endroit à l’autre.
1
Très vite, le sol plat et régulier laissa place à un dense bosquet d’arbres. Et juste comme ça, je me souvins de l’île de l’examen de l’année dernière en entrant dans la forêt.
Je ne l’avais pas vraiment remarqué l’année dernière parce que je me déplaçais avec mes camarades de classe, mais ce n’était vraiment pas facile de traverser la forêt comme ça. Sans surprise, il était difficile de continuer à avancer en ligne droite et prendre pied sur le sol de la forêt était beaucoup plus ardu que prévu. La présence d’un si grand port semblait indiquer que l’île n’avait pas toujours été inhabitée, mais même ainsi, cela pouvait très bien être quelque chose d’un passé lointain.
De temps en temps, j’apercevais des toiles gigantesques tendues entre les arbres, vraisemblablement tissées par des araignées de plusieurs centimètres. Les élèves qui avaient peur des insectes allaient passer un très bon séjour ! Cela me rappelait l’alerte danger au sujet de la faune qui avait été incluse dans nos manuels.
Il était impossible d’arriver à destination en voyageant en simple ligne droite, mais d’un autre côté, faire un détour faisait perdre tout sens de l’orientation. Sans outil pour s’orienter, il était difficile d’atteindre la zone désignée. La seule raison pour laquelle le voyage n’était pas déjà carrément impossible était la tablette que je tenais en ce moment.
Sur l’île, pouvoir consulter sa position à tout moment était un précieux atout. Tant que l’on se déplaçait GPS en main, le chemin était toujours visible. Bien que, même sans la tablette, la probabilité de se perdre en ce premier intervalle était franchement faible.
Je voyais plusieurs groupes devant moi qui avançaient prudemment. Et comme je pouvais également entendre des voix derrière moi, il semblait raisonnable de penser que tout le monde à proximité prenait le même chemin vers cette première destination.
Ainsi, tant que l’on suivait les élèves devant soi, les risques de blessure ou de tomber sur un essaim d’abeilles ou autre diminuaient en conséquence. Peu de groupes auraient eu le courage de s’aventurer d’emblée dans une forêt inexplorée. Ceux qui avaient renoncé à la prime de rapidité de la première zone avançaient simplement comme s’ils étaient en excursion.
Après un moment, j’aperçus Haruka, Airi et Akito, qui s’étaient arrêtés pour regarder leur tablette. D’après ce que je voyais, ils discutaient en vérifiant leur environnement. En approchant, je les entendis échanger leur point de vue concernant la prochaine zone désignée.
Moi — Vous parlez de ce qu’il faut faire ensuite ?
Dis-je pour me joindre à leur conversation. Les trois hochèrent la tête pour acquiescer d’un seul mouvement.
Hasebe — Notre première zone était D8, donc on a déjà fini, non ?
La limite de la zone D8 se situait peu après avoir mis le pied dans la forêt, donc il semblait qu’ils aient déjà gagné leurs premiers points. Il était inutile de demander combien ils avaient gagné, puisqu’il était quasiment acquis que ce ne serait que le bonus d’arrivée de trois points.
Hasebe — Il fait chaud, et il n’y a pas d’ombre sur la plage, alors nous sommes venus ici pour spéculer sur la prochaine zone.
Dans l’ensemble, il valait mieux essayer de tenir compte de l’endroit où la prochaine zone désignée pouvait apparaître.
Miyake — Quelle zone as-tu, Kiyotaka ?
Moi — D7, une case au Nord d’ici.
Miyake — Ah bon ? Un tas d’élèves sont déjà partis devant, mais bon, un point est un point je suppose.
Sakura — Si nous avions la même route, nous aurions pu voyager ensemble…
Murmurait-elle tranquillement, apparemment déçue.
Même divisés en groupes, cet examen offrait une variété surprenante de façons pour les élèves de travailler ensemble.
Il y avait même plusieurs règles qui facilitaient cela, comme la possibilité de partager la nourriture ou de prêter et de s’emprunter des équipements les uns aux autres. De plus, si deux groupes avaient la même route, ils avaient la même destination. Il leur était donc facile de rester ensemble. Bien sûr, il y avait aussi des inconvénients à cela. Plus il y avait de groupes travaillant ensemble, plus il allait falloir se coordonner pour trouver un rythme commun.
Or, chaque groupe avait ses propres opinions et objectifs, ce qui conduisait inévitablement à une concurrence accrue pour la participation aux tâches. Cela pouvait facilement devenir une source majeure de conflit si les groupes n’élaboraient pas une sorte de plan d’urgence au cas où il ne resterait plus qu’une place pour participer à une tâche. Dans ce cas précis, on pouvait dire que nous avions eu de la chance de ne pas avoir la même route. Il était absolument essentiel que j’évite de travailler avec des personnes susceptibles de me ralentir, ce qui m’évita d’avoir à refuser.
Moi — Il y a douze routes, donc les chances étaient faibles. En tout cas, pour l’instant, je pense que je devrais me rendre à ma zone le plus tôt possible.
Hasebe — Ouais. On doit se déplacer vers notre prochaine zone bientôt de toute façon, alors vas-y.
Sakura — Ça craint un peu mais j’espère que nous pourrons nous retrouver quelque part quand nous aurons plus de temps.
Haruka me dit au revoir et Airi me salua après elle. Sur ce, je leur tournai le dos à tous les trois et continuai mon voyage vers la zone D7. Après environ 30 minutes de marche, j’arrivai finalement à la première zone, ce qui fit sonner ma montre à plusieurs reprises.
Je jetai un coup d’œil à la notification sur ma montre qui indiquait que j’avais reçu un bonus d’arrivée d’un point. Je remarquai également que j’avais la possibilité de régler le volume de la notification, mais je choisis de ne pas y toucher pour le moment. Pour m’assurer que tout fonctionnait correctement, je sortis ma tablette et trouvai un enregistrement correspondant à la prime dans l’historique des transactions de points.
Comme chaque zone ne semblait pas très grande sur la carte, on avait l’impression de toujours rencontrer d’autres élèves. Mais une fois sur l’île, l’impression était tout autre. Même s’il y avait d’autres élèves autour de nous, il était difficile de les apercevoir à cause des arbres. Même si je ne voyais personne pour le moment, j’étais presque certain qu’un bon nombre d’élèves se trouvait quelque part dans le coin. Dans ce cas, ils s’étaient probablement enfoncés plus profondément, choisissant de se rapprocher du centre de la zone pour pouvoir se diriger plus facilement vers la prochaine zone et recueillir des informations.
Je cherchai une clairière dans la forêt avec cette hypothèse à l’esprit, et peu de temps après, mon champ de vision s’ouvrit soudainement. En effet, un grand nombre d’élèves s’était rassemblé au même endroit. La route vers la prochaine zone à atteindre était une course entre élèves de toutes les années. Il était donc compréhensible qu’ils cherchent à augmenter leurs chances de gagner, ne serait-ce que légèrement. De plus, le seul moyen de savoir qui avait la même route que nous était de venir jeter un coup d’œil.
En procédant ainsi plusieurs fois, on pouvait avoir une idée de ses rivaux directs. Je fis un rapide comptage, pour un total de 29 personnes, moi y compris. Pour autant que je puisse en juger, je pouvais supposer qu’il y avait d’autres élèves ailleurs dans la zone.
— Bonjour, Ayanokôji-senpai.
Alors que je prenais note des noms et visages de toutes les personnes présentes, une élève remarqua ma présence et s’approcha en me saluant : Tsubasa Nanase de la 2nde D. Les autres membres de son groupe, Amasawa et Hôsen, n’étaient visibles nulle part, ce qui me poussa à me demander s’ils étaient en train d’explorer les environs ou s’ils avaient mis au point une stratégie quelconque et avaient déjà quitté les alentours.
Moi — Qu’est-il arrivé aux deux autres ? Les groupes ne sont-ils pas censés rester ensemble la plupart du temps ? Il me semble que c’est mieux de faire comme ça, surtout au début.
J’avançai la question, intéressé de voir comment elle allait répondre.
Nanase — Ils ont dit qu’ils allaient faire des repérages dans la zone et ensuite nous nous sommes séparés. Alors j’ai décidé de venir vérifier combien d’autres groupes étaient ici.
Apparemment, elle avait choisi de faire la même chose que moi. Comme j’étais arrivé en retard, elle avait probablement une meilleure connaissance de la concurrence que moi. Il y avait encore beaucoup de choses que je ne savais pas sur Nanase. Pour l’instant, je sentais que je n’allais rien gagner à rester ici plus que nécessaire.
Moi — Je pense que je vais partir. Ça ne peut pas faire de mal de jeter un coup d’œil aux alentours.
Nanase — En effet. Tu es seul, alors fais preuve de diligence. Au revoir.
Elle me libéra et se dirigea vers un groupe de 2nde. Je partis après ce bref échange avec Nanase. Après avoir marché un peu, je trouvai un endroit où m’asseoir, posai mon sac à dos et sortis ma tablette. Je voulais éviter de gaspiller de l’énergie si possible. Au total, il m’avait fallu environ 50 minutes pour atteindre la zone désignée. Comme il y avait une pause, la prochaine zone était annoncée dans un peu plus de 3 heures. Les tâches, quant à elles, allaient commencer à apparaître très bientôt.
Je regardai patiemment l’horloge, attendant jusqu’à ce qu’il soit 10 heures du matin. Puis, je commençai rapidement à passer au peigne fin les emplacements, les détails et les récompenses des différentes tâches qui apparaissaient sur la carte. Je devais décider si j’allais attendre la désignation de la prochaine zone ou essayer d’accomplir une tâche en fonction de ce qui serait disponible. Il y avait un total de 14 tâches différentes. L’une d’entre elles était apparue dans le coin supérieur gauche de la zone D7, zone dans laquelle je me trouvais actuellement. C’était de loin la plus proche. Je pouvais voir plusieurs élèves dans mon champ de vision se diriger immédiatement vers le Nord-Ouest, avec probablement l’intention de vérifier les détails de la tâche en marchant.
La tâche en question s’appelait Allumer un feu. Cinq points étaient attribués au premier groupe qui réussissait à allumer un feu à l’aide d’un outil spécialement fourni. Aucune récompense n’était prévue pour les places suivantes. Une autre tâche, un peu plus éloignée, était apparue dans la partie centrale de la zone E7 : Test d’anglais. La participation était limitée à deux personnes par groupe, la première place recevant 5 points, la deuxième 3 points et la troisième 1 point.
Plus d’élèves semblaient se diriger vers cette tâche que vers l’allumage du feu. Allumer un feu n’allait pas être facile, surtout pour ceux qui ne l’avaient jamais fait auparavant. Il était plus logique de se diriger vers une tâche familière que de sauter dans l’inconnu.
Il y avait également un test de géographie dans la zone D8, mais seul un groupe avait pris cette direction. La principale raison de la différence de succès entre cette tâche et le test d’anglais pouvait être la zone dans laquelle elle était apparue, la zone D8 comptant un grand nombre d’élèves avec une autre route. Et même si elle n’était située qu’à une seule case au Sud, il fallait quand même du temps pour s’y rendre. Il était peu probable d’arriver à temps. Bien que le délai d’inscription soit de 60 minutes, la capacité maximale de participation allait être atteinte bien avant à cause des groupes plus près.
Se diriger vers la tâche dans la zone C6 était encore une autre option, bien que la plus éloignée de celles que j’avais envisagées jusqu’à présent. Elle s’appelait Mesure de la force de préhension et semblait être divisée en fonction du sexe. De plus, elle avait un délai d’inscription plus long, de 120 minutes. Cela semblait être une option tout à fait raisonnable, mais je devais garder à l’esprit que ceux qui n’avaient pas pu s’inscrire à la tâche d’allumage du feu choisiraient probablement de s’y rendre à la place. De plus, si la prochaine zone désignée tombait à l’Est, j’allais être obligé de parcourir une distance considérable depuis C6 pour m’y rendre.
En parlant de distance, la plus éloignée des 14 tâches se trouvait dans la zone G3, une tâche appelée Culture G. Il s’agissait d’une tâche de grande valeur à laquelle une personne de chaque groupe pouvait participer, la première place étant récompensée par 10 points. Même si le délai d’inscription était de 180 minutes, il y avait toujours une chance de ne pas arriver à temps. De plus, en allant en G3, il y avait une forte probabilité de rater l’heure limite pour la prochaine zone désignée, on ne pouvait entreprendre le voyage sans que cela soit mûrement réfléchi. Cependant, si tout se passait bien, on pouvait gagner sans effort 10 points avec cette seule tâche.
Quel examen intéressant. Dans un sens, nous étions libres de choisir l’option que nous voulions.
Il restait trois bonnes heures avant que la prochaine zone à atteindre ne soit annoncée. Je me levai de mon siège, ayant finalement décidé de me diriger vers la tâche de mesure de la force de préhension en zone C6. Les élèves qui étaient allés voir s’ils pouvaient participer à l’épreuve de l’allumage de feu allaient inévitablement perdre du temps, c’était donc l’occasion de les devancer.
Tout en marchant, je commençai à regarder attentivement chacune des tâches auxquelles je ne prévoyais pas de participer, dans le but de mémoriser tout ce qui concernait les différents emplacements et types de tâches pouvant apparaître.
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— Yoo~hoo~ Ayanokôji-kun !
J’arrivai sur le site de la tâche C6 après environ 40 minutes de marche, pour y trouver le professeur principal de la 1ère C, Mlle. Hoshinomiya, qui s’abritait dans une tente pour échapper à la chaleur torride du soleil. En outre, près de 20 élèves toutes années confondues étaient visibles dans les environs.
Mlle. Hoshinomiya — Tu as fait tout le chemin jusqu’ici, mais malheureusement, les inscriptions sont closes depuis cinq minutes.
Hormis Mlle. Hoshinomiya, un deuxième adulte que je n’avais jamais vu auparavant était en train d’expliquer la tâche aux élèves.
Moi — On dirait bien.
Dans ce cas, je n’avais aucune raison de rester ici plus longtemps. J’essayai de partir, voulant m’éloigner de Mlle. Hoshinomiya aussi vite que possible, mais elle m’attrapa par le bras juste au moment où je me tournais pour m’en aller.
Mlle. Hoshinomiya — Oh, ne sois pas si pressé ! N’hésite pas à t’asseoir et à regarder pendant un moment.
Moi — Vous ne pensez pas que c’est mal de la part d’un professeur d’accaparer ainsi un élève juste pour ses caprices personnels ?
Mlle. Hoshinomiya — N’exagère pas ! Tu auras encore le temps après ça.
En tant que professeur, elle devrait être consciente que pour cet examen, une fraction de seconde de perdue pouvait très bien faire la différence entre victoire et défaite, mais elle ne semblait toujours pas avoir l’intention de me laisser partir.
Moi — Ma dernière zone désignée était D7, il est donc fort possible que la prochaine soit ici, dans la zone C6. Si c’était le cas, compteriez-vous compenser le fait de me faire perdre la prime de rapidité ?
À ce moment, Mlle. Hoshinomiya s’empressa de me lâcher le bras et fit quelques pas en arrière pour prendre ses distances.
Mlle. Hoshinomiya — C’est cruel ! Ne sois pas comme ça Ayanokôji-kun, c’est mal de se moquer ainsi. Je voulais juste discuter un peu, c’est tout. Je me sens assez seule ces derniers temps, alors pourquoi ne pas t’asseoir et m’écouter ?
Bien qu’elle ait lâché mon bras, elle n’avait pas l’air de vouloir mettre fin à notre conversation. Je décidai à contrecœur de lui tenir compagnie et de l’écouter, au moins pour un petit moment.
Mlle. Hoshinomiya — Ça fait depuis l’examen de fin de trimestre, non ?
La dernière fois que nous avons parlé en tête-à-tête comme ça, en fait.
Moi — C’est exact.
Étant donné qu’elle m’avait vu exceller aux échecs et au sprint, et plus récemment en mathématiques, il n’était pas difficile d’imaginer qu’elle se méfiait désormais de moi.
Mlle. Hoshinomiya — Tu as beaucoup attiré l’attention récemment, tu sais ? Je ne pensais pas que tu étais du genre à aimer te faire remarquer.
Moi — En effet, je n’aime pas ça.
Mlle. Hoshinomiya — Alors pourquoi cette note parfaite en maths ? Je veux dire, c’est bizarre que tu aies tout trouvé. Il y avait un problème auquel même moi je n’avais pas su répondre.
Du point de vue de quelqu’un qui se voyait potentiellement comme la rivale de Chabashira, il était logique qu’elle n’ait pas vraiment apprécié la façon dont les choses s’étaient déroulées, mais pour une raison quelconque, j’avais l’impression qu’elle s’en prenait à moi.
Moi — Vous êtes sûre ? Je pense qu’il y a beaucoup d’élèves de ce lycée capables de résoudre ce genre de problème.
Mlle. Hoshinomiya — Tu penses ? Hmm… Même si je suppose que tu as raison, je m’attendrais à ce que ce soit des élèves des classes A ou B. Dans quelle classe es-tu déjà, Ayanokôji-kun ? A… B… C… Ah c’est vrai, en classe D. D’ailleurs en disant « classe D » à haute voix, ça peut paraître grossier, mais la première chose qui me vient à l’esprit quand je dis ça, c’est un endroit minable avec plein d’enfants à problèmes. Et pourtant, tu veux me faire croire que parmi ces déchets se trouve un élève avec de telles capacités ?
Moi — Ce n’est que mon avis, mais les élèves de la classe D sont loin d’être des déchets. Certains ont même de très grandes capacités. Et il en va de même pour la 2nde D.
Mlle. Hoshinomiya — Euh… C’est peut-être vrai, surtout que la politique de l’établissement a changé cette année non ?
Elle savait pertinemment que je n’avais aucun moyen de savoir ce genre de choses. Pendant cette conversation inutile, la tâche de mesure de la force de préhension commença sous nos yeux, avec un élève en terminale nommé Oshio. Ils semblaient passer dans l’ordre d’inscription et parmi les participants se trouvait mon camarade de classe, Sudou. Les membres de son groupe, Ike et Hondô, n’étaient pas là, ce qui laissait penser qu’il s’était séparé des autres pour ne pas rater l’inscription.
Mlle. Hoshinomiya — Je reconnais qu’il y a des élèves exceptionnels en D mais je ne pense pas que ce soit suffisant. En ce qui te concerne, j’ai l’impression que tu as une grande influence sur ton entourage.
J’aurais influencé mon entourage ? Il était parfaitement impossible qu’une personne extérieure le sache. Elle semblait donc bien renseignée à mon sujet. Elle avait probablement rassemblé une grande quantité d’informations sans que je ne m’en aperçoive.
Mlle. Hoshinomiya — Bref, je me suis laissé emporter. C’est la première fois que je descends en classe C alors ça me fait bizarre. Je veux dire, il y avait pour moi toujours un ordre naturel dans les choses. La classe A était en compétition avec la B tandis que la classe C se doit de batailler avec la classe D. Je ne sais pas si tu comprends.
Si ce qu’elle disait était vrai, alors cet “ordre” était désormais révolu.
Mlle. Hoshinomiya — Je pensais vraiment pouvoir monter en classe avec ce groupe, mais…bon…
Elle exprimait ouvertement son insatisfaction d’être tombée en classe C.
Moi — N’est-ce pas votre devoir de professeur principal de réagir ?
Mlle. Hoshinomiya — Mon devoir de… ? C’est méchant !
Elle se couvrit les oreilles de ses mains, ne voulant plus rien entendre. On aurait dit une adulte qui n’avait pas encore fini de grandir, ou plus précisément, une femme qui n’avait jamais vraiment obtenu son diplôme après des années d’études.
Mlle. Hoshinomiya — Ah ! Je sais ! Tu sais quoi, j’ai une idée extraordinaire ! Tu pourrais venir dans ma classe, tout comme Katsuragi-kun a été transféré en classe B ! Qu’en penses-tu ?
Cela n’avait rien d’extraordinaire. Ishizaki aussi avait eu cette idée.
Moi — Je me demandais ce que vous alliez dire. Vous ne trouvez pas cette proposition un peu étrange ?
Mlle. Hoshinomiya — Tu ne voudrais pas viser la classe A avec nous ?
En parlant, elle tendit de nouveau le bras vers moi. Ses mouvements étaient ceux d’une femme qui considérait le contact physique avec le sexe opposé comme une arme, mais juste avant de toucher mon poignet, elle hésita. S’étant souvenue de mon précédent avertissement, elle retira sa main et secoua la tête à plusieurs reprises afin de se contrôler.
Moi — Je ne pourrais pas trouver 20 millions de points même en économisant jusqu’au diplôme. De plus, en l’état actuel des choses, même si je trouvais le moyen de réunir un tel nombre de points, il n’y a aucun moyen de savoir quelle classe sera la classe A à la fin. Ne pensezvous pas qu’il serait plus sage d’attendre jusqu’au dernier moment et voir comment les choses se passent ?
Sans compter qu’il était difficile de trouver des élèves intéressés par un transfert dans sa classe étant donné qu’elle venait juste de descendre en C.
Mlle. Hoshinomiya — Tu n’es pas obligé de le dire comme ça…
Si une personne parvenait à réunir le montant nécessaire au changement de classe, il était évident qu’elle ne le ferait qu’au dernier moment avant la remise du diplôme. À moins d’être recruté gratuitement, comme Katsuragi. Et encore, de façon générale, aucun élève n’accepterait une rétrogradation de classe, ce qui s’était passé était purement exceptionnel et un certain risque.
Tout à coup, les groupes d’élèves devant nous commencèrent à se gonfler d’excitation lorsqu’un nouveau résultat de première place apparut. Oshio, qui venait apparemment d’être relégué à la deuxième place, affichait une mine déconfite.
Mlle. Hoshinomiya — Sudou-kun a beaucoup changé, n’est-ce pas ? Je me demande qui est à l’origine de ça.
Moi — Pour la petite histoire, ce n’est pas moi.
Bien que j’aie pu y jouer un rôle, l’évolution de Sudou pouvait être attribuée pour l’essentiel à Horikita.
Peu après, tout le monde avait fini de faire mesurer sa force de préhension. Mais au final, personne ne battit le score de Sudou qui termina à la première place.
Avec cela, son groupe empochait cinq points supplémentaires, pour un total probable de huit. Comparé au maigre point que j’avais obtenu dans le même laps de temps, la différence était énorme.
Dès la fin de la tâche, les élèves commencèrent à se disperser, sans doute pour aller de tâche en tâche comme une volée d’oiseaux migrateurs.
Moi — Bon, je dois y aller aussi.
3
Ensuite, je me rendis à deux nouveaux sites de tâche. Mais à chaque fois, d’autres groupes avaient précédé mon arrivée, je n’eus jamais la chance de participer. Lorsque l’horloge sonna 13 heures, je me rendis à ma deuxième zone, B7, et ne gagnai que le bonus d’arrivée d’un point. À 15 heures, ma troisième zone fut annoncée en D7, comme la première. J’étais arrivé là il n’y a pas si longtemps, et n’avais gagné que la prime d’arrivée.
J’avais fait l’aller-retour et reçu 2 points pour mes efforts. Cependant, avec un total cumulé de seulement 3 points pour le premier jour, j’avais la certitude d’être l’un des groupes les moins bien classés.
Malgré cela, il n’y avait absolument aucune raison de se décourager. Ce n’était que le premier jour de l’examen et les différents groupes ne s’étaient pas encore répartis sur toute l’île. La compétition allait donc être féroce, quoi qu’il arrive. Même en redoublant d’efforts pour accélérer le rythme, cela n’allait rien au fait qu’il était difficile d’accumuler des points tout seul et que la consommation d’eau potable était également importante.
Les trois périodes de déplacement de la journée étaient terminés, et il était maintenant temps de se préparer pour demain.
— Senpai.
—
Je tombai à nouveau sur Nanase. Nos chemins se croisaient dans un endroit similaire à celui où elle et moi nous étions rencontrés ce matin.
Moi — C’est la deuxième fois aujourd’hui ?
Nanase — En effet. Quelle coïncidence.
Elle semblait à nouveau agir seule, car il n’y avait aucune trace de Hôsen ni d’Amasawa nulle-part.
Nanase — Comment ça s’est passé pour toi aujourd’hui ?
Moi — J’ai fait ce que j’ai pu et j’ai gagné 3 points. Et toi ?
Nanase — Eh bien, concernant les zones à atteindre, nous avons à nous trois cumulé 8 points. Je suis arrivée en retard à la deuxième zone, mais j’ai pris la première place à une tâche, ce qui nous fait un total de 13 points.
Moi — On dirait que tu as pris un bon départ.
Elle n’était pas arrivée à l’une des zones, mais ce n’était pas très grave. Dans les groupes de deux ou plus, tant que quelqu’un mettait le pied dans la zone désignée, cela ne comptait pas comme un “échec”. En fin de compte, en marquant des points sur les tâches, comme Nanase l’avait fait, l’opération était rentable.
Nanase — Eh bien, senpai, si tu veux bien m’excuser.
Nous nous séparâmes après une brève conversation qui ressemblait plus à un rapport de situation. Il était un peu moins de 17 heures. Je commençai à marcher dans la forêt, cherchant un endroit où camper pour la nuit.
Si je montais ma tente quelque part en plein soleil, la température intérieure augmenterait rapidement. Même après le coucher du soleil, il y avait toujours une chance que la chaleur ne se soit pas encore dissipée. Il était préférable de chercher un endroit qui n’était pas directement exposé au soleil. J’allai vers l’Est, m’arrêtant finalement quelque part près du bord de E7.
Entre les élèves, les professeurs et le personnel de gestion des examens, il devait y avoir plus de 500 personnes sur l’île. Mais en l’absence de zones désignées ou de tâches, on ne rencontrait jamais vraiment d’autres personnes.
D’une certaine manière, cela prouvait à quel point la forêt était dense.
À cause de la chaleur et de l’humidité, je choisis d’installer mon camp dans une zone relativement découverte. Je sortis la bouteille de deux litres de mon sac à dos et versai l’eau dans un gobelet en papier. Boire directement à la bouteille aurait permis aux bactéries présentes dans ma bouche de contaminer le reste de l’eau. Avec des températures aussi élevées, laisser les bactéries se développer à l’intérieur de la bouteille pouvait entraîner de graves problèmes de santé. Il ne fallait pas mettre sa santé en danger par manque de vigilance. Cela dit, une fois ouverte, l’eau en bouteille n’avait pas une très longue durée de conservation. Si je voulais boire l’eau pendant qu’elle était encore bonne, il fallait le faire avant la fin de la journée. Mais ce n’était pas vraiment une bonne idée avec un avenir aussi incertain.
Pendant le premier et le deuxième jour, il n’était pas difficile de survivre avec la nourriture et l’eau achetées en début d’examen. Mais une fois les réserves épuisées, la situation allait commencer à se détériorer. Bien sûr, il y avait toujours la possibilité de s’inscrire à des tâches pour obtenir des récompenses de participation. Cependant, d’après ce que j’avais vu sur ma tablette, il n’y en avait pas beaucoup qui entraient dans cette catégorie. De plus, il était certain que ces dernières étaient beaucoup plus soumises à concurrence.
J’allumai ma tablette pour réfléchir à tout cela. Il y avait eu un total de 68 tâches tout au long de la journée d’aujourd’hui. Bien que j’ignorais si des élèves avaient choisi d’y participer, 14 tâches offraient à tous les participants une certaine quantité d’eau minérale ce qui faisait un ratio d’environ une tâche sur cinq. Ce n’était pas beaucoup.
Ce qui était intéressant dans tout cela c’était celles qui étaient en réalité des mesures de soutien pour les élèves déguisées en pseudo compétition. L’ordre d’arrivée à ces tâches de soutien déterminait la quantité de secours reçue. L’élève qui arrivait premier obtenait 2 litres d’eau, le deuxième 1,5 litre et le troisième 1 litre. Tous les autres, du quatrième au trentième, recevaient 500ml. En contrepartie, ces tâches n’octroyaient pas beaucoup de points, la première place rapportant 3 points, la deuxième 2 points et la troisième 1 point. Mais même ainsi, elles étaient toujours extrêmement importantes, fournissant aux élèves un approvisionnement régulier en eau potable. Et il était certainement intéressant de noter que ces tâches de soutien représentaient 8 des 14 tâches qui fournissaient de l’eau aux élèves. Ainsi, le premier jour, non seulement il y avait 8 tâches avec des termes et conditions identiques, mais leurs emplacements physiques et les délais d’inscription avaient tous été très uniformément répartis également. Si ces tâches continuaient à apparaître à partir du deuxième jour, alors… Dès demain, j’allais passer aux choses sérieuses et redoubler d’efforts pour gagner des points et des ressources essentielles.
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Je me couchai tôt. Mais me réveillai au milieu de la nuit et m’assis.
D’après ce que je pouvais voir à travers l’interstice du tissu à mailles de ma tente, le monde extérieur était voilé dans une obscurité totale, à tel point qu’on ne pouvait même pas voir à un mètre devant soi. Les seules choses que j’entendais étaient le bourdonnement des insectes et le bruit occasionnel de quelque chose courant dans l’herbe.
Lorsqu’il s’agissait de camper au plus profond de la forêt, l’expérience entière se résumait à une bataille contre la solitude.
L’environnement était assez hostile pour des filles solitaires comme Horikita ou Ibuki. Rien que pour les toilettes, cela leur prenait davantage de temps et d’efforts pour trouver un lieu propice.
Je m’assis dans ma tente, retenant silencieusement ma respiration.
Pour moi, la difficulté était que… Le directeur provisoire, Tsukishiro, allait sans doute s’en prendre à moi à un moment donné, cherchant à me faire expulser. Si son plan était de m’attaquer de front, alors il comptait me faire terminer dans les cinq derniers groupes d’une manière ou d’une autre. Cependant, cette stratégie était beaucoup trop difficile à mettre en place puisque l’’élève avait un contrôle presque total sur sa capacité à gagner ou non des points.
Même si tout le monde allait d’abord penser à la survie sur l’île, je n’avais probablement pas à m’inquiéter de finir dans les cinq derniers groupes si je restais efficace dans les déplacements et les tâches. Le plus logique était que le directeur par intérim tente quelque chose de façon plus indirecte.
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Il pouvait essayer de me faire perdre des points en faisant en sorte que ma montre se casse ou fonctionne mal, mais une telle approche ne semblait pas très pratique.
Cependant, il était également possible qu’il ait mis en place une sorte de stratégie pour m’empêcher de marquer des points. Si ma montre et ma tablette avaient été trafiquées, je devais envisager la possibilité que les points actuellement affichés sur ma tablette ne soient pas vraiment là.
Bien sûr, si la différence entre ma montre et les registres internes de l’école était trop importante, je pouvais m’en plaindre aux professeurs, et c’est une chose que Tsukishiro souhaitait éviter. Hypothétiquement parlant, même s’il me faisait perdre trois jours de points, j’étais toujours capable de remonter la pente. Si son plan était aussi peu discret, M. Mashima et les autres parties concernées commenceraient à se douter de quelque chose. Au lieu de mettre en œuvre une stratégie aussi grossière, il était plus logique qu’il adopte un angle d’attaque plus subtil.
Donc, du point de vue de Tsukishiro, quel était le meilleur moyen de me faire expulser de l’école ? Eh bien, si je disposais d’un atout tel que l’élève de la White Room, alors je lui dirais probablement de me pousser à l’abandon sur maladie ou blessure. Par exemple, avec une blessure grave tel un bras cassé, l’établissement me jugerait instantanément inapte à poursuivre l’examen. En d’autres termes, je l’inciterais à lancer une attaque contre moi, ici, dans cette vaste forêt non surveillée.
C’était un moyen simple et efficace de me faire expulser. Après tout, même l’établissement allait avoir du mal à déterminer l’origine mes blessures. Étant issu de la White Room, j’étais certain que leur exécuteur avait les compétences nécessaires pour faire passer tout cela pour un accident.