Après la fin du festival de printemps, aucun autre évènement majeur n’est advenu, et la vie de Lith repris son cours habituel.
Solus s’est avérée être d’une aide précieuse pour la formation magique de Lith. Bien qu’elle ait perdue toutes ses connaissances passées et qu’elle soit assez naïve dans l’ensemble, elle était de loin la plus brillante d’eux deux.
Solus n’était pas limitée aux cinq sens des humains, mais en avait douze, et elle était certaine qu’en retrouvant ses pouvoirs, elle serait capable d’en éveiller encore plus.
Le sens du mana de Solus a aidé Lith à mieux comprendre les lois de la magie qui déterminent le talent inné et la capacité du mana.
Son sens du mana était similaire à la vision de vie de Lith, mais plus précis et plus exact. Solus pouvait réellement voir le mana s’écouler des brins d’herbe et même des cailloux. En regardant quelqu’un, elle était immédiatement capable de saisir son talent magique.
Plus important encore, elle était capable d’utiliser son sens du mana sur les souvenirs de Lith. Selon Solus, toutes les informations nécessaires pour utiliser le sens du mana étaient également contenues dans le spectre visible, mais les humains n’avaient pas les moyens de les interpréter.
« Quand tu étais sur Terre, tu n’avais pas de noyau de mana. Ton monde d’origine n’avait pas de mana du tout. La même chose est vraie pour le vaisseau spatial étranger.
Mais quand tu es né ici, tu as commencé avec un tout petit noyau de mana rouge sang. En absorbant et en traitant l’énergie du monde avec ta technique de respiration, tu a réussi à le faire passer du rouge à l’orange. »
« Quatre ans d’entraînement acharné juste pour passer au rang suivant ? » Lith était assez déprimé par cette nouvelle.
« Pas tout à fait. Ton noyau de mana continue également à changer et à se développer au fur et à mesure que tu grandis, et cela arrive à tout le monde aussi. Au moment de ta naissance, le noyau de mana de Tista était déjà rouge coquelicot, et devenait plus lumineux chaque année.
Pour l’instant, il est orange clair, et je ne serais pas surpris qu’après sa dernière poussée de croissance, il devienne jaune, ou même vert. Elle semble être assez douée pour la magie. » Dit Solus.
« Et où est-ce que ça me mène ? » Lith se sentait encore plus mal dans sa peau.
« Suis-je vraiment un échec, inutile ? L’apparence, le talent, je ne peux pas avoir quelque chose de bien ? » Pensait Lith.
« Arrête de te morfondre et écoute-moi. Tu oublies toujours que tu as deux ans de moins et que je ne sais pas si les hommes et les femmes développent leurs noyaux de mana à des rythmes différents.
De plus, l’utilisation constante de l’Accumulation m’empêche de comprendre la qualité de ton talent de base. Après chaque cycle d’expansion et de compression, ton noyau de mana devient un peu plus brillant.
« Chaque fois que tu expulse des impuretés de ton noyau de mana, il passe au niveau suivant. Pour l’instant, il est d’un vert profond. » Dit Solus.
« C’est moi, ou la force du noyau de mana semble être liée au spectre de la lumière ? » Se demandait Lith.
« Un prisme peut décomposer la lumière blanche en ses composants de base : rouge, orange, jaune, vert, cyan, bleu, violet. »
« Je suis d’accord » L’esprit de Solus acquiesça. « Mais cela pourrait aussi être lié au feu. Les flammes suivent le même principe. Une étoile jaune est plus froide qu’une étoile verte et ainsi de suite. Notre vraie question est : Quelle est l’étape finale pour qu’un noyau de mana devienne violet ou blanc ?’
« Je commence à avoir un mal de tête aigu. Nous allons faire face à cette situation comme je l’ai fait pour l’université sur Terre : une session d’examens à la fois. Même à l’époque, si je commençais à penser à tous les examens que je devais passer pour obtenir mon diplôme, pour ensuite recommencer pour ma maîtrise, je tombais dans une profonde dépression. » Le souvenir le fit frémir.
« Concentrons-nous sur le présent. Je suis vert foncé, et Nana ? »
« Elle est la seule personne à avoir un noyau de mana cyan clair. Pour être née avec un tel talent, elle est vraiment impressionnante. »
« Y a-t-il d’autres talents dans le village ? » Lith devait être conscient de la concurrence possible.
« Non. L’enfant malade que le comte Lark a amené avait un noyau mana jaune vif, mais je ne pense pas qu’il habite dans le coin. »
Lith a soupiré, toutes ces informations l’avaient bouleversé. Pendant tant d’années, il s’était fait des illusions en pensant qu’il était spécial, plus fort que quiconque.
Maintenant, il se sentait comme la grenouille dans le puits, découvrant enfin l’immensité de la mer.
« Assez de se morfondre, retroussons nos manches et travaillons dur. Rien de ce qui vaut la peine d’être obtenu ne vient facilement. »
Lith et Solus continuèrent à s’entraîner ensemble pendant toute l’année, se rapprochant de plus en plus l’un de l’autre, comme des faux jumeaux.
L’anniversaire de Lith était à l’automne, mais toutes les activités importantes du village étaient suspendues jusqu’au printemps suivant. Comme l’offre de Nana consistait à remplacer les deux années d’école publique par un apprentissage, Lith dut attendre le printemps pour commencer son éducation magique.
À la fin de l’hiver, le temps s’est éclairci, et les échanges entre le village et les fermes sont devenus de plus en plus fréquents.
Grâce à cela, Nana a pu faire connaître à Lith la date qu’elle avait fixée pour le début de son apprentissage. Elle avait confié le message à l’un de ses voisins qui était venu la voir pour soigner une vilaine blessure subie en réparant le toit.
Le jour venu, Lith se réveilla tôt, déterminé à respecter sa routine de nettoyage de sa maison et de celle de Selia avant de se rendre au village.
La chasseuse avait tant fait pour lui que Lith la considérait comme une tante. Une tante avare, acariâtre, qui faisait des marchés de dupes, mais une tante quand même.
Ce matin-là, la maison était en ébullition. Tous ses proches étaient tellement excités à l’idée d’avoir un futur mage dans la famille, qu’ils pouvaient à peine manger leur petit déjeuner. Ils préféraient passer tout leur temps et leur énergie à lui donner des conseils non désirés et évidents.
« Ne sois pas en retard. Il vaut mieux être un peu en avance plutôt que d’arriver en retard. » Lui dit Raaz.
« Sois obéissant et respectueux. Nana te donne une grande chance ! » a dit Elina.
La raison pour laquelle tout le monde était autant sur les nerfs était qu’ils considéraient que le premier jour était d’une importance vitale et que Lith devait se rendre seul au village.
La maison avait grand besoin de réparations. Avec l’absence d’Orpal, ils avaient besoin de tout le monde sur le pont pour s’occuper des champs et des animaux.
Cela ne dérangeait pas Lith, ce n’était qu’une promenade de trente minutes qu’il avait faite d’innombrables fois. Raaz et Elina, par contre, avaient l’impression d’abandonner leur enfant au moment où il en avait besoin.
Lith s’est précipité hors de chez lui, pour échapper à leurs inquiétudes. Il était très calme à propos de l’apprentissage. Ce n’était pas son premier rodéo.
Pourtant, ils avaient réussi à le rendre nerveux comme un adolescent attendant son premier rendez-vous.
Après avoir fini les corvées chez Selia et récupéré son paiement habituel, Lith regardait le soleil avec agitation.
Bon sang, ce n’est pas encore l’aube. J’étais là, à trembler de peur. J’ai encore beaucoup de temps.
Lith marcha d’un pas rapide vers le village en espérant que, lorsqu’il arriverait, Nana serait au moins déjà réveillée. Arriver si tôt pour lui donner le réveil aurait été bien embarrassant.
A mi-chemin de la route, Lith a remarqué quelque chose de bizarre. Il y avait un cavalier sur le bord de la route.
Il était déjà inhabituel de trouver un étranger si tôt le matin, mais ce qui l’alarmait vraiment, c’était que l’homme ne bougeait pas. Qui que ce soit, il était clairement en patrouille.
Dès que le cavalier remarqua Lith, il sorti un sifflet argenté de sous sa chemise et souffla dedans, émettant un bruit aigu.
Lith continuait à avancer, mais lentement, prêt à réagir à tout moment.
Bientôt, quatre autres cavaliers se sont joints à l’éclaireur et ont commencé à trotter vers Lith en formant une flèche.
Lith a arrêté de bouger, de nombreux sorts à portée de main.
« Petit, es-tu Lith ? Fils de Raaz et Elina ? »Lui demanda le cavalier de pointe.
C’était un homme d’âge moyen, aux cheveux et aux yeux bruns. Il avait une moustache parfaitement taillée, et tout, de sa posture droite à son ton de commandement, l’identifiait comme un commandant militaire de quelque sorte.
Lith regarda attentivement et remarqua que tous les cavaliers avaient la même vibration, marchant parfaitement alignés. Pourtant, ils portaient des vêtements décontractés. Des chemises blanches sur des pantalons de chasse en cuir.
« Ce n’est pas un peu tôt pour sortir sans la veste en cuir assortie ? » Pensa Lith. « A moins qu’ils n’aient besoin d’éviter de montrer les insignes de la maison. »
« Qui êtes-vous, monsieur ? Ma mère me dit toujours que je ne suis pas censé parler aux étrangers. » Lith décida de gagner du temps pendant que Solus et lui vérifiaient les alentours à la recherche de guetteurs ou d’éventuels renforts encore cachés.
« Je ne perçois que cinq hommes humains avec une force physique supérieure à la moyenne et des noyaux de mana rouge foncé.’ » Lui rapporta Solus. C’était le même constat que celui de Lith avait fait avec la vision de vie, mais quatre yeux valaient mieux que deux.
« Je pose les questions, gamin. Es-tu le Lith qui est censé commencer son apprentissage aujourd’hui ? »
Lith grimaça.
Celui qui a envoyé cet homme de main en sait beaucoup trop sur moi. pensa Lith.
« C’est moi. » Répliqua férocement l’intéressé. « Et ça ne te regarde pas. »
« Je suis ici pour te donner un conseil d’ami, petit. Aujourd’hui tu te sens très mal, et il vaut mieux que tu rentres chez toi et que tu restes au lit toute la journée. »
La colère de Lith commençait à grandir et il ne se souciait pas de la cacher.
« Je me sens parfaitement bien, merci. Maintenant, filez ! »
Les cinq hommes abaissèrent leurs mains vers leurs armes accrochées à leurs ceintures, les rênes tenues fermement, prêts à charger.
« Dernière chance, petit. Fais demi-tour maintenant. Je sais que tu as une si jolie maison et une si belle maman. Sans parler de tes deux superbes sœurs prêtes à tout. Ce serait vraiment triste si quelque chose de mal leur arrivait. »
Lith a libéré une aura meurtrière si puissante que les chevaux ont fait un pas en arrière. Son mana et sa haine se mêlaient pour générer l’équivalent d’une aura de peur. Les poils de la nuque des cavaliers se sont soudainement dressés.
« Je voulais la jouer gentil et doucement, mais je viens de changer d’avis. »
D’un balayage de sa main droite, cinq lames de vent frappèrent les jambes des chevaux, les faisant gémir de douleur et s’effondrer sur le côté.
« Maintenant, vous ne pouvez plus reculer. »
L’homme à la moustache et son bras droit avait réussi à descendre de selle avec une roulade, évitant de se faire écraser par le cheval qui tombait. Les trois autres n’étaient pas aussi habiles.
« Tuez-le ! Allez-y ! Allez-y ! Allez ! »
« A genoux ! » La voix de Lith était froide, ses mots tombaient sur les deux hommes comme des blocs de pierre, les faisant instantanément tomber à genoux.
La magie spirituelle de Lith était plus forte que jamais, et il ne se retenait pas du tout.
« Qu’est-ce que c’est que ça ? Sergent, je ne peux pas me lever ! » Cria le bras droit de l’homme de tête qui se débattait sur le sol.
« Je ne t’ai jamais permis de parler ou de me regarder. J’ai dit à genoux ! » Une autre vague, encore plus forte que la précédente, poussa leurs têtes vers le sol.
Bien qu’ils aient lâché leurs armes pour absorber l’impact avec leurs mains, ils ont tout de même frappé le sol si fort qu’ils commencèrent à saigner.
« Beaucoup mieux. Maintenant, laissez-moi me débarrasser des ordures avant de reprendre notre conversation. » Lith s’est dirigé vers le cavalier le plus proche. Il était toujours sous son cheval, sa jambe était coincée et cassée, le faisant hurler et grimacer de douleur.
D’un geste de la main, Lith lui a tourné la tête à 180°. Le cou du cavalier s’est brisé comme une bûche sèche jetée dans le feu.
« Ne t’approche pas ! Ne t’approche pas de moi, monstre ! » Hurlait le suivant, pleurant de désespoir.
« Suis-je un monstre ? N’est-ce pas toi qui étais prêt à brûler une maison pleine d’innocents, pour violer un enfant d’à peine huit ans ? » Sans attendre sa réponse, Lith a serré le poing, déformant la tête de l’homme avant de la faire imploser comme une noix.
« S’il vous plaît, s’il vous plaît ! Ce n’est pas ma faute ! Ayez pitié ! Je ne faisais que suivre les ordres ! » Dit un beau jeune homme blond en essayant de libérer sa jambe coincée.
« Je ne faisais que suivre les ordres… Je pourrais te faire la leçon sur les nombreuses atrocités commises par des hommes comme toi avec une telle excuse. Mais tu vois, je suis exactement la même chose. Moi aussi, je ne fais que suivre les ordres ! Les miens pour être précis ! » Un déluge de feu frappa le cheval et le cavalier, les transformant en un bûcher qui hurlait d’agonie.
Lith est retourné vers les hommes agenouillés. Ils luttaient toujours pour échapper à son contrôle, leurs visages pâles comme des fantômes, serrant les dents tout en exerçant chaque once de leur force.
« Je suis désolé. » Déclara Lith avec un sourire de chérubin tout en les laissant relever la tête.
« Mais mon sort de marionnettiste n’est pas si simple. Il faut plus qu’un soupçon de force et une cuillerée de vœux pieux pour y échapper. »
Les deux hommes voulaient implorer la pitié, mais leurs bouches refusaient de s’ouvrir. C’était comme si leurs dents étaient soudées l’une à l’autre.
« Maintenant, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise nouvelle, c’est que je n’ai pas besoin de vous deux. Entre le chef de meute et un laquais, le choix est évident. La bonne nouvelle, c’est que je vous laisse la parole. Un dernier mot ? »
« Je vous en prie, ne le faites pas ! Je viens de me marier, j’avais besoin de l’argent du prix de mon Seigneur ! Ma femme attend un enfant ! Je ne pouvais pas me permettre de perdre ma position. »
Lith a émis un rire cruel et sans joie.
« Nous devrons accepter d’être en désaccord. Tu dis femme, mais je n’entends que veuve. »
Lith a posé sa main gauche sur la tête de l’homme, la transformant en un bloc de glace.
Il est tombé sur le sol, se brisant en d’innombrables éclats d’os, de peau et de matière cérébrale.
L’homme à la moustache a commencé à vomir de façon incontrôlée, mais sa bouche était toujours fermée hermétiquement. Un peu de vomi parvenait à s’échapper de son nez, le reste, il était obligé de l’avaler encore et encore, pour ne pas s’étouffer.
Lith leva sa main droite, faisant flotter l’homme à la moustache dans les airs, la tête en bas, afin qu’il puisse le regarder droit dans les yeux.
« Maintenant, tu n’as que deux choix. Tu peux me dire ce que je veux et mourir sans trop souffrir. Ou tu peux continuer à résister, souffrir d’une douleur et d’une agonie inimaginables avant de me dire ce que je veux savoir. Il te reste ton libre arbitre après tout. »